Comme tous les ans, les institutions européennes célèbrent à grands frais la journée de l’Europe, le 9 mai. Cette date est celle d’un discours de Robert Schuman, alors ministre français des Affaires étrangères (ce n’était bien sûr plus dans le gouvernement Pétain auquel il participa de mai à juillet 1940 mais entre 1947 et 1952) et présenté comme le fondement politique de la construction européenne. Cette année 2010 marque le 60ème anniversaire dudit discours, que personne en Europe n’a jamais vraiment lu.
Au Parlement européen et dans les autres institutions bruxelloises, cet événement est marqué par des journées portes ouvertes, sorte de foire et gigantesque débauche de moyens de communication pour attirer les badauds du samedi après-midi dans les luxueux bâtiments où ils vont avidement s’arracher les gadgets qui leur sont généreusement distribuées (ballons, T-shirts, stylos, crayons, porte-clefs, décapsuleurs, casquettes, parapluies, brochures, livres, publications diverses, puzzles, sacs, cartes d’Europe et autres). Loin de comprendre ce qui s’y passe, la plupart des gens sortent avec le ballon bleu du parti populaire européen, le rouge des socialistes, le blanc des libéraux et le vert des verts, comme s’ils étaient purement décoratifs.
Dans un cadre national, cela ne se verrait pas car le citoyen "choisit son camp", il connaît ses élus et est prêt à débattre de convictions et d’opinions tranchées. Le Parlement européen est, lui, perçu comme une administration, "c’est bien, puisque c’est l’Europe". Cela dit, une des entrées du Parlement européen se situant à proximité de la gare SNCB, une affichette précise à l’attention des personnes déboussolées par l’immensité grise qu’il ne s’agit pas de la gare ferroviaire ! Ce qui en dit long sur la proximité des citoyens avec leur représentation démocratique... Néanmoins, pour les gentils agents des groupes politiques ou de l’administration qui ont donné de leur temps un samedi pour l’élévation européenne du peuple, une journée de récupération est quand même prévue.
Voilà pour le 8 mai à Bruxelles. Le 9 mai à Strasbourg, l’UE va encore se parer, selon le programme officiel, des atours d’un Etat avec à midi sur le parvis du Parlement européen une "cérémonie de levée des couleurs en présence des autorités européennes, françaises et allemandes". On aura donc droit au discours du Président Buzek (président du Parlement européen) et des quelques autres invités, à la lecture de la fameuse déclaration Schuman, à la "levée du drapeau européen" ainsi qu’à "l’interprétation de l’hymne européen par une fanfare militaire". Ca alors ! Nous qui pensions que les symboles et attributs étatiques avaient été expurgés des textes européens. Ah oui ! Des textes, seulement...
Enfin, le Parlement européen envoie une délégation à Shanghai à la fin du mois de mai pour entretenir les relations avec la Chine et accessoirement visiter l’Exposition Universelle qui s’y tient. Dans le concert des Nations qui exposent, on trouve un pavillon conjoint de la Belgique et de l’Union Européenne, pavillon au centre duquel trône un neurone géant et dont la mascotte est un Schtroumpf !
Selon le site internet de l’Expo 2010, la structure du pavillon en forme de neurone reflète la richesse artistique de la Belgique et de l’Europe, ainsi que les réussites scientifiques qui contribuent au développement et à l’enrichissement de l’héritage culturel et intellectuel. Mais surtout, l’UE est à Shanghai la seule Organisation ayant un pavillon avec un Etat et dans une section destinée aux Etats. Les autres Organisations internationales intergouvernementales (OIG) représentées - telles l’ONU et les OIG asiatiques - le sont entre elles dans la section B. Les organisations infra-étatiques (régions chinoises) ou privées sont également dans des sections spécifiques de l’exposition. L’UE, elle, est avec les Etats...
Pour le directeur du pavillon européen, qui souhaite montrer "l’European way of life", "le public chinois perçoit l’UE comme un "super-Etat", ce qu’elle n’est pas en réalité, donc - précise t-il - de l’extérieur, le public chinois a une vision beaucoup plus concrète que nous". C’est peut-être justement cette méthode (dite méthode Monnet) que le directeur de cabinet de Michel Barnier qualifiait récemment de "tradition européenne d’ambiguïté constructive !" De loin, tout porte à croire que l’UE est un "super-Etat" en gestation et les extra-Européens voient ce que nous ne voyons pas, ou... que l’on nous cache. Comme dit le Renard : "On ne voit bien qu’avec le cœur", mais là, le cœur n’y est pas.