La Commission des finances du Sénat a voté, mardi 4 mai dans la soirée, en faveur du plan d’aide d’urgence français à la Grèce. Ce dispositif, composé de prêts bilatéraux d’un montant total de 16,8 milliards d’euros sur trois ans, dont 3,9 milliards en 2010, devrait être adopté par le Sénat jeudi. Il l’a déjà été par l’Assemblée nationale dans la nuit de lundi à mardi.
A la faveur de l’examen de ce dispositif, la Commission des finances entend faire passer un message : "La crise grecque est un révélateur. Elle doit vraiment nous persuader que nous avons, en France, le dos au mur", assurent son président, Jean Arthuis et de son rapporteur général, Philippe Marini. Non pas, selon eux, que la France soit menacée, dans l’immédiat tout du moins, de subir une pression des marchés financiers comme l’a connue la Grèce. Son déficit public, son endettement et le niveau de la croissance de son économie (le PIB) ne sont pas de même ampleur.
Pour autant "il faut bien avoir conscience", relève Philippe Marini, "que la limite de soutenabilité de la dette est plus vite atteinte aujourd’hui dès lors que la croissance plafonne et que les déficits que l’on pouvait se payer avec 4 % à 5 % de croissance, on ne peut plus se les payer avec une croissance à 1 % ou 1,5 %".
"UN RISQUE ÉNORME, SYSTÉMIQUE"
La croissance attendue cette année en France devrait osciller entre 1,3 % ou 1,5 %, selon les estimations. Les prévisions de déficit public portent sur 8,2 % du PIB, après un déficit de 7,9 % en 2009. L’endettement public devrait atteindre 83,2 % du PIB, contre 77,4 % en 2009. "Tout cela veut dire que l’on ne peut plus continuer à faire ce que l’on a fait depuis des années, c’est-à-dire ne jamais tenir nos engagements sur le déficit et la dette", poursuit Philippe Marini. "Le cas grec nous montre que si, à partir d’aujourd’hui, on estime pouvoir continuer comme cela, on prend un risque énorme, systémique."
"Il faut franchir une étape qualitative décisive à la faveur du cas grec", renchérit Jean Arthuis. En a-t-on pris le chemin ? "Oui", estiment MM. Arthuis et Marini. Mais à la question de savoir sur quoi repose ce sentiment, ils se contentent d’évoquer une "prise de conscience".
C’est le projet de loi de finances pour 2011, actuellement en cours de construction, qui devra en témoigner. Il va devoir acter que la France tient son engagement de ramener son déficit public à 6 % du PIB. Des données un peu plus précises que de simples engagements doivent être communiquées à la Commission européenne début juin. Et un débat d’orientation budgétaire aura lieu au Parlement fin juin, début juillet. Auparavant, une Conférence sur les déficits, convoquée à l’initiative du président de la République, doit se tenir le 20 mai. Un premier rendez-vous avait déjà eu lieu en janvier. Il s’agit d’essayer de tracer de nouvelles règles de gouvernance.
"L’ÉDICTION DE RÈGLES EST PARFOIS UN AVEU D’INCAPACITÉ À FAIRE"
L’idée de mettre en place une "règle d’équilibre" des comptes publics a notamment été avancée par Nicolas Sarkozy. Un groupe de travail, présidé par Michel Camdessus, l’ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI), a été chargé d’y réfléchir.
"Imposer des normes, une discipline, c’est bien, mais une volonté et une capacité à mettre en œuvre cela paraît plus essentiel, car ce qui compte c’est le contenu, pas le contenant", estime toutefois Philippe Marini. "L’édiction d’une norme, cela peut rassurer les marchés… momentanément. Mais si la culture n’est pas à la rigueur, on peut mettre en place toutes les règles que l’on veut. L’édiction de règles est parfois un aveu d’incapacité à faire, cela donne bonne conscience", ajoute Jean Arthuis.
Aux yeux du président et du rapporteur général de la Commission des finances du Sénat, l’urgence serait plutôt à "la mise en place de règles de procédure". "Il faut ainsi que toute discussion sur une disposition qui modifie le solde (l’équilibre recettes-dépenses) se passe dans le cadre de l’examen du projet de finances ou du projet de loi des finances de la sécurité sociale", avancent-ils.