On est tous gourmands, c’est un menu péché, pas encore un vice, sauf si on grignote du matin au soir des chips, des Triangolini, des Doritos, des barres chocolatées industrielles à 2 % de chocolat à l’intérieur, des bonbons chimiques... Et qu’on finit en dépression avec un diabète de type 2.
Si la gourmandise est inhérente à l’homme (et au chien, et au chat, et surtout à la femme), elle doit être nourrie avec des produits qui font sens, et on ne dit pas ça pour que ça rime avec Au Bon Sens, mais c’est la seule façon de faire cohabiter le menu péché et la nutrition, pour donner un plaisir qui ne se paye pas métaboliquement.
Comment faire pour devenir gourmand de bonnes choses, c’est-à-dire détourner sa gourmandise des choses attirantes mais de petite valeur, ou vertu, pour aller vers des choses en apparence moins attirantes, mais plus vertueuses pour le corps, sur la durée ? Il y a un parallèle facile que nous ne ferons pas avec les dames de petite vertu, ce n’est pas l’objet de cet article.
À 5’20, ce prêtre évoque « les manières chrétiennes de table », le grignotage et la retenue. Des principes qui vont être difficile à vendre dans les kebabs et tacos des quartiers, mais on n’a jamais dit qu’évangéliser serait un métier facile.
« On va circonscrire le plaisir de la bonne chère uniquement au moment où on passe à table, avec une nécessaire convivialité et avec un certain nombre de bonnes manières que l’on doit respecter afin de rendre possible le plaisir de la bonne chère. Tout ce qui est hors du moment où on est à table peut entraîner un dérèglement. Le grignotage hors repas, qui est condamné aujourd’hui par le discours diététique, est condamné par l’Église dès le Moyen Âge, comme étant la preuve d’un dérèglement alimentaire. »
Aujourd’hui, on ne défend pas les grignoteurs, mais c’est l’assemblée autour de la table, à la manière de la Cène, qui est chamboulée, avec la famille qui part dans tous les sens, chacun dans sa chambre avec son portable et son grignotage. La famille, c’est surtout ce repas commun, nous dirons la petite cène, la cènette (mieux que la dînette).
Si la famille est la cellule de base de la société, alors la table est le noyau de la cellule familiale.
Nous avons donc démontré qu’on pouvait gourmander sans tomber dans le vice de la gourmandise comme l’entend l’homme de la rue. On ne va pas non plus organiser un repas spécial pour goûter un chocolat, mais la vie est suffisamment dure pour qu’on ne se prive pas de petits plaisirs. La question est toujours la mesure. On sait tous que la retenue augmente le plaisir qui va suivre, ça marche pour la table comme pour le lit.
Certes, il y en a qui ne peuvent pas se retenir, soit par manque de volonté, soit par pathologie. Comme toujours, c’est inné ou acquis, ou un peu des deux. Mais on remarque que la société actuelle – maintenant on dit le Système (c’est moins anonyme et plus politique) – fait tout pour que la volonté personnelle soit affaiblie, que le plaisir soit immédiat.
La nourriture peut elle aussi être une arme contre la volonté ! Avec des choses chargées de sucre ou de sel, addictives, bien présentées, vendues par des femmes aguichantes, on pousse au péché. Le régime néolib pousse au péché (qui rapporte), comme Satan, et là on retombe sur les pattes de notre homme d’Église sur KTO (en fait il s’agit d’un chercheur du CNRS, mais il ressemble à un curé).
On a beaucoup parlé ici des vertus de la privation volontaire. Eh bien la diète n’est pas antinomique du picorage, de la gourmandise calculée : il suffit que les douceurs absorbées aient un sens, nutritionnellement parlant. C’est donc à la fois bon, et pas du tout mauvais !
Conclusion : la gourmandise est un vilain défaut, sauf si on sait ce qu’on mange et ce dont on a besoin.