Nouveauté Kontre Kulture : Sociologie du hardeur de Lounès Darbois
30 août 2018 16:16, par RobespierreJe pense avoir fait le tour de tout ce que peut produire l’industrie pornographique. Tout. Par faire le tour j’entends en venir à passer plus de temps à essayer de trouver une vidéo qui suscite encore un brin de curiosité avant de la hacher rapidement en fragments de séquence, survolant les différentes étapes codifiées de ces narrations mécanisées, jusqu’à atteindre le résultat attendu : tension, relâchement brutal, décharge d’ocytocine. La démarche fut pleinement consciente, à la manière de certains fumeurs dont on dit qu’ils ont arrêté en s’enfilant une cartouche dans la même journée.
Je n’ai jamais bien compris la honte que ressentent certains, la flagellation qu’ils s’infligent. Non que je juge. Je ne la comprends pas. Plus exactement, je ne la comprends plus. Simplement j’ai suivi Diogène à une échelle modeste. Alors qu’on s’offusquait qu’il se masturbât sur la place publique il lança « Plût au Ciel qu’il suffit de se frotter le ventre pour ne plus avoir faim ! » Il s’agit de trouver sa liberté en ne laissant pas quelque chose d’assez peu intéressant polariser l’attention, envahir la conscience jusqu’à transformer cet insignifiance en ennemi qu’il faudrait vaincre épiquement.
Dans mon cas cela a consisté à me gaver de chocolat jusqu’à la crise de foie. La porte de la Barbe bleue est bonne pour les enfants, même nécessaire ; j’ai vieilli. Non que je ne regarde jamais de pornographie en m’astiquant l’asperge. Mais ce n’est plus une pulsion compulsive, impérieuse, chargée de l’infantile excitation de la transgression. C’est devenu juste un moyen très occasionnel de relâcher la tension, plutôt que de prendre un verre d’alcool, de fumer une cigarette ou pire de finir comme tous ces pauvres gens — il n’y a pas de mépris dans le choix de « pauvres » — assommés par des cachets. Je ne me dis pas que plutôt que regarder une vidéo porno, je ferais mieux d’aller courir ou de tracter de la fonte. Je ne crains pas non plus que la pornographie ait le pouvoir de remplacer mon désir pour ma compagne, sa peau tiède et douce, son odeur, sa chair, la forme de son dos et de ses hanches, sa voix. La pornographie est désormais confinée dans son monde, spectaculaire, qui n’est pas ma vie. Pas plus que je ne suis un personnage de film.
D’où mon agacement quand je vois un artiste révolutionner le monde en déféquant, où les seins de la dinde radiophonique. Pauvres cloches... si vous saviez. il y a des gouffres d’images morbides et des néants de souillures que vous ignorez.