Une fois n’est pas coutume, Youssef Hindi produit un article soigné, sourcé et méticuleusement ordonnancé, qui explore les paradoxes, les ambivalences, voire la duplicité du sionisme trumpien. Ce travail est d’autant plus juste qu’il déserte les stéréotypes, les sentences caricaturales et les jugements à l’emporte pièce de ceux qui ne rendent pas justice à l’intelligence tactique de Donald Trump.
L’affairiste carnassier est un animal politique hors norme qui maîtrise le discours populiste, galvanise les foules grâce à un programme qui rassure par sa radicalité et cultive, via une faconde ironique, une proximité humoristisque avec ses électeurs : Donald Trump est le metteur en scène de Donald Trump.
Trump est donc sioniste par habitus et héritage culturel, plus que par conviction profonde. Je suggère à Youssef Hindi la piste de réflexion suivante : la Compagnie des marchands aventuriers de Londres, ancêtre de la City, a financé en 1620 le voyage du Mayflower, bateau contenant une centaine de puritains dits séparatistes, qui quittaient Plymouth pour fonder une colonie regénérée en Amérique. Ces marchands aventuriers spéculateurs sur la misère économique et la gronde religieuse sous Elisabeth 1ère, endettaient les pèlerins dans l’attente d’un retour sur investissement.
Les présidents américains sont certes inféodés à l’AIPAC, mais cette explication est insuffisante pour rendre compte de la genèse de leur sionisme : être Américain, c’est se reconnaître comme colon et héritier d’une épopée coloniale proto-sioniste impulsée par l’extrémisme religieux et financée par le capital de la ligue des marchands londoniens et hollandais.
Par conséquent, aucun candidat à la Maison Blanche ne saurait se départir d’un sionisme qui n’est pas une idéologie d’adoption intégrant un débat politique conjoncturel , mais l’identité définitoire du peuple américain, le sédiment historique, culturel et géographique de la colonie du Nouveau Monde : s’il n’est ni sujet à débat ni affaire de conscience pour Trump, c’est parce que le sionisme est la pierre angulaire de l’épigénétique américaine.