De nos jours encore, à Dunkerque, on rend hommage (et pas seulement pendant le carnaval) au grand marin Jean Bart, enfant de cette ville. Voici le récit d’une de ses plus glorieuses actions, réalisée sur volonté personnelle du Roi, en 1694.
« Afin de nourrir le royaume, si éprouvé par la rudesse de deux hivers et une disette générale, Louis XIV avait fait acheter en Pologne une énorme quantité de blé. “Pour en assurer le transport, on l’embarqua sur des vaisseaux suédois et danois, que la neutralité mettait en état de trafiquer librement par toute l’Europe.”
Lorsque, le 29 juin, Jean Bart partit au-devant de ce convoi avec six frégates, il le surprit arraisonné par huit vaisseaux hollandais qui le détournaient vers des ports ennemis. Sans se préoccuper de son infériorité en navires, en hommes et en artillerie, sans même répondre à la canonnade, Bart aborda le vaisseau du vice-amiral néerlandais et s’en empara après une demie-heure de combat. Sa petite escadre prenait deux autres vaisseaux, mettant le reste en fuite.
Nos frégates ramenaient à Dunkerque les trois vaisseaux de prise et trente marchands. Quatre-vingts navires céréaliers continuaient sur Calais, Dieppe et Le Havre à la barbe des croisières anglaises. "Cette action, commente le marquis de Dangeau, est très glorieuse pour Bart, très utile pour l’État et a fait grand plaisir au Roi." Au Grand Siècle, il est accoutumé, en effet, de faire passer la gloire avant l’utilité dans les récits de guerre. Mais il n’est pas sans intérêt, de nos jours, de souligner combien, ici encore, se confirme le souci de Louis XIV de tout faire pour diminuer la famine ».
in François Bluche, Louis XIV, Fayard, 1986, "La guerre de dix ans".