Charles de Gaulle, 78 ans, président de la République française, janvier 1969, cérémonie des voeux aux ambassadeurs, extrait d’un article publié dans Paris-Match n°1027, semaine du 11 janvier 1969, page 5, après qu’Israël (le 28 décembre 1968) ait détruit treize avions civils se trouvant sur un aéroport au Liban :
"De mémoire de diplomate, cela ne s’était jamais vu. Sous les lustres magnifiques et géants ils sont alignés en bon ordre le long de l’immense salle des fêtes... Le nonce apostolique Mgr Bertoli vient d’achever son compliment en termes tout à fait classiques et traditionnels.
Le général s’éclaircit la voix pour lui répondre. Il cesse, lui, rapidement, d’être classique. "Les actes exagérés de violence comme celui qui vient d’être commis par les forces régulières d’un Etat sur l’aéroport d’un pays pacifique et traditionnel ami de la France..." Les ambassadeurs sont stupéfaits. L’Israélien sidéré. Jamais, au grand jamais, une cérémonie n’avait été le théâtre d’une manoeuvre diplomatique. (...)
De Gaulle se penche presque affectueusement vers Philippe Takla, ambassadeur de ce petit Liban que la France un jour découpa sur la carte de l’Orient avec son épée au temps où elle y faisait et défaisait les Etats : "je voudrais bien vous parler en particulier tout à l’heure, Monsieur l’ambassadeur", dit-il. Tout à l’heure c’est tout de suite, autour du buffet où, les allocutions terminées, le corps diplomatique va se presser.
Tout le monde a noté déjà que de Gaulle a eu un mot aimable pour chaque diplomate et pas une seule parole pour Walter Eytan, l’Israélien et ses quatre collaborateurs. Il a pris un visage de marbre pour lui serrer la main, et un rictus crispé.
Au buffet, maintenant de Gaulle fait exprès de parler à voix très haute au Libanais pour que tout le monde entende, et note, et répercute dans les dépêches qui vont partir tout à l’heure vers tous les ministères des Affaires étrangères de monde que de Gaulle condamne Israël, que de Gaulle juge que la situation au Moyen-Orient ne peut plus durer."