De l’importance de l’enseignement du latin, par Marcel Pagnol
25 mai 2015 11:41, par GotfriedC’est marrant comme il associe latin et réussite scolaire, puis qu’il catégorise les gens qu’il connaît entre ceux qui connaissent le latin (sous-entendu eux sont intéressants et éduqués), et ceux qui ne le connaissent pas (qui doivent être lourdaux, un peu incultes, pas intéressants).
Bref, sans le savoir, il remet le latin exactement à sa place : en tant que marqueur d’appartenance sociale. Ce sont les fils de riches qui font du latin par tradition familiale, ce sont aussi eux qui ont reçu la meilleure éducation, qui ont appris dès leur plus jeune âge les manières du monde, qui ont eu accès la culture la plus étendue, etc. Pour un enfant de semi-pauvre (puisqu’il fallait quand même pouvoir aller à l’école et continuer ses études, et ne pas être forcé de reprendre l’exploitation de la ferme familiale ou d’aller à l’usine), apprendre le latin, c’était se conformer aux codes de l’élite dans le but de l’intégrer. L’ascension sociale par mimétisme culturel de classe. C’était le rôle du latin. Sans parler du grec !
Le latin est-il cependant formateur ? Oui. Oui, comme toute langue étrangère. On s’en fout un peu que ce soit l’origine de notre langue bâtarde, ce qui est intéressant, c’est de se heurter au fait que les concepts et les significations (en linguistique on parle de lemmes) ne vont pas de soi, qu’ils sont relatifs à une culture, et donc ça désamorce l’idéalisme et les doctrines se prétendant universellement vraies. Mais on peut avoir le même effet de formation de la plasticité mentale avec d’autres langues. Je suis persuadé que quelqu’un qui maîtriserait le chinois, le japonais ou le coréen comme les latinistes le latin aurait un esprit autrement plus ouvert et efficient à aborder des problèmes de façon nouvelle.
La science aussi y pousse, maintenant qu’on a découvert la physique quantique, qui envoie chier toutes les notions classiques de la philosophie (en particulier réalistes), qui ont servi de base conceptuelle au développement de la science "classique" (newtonienne). Le problème, le vrai, c’est plutôt que rien n’est enseigné convenablement, et donc l’environnement familial va jouer un rôle de plus en plus déterminant. Les gosses de riches auront les livres, l’expérience de l’entourage et les musées (bref, la culture) et les profs particuliers, les gosses de pauvre auront la télé à 40 chaînes et les enseignements décousus, lacunaires et bâclés de l’EducNat.
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