Un fait divers macabre, mêlant dysphorie de genre et parricide, ravive une théorie conspi selon laquelle les membres de la communauté trans auraient des prédispositions pour le pétage de plomb et les bains de sang. Légende urbaine ou réalité statistique ?
Le 1er juillet dernier aux États-Unis, le Dr Abbey Horwitz était retrouvé inanimé dans sa maison de Virginia Beach (Virginie), de nombreuses plaies de couteau sur le corps [1]. Homme respecté au sein de la communauté juive locale, le dentiste ne suscitait pas moins de sympathie en dehors. À l’inverse, il s’était bâti une solide réputation dans la région de Tidewater, en prenant notamment la présidence de l’Académie hébraïque locale et celle de la Fédération des Juifs unis. Pas d’ennemi connu donc, mais pas de chance non plus. Puisque, en fait d’attaque antisémite comme on aurait pu s’y attendre dans un monde aussi vil que le nôtre, Abbey a été trahi par la chair de sa chair : son propre fils Michael. Et par fils, il faut entendre « fille ».
Car Michael a cédé sa place à Norah à l’état civil et est désormais une femme transgenre de 34 ans. Une femme transgenre qui, quand elle monte sur les planches, devient Menorah Horwitz, charmante drag-queen qui, pour se démarquer sur scène, se grime en Anne Franck lors de ses shows...
Tout cela n’est pas très digeste, mais ces détails sont nécessaires pour poser le décor et comprendre le débat. Car cette passion au goût discutable pour le cosplay shoatesque a piqué l’attention de l’alt-right américaine. Cette dernière, qui doutait déjà ouvertement de l’équilibre psychologique des transsexuels, a ainsi cru déceler une énième preuve de leur démence perverse dans ce drame familial.
The Colorado Springs shooter identified as non binary.
The Denver shooter identified as trans.
The Aberdeen shooter identified as trans.
The Nashville shooter identified as trans.
One thing is VERY clear : the modern trans movement is radicalizing activists into terrorists.
— Benny Johnson (@bennyjohnson) March 27, 2023
Le tireur de Colorado Springs s’identifiait comme non binaire.
Le tireur de Denver s’identifiait comme trans.
Le tireur d’Aberdeen s’identifiait comme trans.
Le tireur de Nashville s’identifiait comme trans.
Une chose est TRÈS claire : le mouvement trans moderne transforme les activistes en terroristes.
Depuis quelques temps en effet, on voit fleurir sur la toile des publications qui désignent la communauté trans comme outrageusement criminogène et disproportionnellement représentée dans les affaires de meurtres. Pour donner de l’eau au moulin des droitards américains, une nouvelle tuerie perpétrée par un homme s’identifiant comme femme avait lieu quelques jours à peine après le meurtre d’Abbey Horwitz, glanant les gros titres de la presse alternative [2] et les manchettes des médias-menteurs. La question se pose donc : ce double massacre n’est-il qu’un malheureux hasard amalgamant injustement une population pleine de bonnes gens ? Ou est-il l’illustration que les personnes atteintes de dysphorie de genre sont statistiquement plus portées à violer la loi que le commun des mortels ?
C’est dans ces moments-là qu’on est heureux d’avoir Reuters. L’agence de presse, premier fournisseur mondial de dépêches pour les journalistes qui ne sont pas des chômeurs, a ainsi analysé quinze ans de données criminelles étasuniennes [3]. Elle en a conclu que les transgenres représentaient à peine 0,11 % des auteurs de fusillades mortelles enregistrées (3 morts ou plus) durant la dernière décennie et que ce nombre passait à 2 % sur la période 2016-2020. Le phénomène trans est tout de même assez récent et la participation de ses représentants aux tueries de masse semble aller croissant cette dernière décennie, mais Reuters, qui pourtant ne cache pas que « 0,5 % des adultes américains s’identifient comme transgenres et environ 1,3 % des 13 à 17 ans », en conclut que « la plupart des fusillades de masse ou des attaques violentes à l’arme à feu aux États-Unis sont le fait d’hommes cisgenres », oubliant vite la récente surreprésentation de leurs protégés. Ou comment faire des stats et s’asseoir dessus aussitôt pour conclure comme on pensait le faire avant même de regarder les chiffres.
Ouf ! Conclusion conforme, merci Reuters. Voilà qui devrait rassurer les esprits chagrins et mettre un terme aux allégations mensongères imputant une surcriminalité aux membres de la communauté « T ». Inutile donc de perdre du temps à éplucher le reste des statistiques criminelles afférentes. En particulier, pas besoin de s’attarder sur le chapitre des crime sexuels chez les trans ni de s’interroger sur le fait que 45 % des prisonniers transgenres au Canada sont en cellule pour viols ou agressions sexuelles [4]. C’eût été certes de bon aloi pour embrasser pleinement l’extraordinaire complexité du sujet. Et quels risques auraient pris les fact-checkeurs, puisqu’ils se sont fait une spécialité et un devoir de (tenter de) maintenir l’illusion que le monde est comme ils pensent qu’il doit être.