Geopolitika (magazine serbe) : Votre ouvrage sur l’Ukraine devrait sortir prochainement. Pourriez-vous nous dire quel est l’idée centrale du livre et qu’est qui vous a motivé pour l’écrire ?
Xavier Moreau : J’ai en fait beaucoup écrit sur le conflit ukrainien depuis novembre 2013, en essayant d’apporter un éclairage réaliste, ce qui n’était pas le cas de la part des spécialistes ou des médias français. Un de mes amis m’a encouragé à publier un livre récapitulatif de cette crise, dans la mesure où je ne m’étais quasiment jamais trompé dans les prospectives que j’avais faites. À l’histoire de cette crise elle-même, j’ai rajouté quatre volets historiques. Le premier est une approche dans la longue durée qui vise à démontrer que le peuple ukrainien, comme le peuple russe sont tous les deux issus de la Rus’ kiévienne ? Le second démontre que l’Ukraine est en fait un projet polonais, puis autrichien, puis allemand, qui est finalement mis en œuvre par les bolchéviques pour affaiblir le poids de la Russie. Le troisième concerne la période qui recouvre la vingtaine d’années qui suivent l’indépendance ukrainienne, où c’est Washington qui reprend le projet ukrainien anti-russe à son compte. Enfin, le quatrième volet concerne la manière dont la France en 1917, fut parfaitement lucide sur le côté artificiel du projet ukrainien et ne l’a jamais soutenu.
Quel regard portez-vous sur le rôle de la France dans la crise ukrainienne et sur sa relation avec la Russie, au vu notamment de la décision de Paris de ne pas respecter ses obligations contractuelles en ne livrant pas les Mistrals ?
Dans mon livre, je mets justement en parallèle la lucidité et le réalisme des élites françaises de 1917, par rapport à l’amateurisme et sans doute la niaiserie de l’approche contemporaine. Le premier aspect important est qu’à l’époque nos élites ne raisonnaient que par rapport à l’intérêt supérieur de la France, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Le deuxième aspect est que nos analystes, nos services secrets ou nos diplomates connaissaient parfaitement l’histoire des pays dont ils avaient la charge. La politique inepte de la France en Ukraine s’explique fondamentalement par ces deux raisons, qui expliquent aussi la politique absurde de la France en Yougoslavie dans les années 90. [...]
Quel regard portez-vous sur la France d’aujourd’hui ? Est-ce qu’il existe au sein de la société française des élites intellectuelles et des forces politiques qui seraient digne de la glorieuse histoire de France, qui cultivent les valeurs chrétiennes et qui pourraient représenter une alternative à l’Europe bruxello-américaine ?
Incontestablement, il se passe en France un bouillonnement intellectuel sans précédent. Les élites gauchistes issues des années soixante se sont embourgeoisées et sont incapables de fournir un concept pertinent sur les questions de politiques intérieures ou extérieures. En revanche depuis les manifestations de masse contre le mariage homosexuel, de jeunes intellectuels plein de talents ont fait leur apparition et produisent une réflexion puissante qui puise ses racines dans les fondements même de notre civilisation européenne et chrétienne. Je pense que la génération actuelle des 18-30 ans sera celle qui relèvera la France.