Le trésorier du Front national Wallerand de Saint-Just est l’invité d’Yves Thréard de la rédaction du Figaro. Il évoque notamment la candidature de Jean-Frédéric Poisson, le cas du SIEL de Karim Ouchikh, l’aspiration de la droite classique, les propositions de Fillon sur la Syrie, Macron l’anti-Système, mais surtout le jugement de Jean-Marie Le Pen, et son action en justice contre le FN.
C’est lorsque Thréard aborde le cas de l’exclusion de Jean-Marie Le Pen du FN (à 6’08) que Saint-Just livre une étonnante information en forme d’aveu, ou un aveu en forme d’information, un peu malgré lui :
Saint-Just : Je le connais bien, c’est pour ça que je voulais dire qu’il n’y a jamais rien eu de personnel avec Jean-Marie Le Pen dans cette affaire-là, tout a été exclusivement politique, et le geste politique a été de montrer que le Front national ne veut plus et fait tout ce qu’il faut pour ne plus être soumis à des accusations particulièrement désagréables.
Thréard : De sa part.
Saint-Just : Non ! De la part, d de , notamment, des Français, des des des des électeurs, qui seraient des accusations qui peuvent être de racisme ou d’antisémitisme, c’est exclusivement politique ce que nous avons fait !
Thréard : Le Front national n’est pas un parti antisémite...
Saint-Just : Et le tribunal a dit, votre procédure d’exclusion pour les motifs politiques reprochés à Jean-Marie Le Pen, elle est parfaitement menée et elle est parfaitement fondée. Donc nous avons fait le travail.
Le résumé par Le Point du jugement du 17 novembre 2016 :
Jeudi 17 novembre, la justice a validé son exclusion en tant que membre du Front national. Mais, cette décision n’a « pas d’effet » sur son statut de président d’honneur du parti d’extrême droite, qu’il a cofondé. Jean-Marie Le Pen « demeure investi » de sa qualité de président d’honneur et, « en conséquence », « devra être convoqué en qualité de membre de droit de toutes les instances » dirigeantes du parti dirigé par sa fille Marine Le Pen et pourra y « participer », « sous astreinte de 2 000 euros par infraction constatée », écrivent les juges du tribunal de grande instance de Nanterre dans leur décision. La décision est applicable immédiatement, même si le FN fait appel, précise le jugement.
Saint-Just évoque alors les votes américain (Trump) et britannique (Brexit) pour avancer l’idée d’une inéluctabilité de l’élection de Marine Le Pen à la présidence de la République, car les peuples réclament de la « protection », celle qui leur a été enlevée par l’Europe et sa dilution des frontières :
« Tous les pays mettent en oeuvre un protectionnisme intelligent, tous, sauf la France et l’Union européenne... Ce n’est que l’Allemagne qui a profité de l’Union européenne. »
Yves Thréard, qui semble globalement séduit par le discours de Saint-Just, tente de jouer au journaliste impartial en arguant que le programme du FN est désormais « d’extrême gauche » et qu’il est la copie de celui de « Mélenchon ». Mais on reste loin des interviews 100% orientées qu’on peut voir sur le service public audiovisuel ou dans la presse de gauche du type Libé ou Le Monde. Le Figaro, de par son positionnement plutôt traditionaliste, échappe à une bonne partie de l’accusation classique des relais de la pensée unique. Que ce soit la droite nationale ou la gauche sociale, chacun peut y développer ses thèses sans se faire insulter.
Il reste maintenant au quotidien du Groupe Dassault à inviter les intellectuels qui comptent, qui font le débat sur l’Internet, le véritable champ de la démocratie, ces intellectuels qui font avancer les choses, qui développent les idées nouvelles, reprises en douce et avec parcimonie par les conseillers des candidats de « l’ancien monde », comme dirait Dieudonné. Vu le défilé des têtes dans le Talk du Figaro, et la réaction populiste – un terme tout sauf péjoratif selon nous – de l’électorat dans toutes les dernières élections symboliques (États-Unis, Grande-Bretagne, Autriche, Hongrie, Allemagne), les journaux ont intérêt à accrocher leur wagon à cette nouvelle locomotive, sous peine d’être définitivement et mortellement largués.