Avec l’aide politique et militaire de l’Arabie saoudite et d’Israël, le scénario catastrophe d’une victoire d’Al-Qaïda et/ou de l’État islamique en Syrie pourrait bien se réaliser tandis que l’armée du gouvernement syrien, plus laïc, bat en retraite et que le président Obama paraît figé dans l’indécision. C’est ce que rapporte Robert Parry.
L’alliance entre Israël et l’Arabie Saoudite, coalisés avec d’autres pays sunnites radicaux, est en train de mener les groupes affiliés à Al-Qaïda vers la victoire ou du moins de leur assurer la sécurité en Syrie et au Yémen. Ce qui ne fait que souligner les contradictions non résolues de la politique de Barack Obama au Moyen Orient.
Le Front Al-Nosra et l’État islamique – branche hyper-brutale d’Al-Qaïda – tous deux soutenus par l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie, gagnent de plus en plus de terrain en Syrie, tandis qu’Israël frappe les alliés du gouvernement syrien. Certains analystes prédisent à présent l’effondrement probable du gouvernement du président Bachar al-Assad, plutôt laïc.
Au cours des dernières années, Israël et l’Arabie Saoudite ont bien fait comprendre qu’ils considéraient le renversement du gouvernement d’Assad, soutenu par l’Iran, comme une priorité géopolitique même si le résultat en est la victoire d’Al-Qaïda ou de l’État islamique. Mais Obama, qui s’est montré incapable – ou peu décidé – de brider l’alliance Israël-Arabie Saoudite, aurait alors à décider de ce qu’il doit faire face à la domination par des terroristes d’une importante nation du Moyen Orient.
Certains de ces radicaux sunnites ont montré qu’ils sont déterminés à assassiner des minorités qu’ils considèrent infidèles, y compris les Chrétiens, les Alaouites et les Chiites. Les terroristes pourraient transformer en véritable boucherie les rues des grandes villes syriennes et donner à Al-Qaïda une solide base d’où lancer des attaques terroristes contre l’Occident.
La réponse qu’Obama et son successeur apporteront à cette situation est incertaine. Mais il serait difficile pour n’importe quel président américain de rester assis et de ne rien faire. Néanmoins, envoyer un autre corps expéditionnaire en Syrie pour déloger Al-Qaïda ou l’État islamique de Damas et les repousser hors de Syrie serait une folie qui causerait des pertes humaines massives, coûterait des milliards de dollars sans grande promesse de succès.
Pendant ce temps, les principaux médias américains, dominés par les néoconservateurs, racontent déjà que l’échec d’Obama, c’est de ne pas être intervenu plus tôt pour renverser le régime d’Assad, ce qui aurait permis à des rebelles « plus modérés » de prendre le pouvoir. Or l’existence d’une importante armée rebelle « modérée » a toujours été une fiction. Obama a lui-même dit – dans une interview réalisée en août 2014 par le chroniqueur du New York Times, Thomas L. Friedman – que c’était un pur fantasme que de penser qu’armer les rebelles aurait changé le cour des choses. Obama a déclaré :
« L’idée que nous pourrions fournir des armes légères ou même des armes plus sophistiquées à une opposition formée de docteurs, de cultivateurs, de pharmaciens, etc, et qu’ils allaient être capables de se battre contre un État non seulement bien armé mais aussi soutenu par la Russie, l’Iran et un Hezbollah endurci au combat, cette idée n’a jamais été vraiment envisagée. »
Obama a ajouté que son administration avait du mal à trouver, à entraîner et armer suffisamment de rebelles syriens laïcs pour changer les choses : « Il n’y a pas autant de possibilités que nous l’aurions souhaité. »
En fait, une grande partie de l’Armée syrienne libre , soutenue et armée par les États-Unis, s’est mise du côté du Front Al-Nosra ou de l’État islamique en 2013. Après cela, le seul choix réaliste d’Obama a été de conclure un accord politique pragmatique avec Assad et de coopérer avec l’Iran et la Russie pour récupérer les territoires conquis par Al-Qaïda et l’État islamique.
Se débarrasser d’Assad
Mais ce choix s’est avéré politiquement impossible parce que le lobby israélien et néoconservateur américain a continué à faire pression pour qu’Assad soit renversé. Ils ont été aidés par le refus d’Obama de donner des renseignements qui auraient permis de réfuter certains des arguments anti-Assad diffusés par les médias américains. Par exemple, les services secrets américains nourrissaient des doutes à propos de l’attaque au gaz sarin par le régime d’Assad près de Damas le 21 août 2013. Obama aurait pu révéler ces doutes.
Un argument important dans le discours des néoconservateurs qui a empêché toute détente avec Assad fut de rendre celui-ci responsable de l’attaque au gaz sarin, qui tua des centaines de civils. Et même alors que de nombreuses preuves arrivaient, montrant que l’attaque était probablement une provocation des rebelles extrémistes, Obama rechignait à revenir sur le jugement hâtif du début, neuf jours après les événements.
Pas plus tard que ce mois-ci, l’administration d’Obama relançait ses premières accusations dans 60 Minutes sur CBS et d’autres médias, qui se contentent de régurgiter des renseignements périmés plutôt que d’examiner des preuves nouvelles. Or celles-ci font état d’une opération « sous fausse bannière » conçue pour pousser l’armée américaine à rejoindre les rebelles dans la guerre syrienne [1].
Bien qu’en 2013 Obama ait refusé de bombarder l’armée syrienne, ce qui aurait ouvert les portes de Damas à Al-Qaïda et/ou à l’État islamique, il n’a pas souhaité passer outre les désirs de « changement de régime » de son Département d’État, qui reste sous l’influence des néoconservateurs et de leurs sous-fifres, les interventionnistes libéraux.
À présent, malgré le risque grandissant d’une victoire d’Al-Qaïda ou de l’État islamique en Syrie, Obama semble figé dans l’indécision, cerné par le lobby israélien, les Saoudiens et leur pétrole, les politiciens néoconservateurs et les leaders d’opinion à Washington.