La loi Schiappa était la pierre juridique qui manquait à l’édifice de la sanctuarisation de la « jeune fille ». Entrée en vigueur en août 2018, elle permet à l’influenceuse et à l’instagrammeuse (catégories qui recouvrent désormais, potentiellement, la majorité des femmes de moins de 30 ans en France...) d’être une intouchable, c’est-à-dire de faire taire les critiques à son égard au prétexte d’une « sensation de harcèlement ».
Un mécanisme qui s’explique par le fait que l’influenceuse est désormais le cœur de la nouvelle société de consommation. Pas le cœur de cible mais véritablement le cœur, le moteur, le principe même du Marché.
Car les critiques que ce système veut absolument faire disparaître ne concernent pas uniquement l’égo de nos chères créatures mais bien le produit qu’elles sont devenues.
En critiquant les mensonges (sportifs et sociaux) distillés par les influenceuses du fitgame (le monde du fitness sur Internet), c’est bien leur business que le youtubeur Marvel Fitness a mis en péril.
Et dans un monde où les jeunes femmes narcissiques (pléonasme) et prêtes à tout pour se vendre en travaillant le moins possible (concrètement, leurs jobs consistent à vendre du rêve à des gamines et à être sponsorisées par des marques) sont reines, venir contrarier la négociation est un crime.
Ici, il semble que l’affaire soit partie de la youtubeuse belge Aline Dessine (Aline Marganne) qui n’a pas supporté que le polémiste du fitgame Marvel Fitness critique ses « performances ».
Le flot de critiques à son encontre étant trop important (des centaines de messages a priori), Aline Dessine a considéré qu’elle était victime de harcèlement et a saisi la justice, paniquée qu’elle était à l’idée de tout perdre.
Et qui a-t-elle choisi comme avocate ? Une influenceuse ! Laure-Alice Bouvier alias Loralis, avocate, fille « d’éminents professeurs de droit » (papa est-il franc-maçon ?), youtubeuse, influenceuse mode et fitness, féministe et anti-Trump, également dénoncée par Marvel Fitness comme « supercherie ».
Bref le banlieusard s’est attaqué aux mauvaises personnes. Derrière ces quelques influenceuses coalisées, c’est tout un système qui lui tombe sur le dos au motif de « propos misogynes, homophobes et racistes » énoncés par d’autres (sa « communauté », comprendre son public) !
D’autant plus que Marvel Fitness s’était attaché depuis deux ans à dénoncer le dopage généralisé dans le monde du sport et des influenceurs ainsi que le développement personnel... De quoi énerver un certain nombre de personnes.
Tiens tiens tiens.. un des juges connaît très bien l’avocate des plaignante et se follow sur les réseaux p’tit conflit d’intérêt en vue ? #FreeMarvel #marvelfitness pic.twitter.com/n8lkUeWqTl
— Ari (@agh__92) September 22, 2020
Certains commentateurs font état d’un conflit d’intérêts flagrant dans le jugement de cette affaire : Laure-Alice Bouvier étant semble-t-il à la fois avocate et partie civile, et proche des magistrats délibérants (merci le réseau de papa, cet horrible mâle blanc de plus de 50 ans bien utile).
Un bon résumé de l’affaire :
Reconnu coupable de « harcèlement moral », Marvel Fitness a écopé d’une peine de deux ans de prison, dont un an ferme, avec mandat de dépôt et a été condamné à payer une amende de 10.000 euros, à respecter une obligation de soins psychologiques et a désormais l’interdiction d’animer un site internet et de créer du contenu sur les réseaux sociaux. Son avocat pense qu’il sortira dans quelques mois et qu’il gagnera en appel.
Voilà ce qu’il en coûte désormais de dénoncer les arnaques de fausses belles se prenant pour des mannequins dans un monde fondamentalement régi par une nouvelle forme de prostitution, la prostitution consentie.
Un monde qui bascule dans le totalitarisme et dans lequel l’État n’est plus qu’un sombre policier au service du Marché et des parasites qui l’animent.
Reconnu coupable de « harcèlement moral en ligne », il a été condamné à deux ans de prison, dont un an ferme. Une peine qui est allée au-delà des réquisitions.
Son avocat a dénoncé une décision « inique », et l’annonce a suscité l’indignation des fans du youtubeur Marvel Fitness, venus le soutenir devant le tribunal de Versailles. L’avocate des parties civiles, Laure-Alice Bouvier, a pour sa part applaudi « une sanction exemplaire » à l’antenne de France Inter.
Lundi 21 septembre, Habannou S., connu sur YouTube sous le nom de « Marvel Fitness », a été condamné à deux ans de réclusion, dont un an ferme avec mandat de dépôt, assortis d’un sursis probatoire de trois ans.
Jugé pour harcèlement moral et violences sur avocat, il a été reconnu coupable de tous les faits qui lui étaient reprochés par la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Versailles. Son sursis a été assorti d’une interdiction de création et d’animation sur les réseaux sociaux.
La peine prononcée est lourde pour une affaire de harcèlement en ligne, thème encore rare dans les tribunaux français. La cour est allée plus loin que les réquisitions du parquet, qui demandait douze mois de réclusion dont huit mois ferme. Pour Me Goudarzian, avocat du prévenu, la justice a voulu « faire un exemple » en condamnant fermement son client, malgré un dossier, selon lui, entaché d’erreurs de procédure. Il a annoncé son intention de faire appel.
Alors que le prévenu est reparti menotté à l’issue de l’audience, une quinzaine de ses soutiens rassemblés devant le tribunal ont crié « Free Marvel ! », un slogan par la suite repris sur les réseaux sociaux – et qui remonte en troisième sujet « le plus discuté sur Twitter » mardi 22 septembre au matin.
Neuf plaignants
Cinq des neuf plaignants (six femmes et trois hommes) étaient présents lundi pour témoigner à l’audience contre Habannou S., Yvelinois âgé de 31 ans. Actif sur Marvel Fitness Channel, une chaîne YouTube pour laquelle il comptait plus de 146 000 abonnés, et sur de nombreuses autres plates-formes en ligne, il évoluait dans la sphère du fitness.
Interrogées par le président de l’audience, les parties civiles ont fait le récit de plusieurs mois, parfois jusqu’à plus d’un an et demi, de harcèlement moral subi à coups de commentaires ou de publications en ligne, à chaque fois après un premier accrochage avec Habannou S. La plupart des plaignants ont décrit l’enfer du harcèlement de masse. « On ne peut pas se rendre compte de ce que c’est tant qu’on ne l’a pas vraiment vécu », a témoigné Tristan Defeuillet-Vang, un influenceur s’étant porté partie civile. Lui a notamment été victime d’une vidéo dans laquelle il était comparé à l’actrice pornographique Katsumi, « parce que je suis un peu asiatique ».
« Sa communauté m’insultait tous les jours, reprenant les "punchlines" de » Marvel Fitness, a témoigné Aline Marganne, influenceuse belge, qui accuse le prévenu de la harceler depuis 2018. Elle a raconté avoir envoyé plusieurs messages vocaux à l’intéressé, en pleurs, pour lui demander d’arrêter. Ces messages ont été ensuite rediffusés par Marvel Fitness sur son compte Instagram, accompagnés de textes moqueurs.
- Des "messages en pleurs", vraiment ?
Devant le tribunal, elle a aussi concédé l’un des points régulièrement soulevés par le youtubeur dans ses vidéos : avoir fabriqué et diffusé une fausse photo intime que lui aurait envoyée le prévenu pour le décrédibiliser. « J’ai paniqué, j’étais coincée dans une situation dans laquelle j’étais bloquée depuis des mois », a-t-elle justifié lors de l’audience, questionnée par le président de la 8e chambre correctionnelle – le sujet n’ayant pas été abordé par le prévenu, ni par sa défense.
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« Il y aura un avant et un après » sur le cyber-harcèlement,
selon l’avocat spécialisé Thierry Vallat
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Que nous apprend ce procès sur le phénomène de cyberharcèlement de meute ?
L’affaire est assez significative de ce que représente le harcèlement de meute, réprimé depuis août 2018 par la loi Schiappa. Lorsque l’on procède à un harcèlement orchestré, on encourt à une peine de deux à trois de prisons et 30 000 euros d’amende. Dans ce procès, il a été démontré que le harcèlement caractérisé a mené à une dégradation de la vie des personnes l’ayant subi.
C’est un cas d’école de ce que sont les raids de cyberharcèlement : une personne « commande » un raid numérique. Ensuite, il y a un relais massif de ses tweets voire des tweets d’autres individus qui suivent. C’est cela, l’effet de meute. Contrairement à un harcèlement « en solitaire », un seul message suffit pour être qualifié de harcèlement, car il s’inscrit dans une logique de meute, et c’est l’accumulation de ces messages uniques qui créé la sensation de harcèlement.
Une décision aussi forte, est-ce un tournant ?
C’est la première fois que le cyberharcèlement de meute conduit à une peine d’emprisonnement ferme, c’est une condamnation très lourde. De tels faits conduisaient généralement à du sursis, une amende, une obligation de soin. Le fait qu’il y ait une peine de prison ferme marque donc un tournant. Cela peut montrer une volonté pour les magistrats d’affirmer l’importance et la gravité du cyberharcèlement en ligne, d’en faire un procès pédagogique, comme je l’évoquais plus tôt.
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Y aura-t-il une « jurisprudence Marvel Fitness » ?
Il faut être extrêmement prudent sur les décisions de première instance : peut-être que la cour d’appel ou que la Cour de cassation changeront la donne. Il me semble donc précipité de parler d’une jurisprudence, d’autant plus que, comme dit précédemment, la décision correctionnelle dépend vraiment de la personnalité de l’accusé. Une autre personne condamnée pour les mêmes actes n’aurait peut-être pas eu un mandat de dépôt, par exemple.
Néanmoins, c’est un signal fort envoyé par les magistrats sur la gravité du cyberharcèlement en meute. Moi-même, la prochaine fois que je traiterai ce type d’affaire, je me référerai à ce cas, qui montre jusqu’où on peut aller dans la peine. Même s’il n’y a pas forcément de jurisprudence établie, il y aura un avant et un après.
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