Les deux vidéos que nous allons comparer illustrent et la puissance créatrice des Russes, et la puissance de la réalisation des Américains, ces maîtres du passage de la recherche fondamentale (des mathématiciens, graphistes, inventeurs et bidouilleurs étrangers) à la recherche appliquée, puis à l’industrie de biens de consommation. C’est ça qui fait fondamentalement la force de l’Amérique. Pour le reste, l’Empire se disloque un peu, et comme toute démolition, ce coup-ci incontrôlée, ça fait un sacré boucan tout autour... Mais c’est un autre sujet.
Les Américains savent valoriser les idées des autres : les films hollywoodiens des années 50 ont pillé le fonds historique européen, par exemple. Un demi-siècle plus tôt, profitant du choc de la Première Guerre mondiale sur la terre de France, ils nous ont chipé le cinéma, sinon Hollywood serait aujourd’hui dans le sud de la France.
Dès fin avril 1896, le Cinématographe-Lumière était installé dans la quasi-totalité des villes françaises de plus de 100 000 habitants (Paris, Lyon, Nice, Bordeaux, Marseille, Lille, Reims, Rouen et Saint-Étienne), où il occupait, seul, une position de précurseur de spectacles cinématographiques. (journals.openedition.org)
En France, la maison Pathé-frères entame son ascension fulgurante, qui va faire d’elle avant la Grande Guerre, la plus puissante des sociétés de production du monde, qui, en 1903, ose même affronter le trust Eastman en créant sa propre chaîne de fabrication de pellicule, en tournant pourtant ses films « sur une estrade dressée en plein air sur des tonneaux… » C’est reprendre la tradition du théâtre, l’une des plus anciennes, celle de la Commedia dell’arte et des plateaux de représentation. (Wikipédia)
Mais ce sont bien les immigrés juifs d’Europe de l’Est, partis aux États-Unis, qui ont transformé l’artisanat français (Méliès) en industrie et en dollars. Et aussi en propagande, histoire de satisfaire le lobby militaro-industriel lors de la Seconde Guerre mondiale. C’est une autre histoire qui commence. Après le braquage du cinématographe par les Yankees, on remet ça 60 ans plus tard avec l’Internet, pardon, le réseau Cyclades.
Louis Pouzin n’est pas amer, mais d’autres le sont pour lui. Maurice Allègre, par exemple. Réagissant à un article sur la genèse d’Internet, le délégué à l’informatique du Plan calcul de De Gaulle, écrivait au Courrier des lecteurs du Monde, en 1999, que « Louis Pouzin, polytechnicien et chercheur de très grand talent, (était à l’époque) venu proposer un projet de réseau maillé d’ordinateurs basé sur quelque chose de totalement nouveau : la commutation de paquets ».
« Très vite, les recherches ont connu un plein succès, au point que j’ai déployé de grands efforts pour faire adopter le projet par la direction générale des télécommunications comme base pour leur futur réseau de transmissions de données, poursuivait M. Allègre. Je me suis malheureusement heurté à un mur. »
Le réseau en question s’appelle Cyclades. « Nous aurions pu être parmi les pionniers du monde Internet (...), concluait le courrier de l’ancien haut fonctionnaire. Nous n’en sommes que des utilisateurs, fort distants des lieux où s’élabore le futur ». (Le Monde du 4 août 2006)
L’Internet a été pensé par un ingénieur français, mais la France n’aurait pas pu produire un Apple, ou un Microsoft : trop de contraintes administratives, trop de timidité des banques, trop de culture de l’échec, trop de décideurs politiques sans vision. Adieu le futur Big Tech, et bonjour le minitel rose à 2 francs 33 la minute, un véritable racket. Et une impasse magistrale.
On connaît la même musique en fiction télé : on a d’excellents comédiens, d’excellents réalisateurs, mais des producteurs (et un CNC, et un ministère de la Culture) soumis aux diktats de l’idéologie dominante. En un mot, le cinéma socialo-sioniste est suicidaire.
Passons maintenant à l’école russe. Nous sommes en 1933, sous Staline donc, et les graphistes russes, auteurs d’affiches rouges (de propagande) sublimes, sont réputés dans le monde entier. Ce sont des dessinateurs, des peintres, et ils vont servir le régime.
Le dessin d’animation qui suit est une illustration du génial Une nuit sur le mont Chauve, de Modeste Moussorgski (1839-1881). On commence par la version russe, ensuite, on passe aux Amerloques, sans jeu de mots. La musique a été enregistrée en 1931 par l’orchestre symphonique de Londres.
Étonnamment, 7 ans plus tard (comme les 7 nains), les studios Disney sortent le magnifique Fantasia, un grand film d’animation à la gloire de la musique.
Pour se détendre après ces visions du Diable, voici l’analyse critique d’un couple de jeunes Français qui n’ont probablement jamais vu la version russe, anxiogène au possible, sinon ils auraient les cheveux dressés sur la tête. 1933, ça sentait déjà le choc des mondes.
On n’a pas dit que les Américains n’avaient rien inventé, on dit juste que les autres pays à riche culture n’ont pas la même appétence pour l’exploitation industrielle de leurs idées. Peut-être l’explication est-elle à chercher du côté de la religion, les pays de culture catholique, ce qui inclut les orthodoxes, préférant l’Idée à l’Argent...