Dans un document récemment paru (que l’on peut lire intégralement en cliquant ici), la Fondapol, un Think Tank proche de l’UMP, propose la création d’une « communauté franco-allemande » qui unirait nos deux pays dans une fédération très étroite.
Cette France-Allemagne serait le noyau le plus intégré d’une Europe à géométrie variable. Ce projet se base sur l’idée que « les puissances de demain devront réunir trois attributs : une gouvernance solide et démocratique, des finances saines au service d’une économie de l’innovation et une capacité de défense globale ».
C’est ce dernier point qui est le plus développé dans les « 12 idées pour 2012″ et notamment le fait que « la France doit partager avec l’Allemagne sa force de dissuasion nucléaire ».
Les auteurs (qui souhaitent rester anonymes) de ce texte ne sont pas des ignorants : ils connaissent les réalités de l’Europe et notamment le peu de propension de l’Allemagne à s’engager dans cette voie : « En Allemagne, le nucléaire est vécu comme un risque et non comme une protection – chez nous, c’est l’inverse ! » écrivent-ils, tout en rappelant que l’Allemagne préfère la défense antimissile avec les Américains que le nucléaire avec les Français.
Les auteurs reconnaissent que la main tendue par la France à ses partenaires européens pour une « dissuasion concertée » (selon le mot d’Alain Juppé en 1995) « n’a pas été saisie, en particulier par les Allemands. Ou, plus exactement, il n’y a pas encore eu d’accusé de réception de leur part. La porte restera-t-elle toujours fermée à cette idée de copropriété de fait ? » s’interrogent-ils.
Sur le plan opérationnel, une dissuasion partagée serait « portée par des unités franco-allemandes, réparties des deux côtés du Rhin », « esquissent » les auteurs. « Chacun des deux pays se placent sous la protection de l’autre » et « le pouvoir de recourir à l’arme nucléaire est partagé en ce sens que chacun des deux pays possède la capacité de l’activer pour ce qui concerne les armes nucléaires situées à l’intérieur de ses frontières. » « Les états-majors ne sont pas forcément fusionnés, mais les plus hauts responsables conçoivent ensemble les plans de frappe ». « A terme, les équipements sous-marins et aéroportés deviennent mixtes« , même si les auteurs reconnaissent la difficulté de le faire pour les SNLE. En la matière, la composante aérienne jouerait donc un rôle primordial. Les auteurs imaginent que les armes soient placés sous contrôle d’un « groupement mixte franco-allemand » qui remplacerait l’actuelle Gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires.
Plus fondamentalement, « à terme, la décision nucléaire pourrait devenir strictement franco-allemande : le code nucléaire serait partagé entre le président de la République française et le chancelier de la République fédérale d’Allemagne, chacun possédant un code ne pouvant fonctionner sans le code de l’autre ».
Cette proposition, qui rappelons-le n’est pas formulée par des ignorants en matière stratégique, est une sorte de ballon d’essai. Ces chances d’aboutir sont aujourd’hui infimes, mais elle traduit une volonté portée au plus haut de l’Etat… et partagée par l’opposition. C’est tout l’enjeu du débat sur le « deuxième composante », c’est-à-dire les avions capables de délivrer l’ASMPA. Ce n’est pas un hasard si François Hollande s’est engagé très fermement à la maintenir.
Comme Nicolas Sarkozy, il sait que c’est par ce biais uniquement qu’une « européanisation » de la dissuasion pourrait s’engager. L’Elysée, par exemple, ne serait pas défavorable à un déploiement « à l’Est » – dans le cadre d’exercices temporaires – des escadrons des Forces aériennes stratégiques. Sans les armes, évidemment.
L’alliance nucléaire avec le Royaume-Uni s’inscrit aussi dans cette perspective d’une communauté de dissuasion.
Projet irréaliste ? Oui, si l’on oublie que, héritage de la guerre froide (dont elle entend certes se débarrasser), la RFA abrite des armes nucléaires américaines, dont elle possède la double clé et qui seraient mises en œuvre par des avions Tornado de la Luftwaffe. Et qu’elle siège au Comité des plans nucléaires de l’Otan.