L’un des fabricants de vaccins américains les plus politiquement liés mais aussi les plus scandaleux, ayant des liens troublants avec les attaques à l’anthrax de 2001 et la crise des opioïdes, va profiter largement de la crise actuelle du coronavirus.
En août 2001, la société biopharmaceutique BioPort a été confrontée à une catastrophe imminente. Une série de scandales au sein de la société, des renflouements fédéraux controversés et de graves effets indésirables sur la santé des troupes américaines ont amené le Congrès et le Pentagone à reconsidérer son contrat de plusieurs millions de dollars pour fournir à l’armée un vaccin contre l’anthrax.
Créée dans le seul but d’acquérir une société publique du Michigan qui détenait la licence exclusive de fabrication du seul vaccin contre l’anthrax approuvé par la FDA aux États-Unis, BioPort a cherché à élargir rapidement la taille et la portée de ses contrats avec l’armée américaine. Cette stratégie a été rendue possible grâce à l’ancien chef de l’état-major interarmées, l’amiral William Crowe, qui a joué un rôle déterminant dans la montée du monopole de BioPort sur les vaccins et dans l’embauche agressive d’anciens fonctionnaires comme lobbyistes.
Pourtant, peu après avoir décroché ces contrats de plusieurs millions de dollars et obtenu un monopole sur les vaccins contre l’anthrax, BioPort a affirmé que ses finances étaient chancelantes et qu’elle serait ensuite renflouée à hauteur de 24 millions de dollars à la demande du Pentagone, qui a invoqué des « préoccupations de sécurité nationale » pour justifier sa décision.
Cependant, les auditeurs du Pentagone avaient constaté qu’une grande partie de l’argent accordé à BioPort n’était pas comptabilisée et que l’argent qu’ils avaient pu retracer n’avait pas été affecté à la rénovation de leur installation de production de vaccins, qui avait perdu sa licence jusqu’à ce que de nombreux problèmes (sanitaires et autres) soient réglés. Pendant ce temps, des dizaines de soldats qui avaient souffert des effets néfastes du vaccin contre l’anthrax de BioPort, certains handicapés à vie, ont commencé à s’exprimer, soumettant le produit le plus critique et la principale source de revenus de BioPort à une surveillance indésirable.
Alors que BioPort semblait être confrontée à la ruine imminente à cause de ces scandales et d’autres encore, en août 2001, les attaques à l’anthrax qui ont suivi un mois plus tard sont arrivées au bon moment pour la société, car la demande de son vaccin contre l’anthrax est rapidement monté en flèche, ce qui a entraîné de nouveaux contrats gouvernementaux lucratifs. Leur licence a également été rapidement renouvelée grâce à l’intervention du ministère de la Santé et des Services sociaux (HHS), malgré la persistance de nombreux problèmes avec son installation de production.
Bien qu’elle ait été commodément secourue par les malheureux événements de 2001, BioPort a rapidement fait pression pour obtenir des contrats plus importants que jamais, appelant à une augmentation massive des achats gouvernementaux de son vaccin controversé contre l’anthrax. Utilisant la peur causée par les attaques à l’anthrax de 2001, ils ont fait pression pour que le gouvernement stocke des vaccins contre l’anthrax, non seulement pour les militaires, mais aussi pour les civils, les postiers, la police et bien d’autres qui pourraient être mis en danger si les attaques à l’anthrax se répétaient.
L’un des principaux partisans de l’extension des contrats de BioPort travaillait alors pour HHS – Jerome Hauer, un homme qui non seulement avait connaissance des attaques à l’anthrax, mais avait également participé à la simulation Dark Winter qui avait prédit ces mêmes attaques quelques mois auparavant. Hauer a été nommé quelques mois plus tard à un poste nouvellement créé au sein du HHS, pour superviser le nouveau stock de biodéfense dont BioPort serait un bénéficiaire majeur.
BioPort sera ensuite rebaptisé et reconditionné sous le nom d’Emergent Biosolutions en 2004. Il embauchera alors encore plus de lobbyistes bien connectés et ajoutera plusieurs grands noms du gouvernement et du secteur privé à son conseil d’administration. L’un de ces « grands noms » n’était autre que Jerome Hauer, qui a été ajouté au conseil d’administration d’Emergent peu après avoir quitté HHS. Hauer est toujours directeur d’entreprise et siège à trois de ses comités de gouvernance d’entreprise.
Non seulement Emergent Biosolutions a profité des craintes nationales liées à l’anthrax, mais elle a également tiré profit des paniques pandémiques qui ont suivi et a reçu par la suite un soutien important de la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations (CEPI), soutenue par Bill Gates. Elle s’intéressait alors à la crise de la dépendance aux opiacés et des surdoses, toujours aussi grave, en achetant les droits du seul médicament approuvé pour le traitement des surdoses d’opiacés sur le marché, tout en poursuivant en justice tous les producteurs de génériques de ce traitement crucial et salvateur.
Compte tenu de son histoire, il n’est guère surprenant qu’Emergent Biosolutions soit maintenant prête à profiter de la crise du Coronavirus (Covid-19). Elle est particulièrement bien placée pour réaliser des bénéfices records grâce au Covid-19, car elle soutient non pas un, mais deux candidats vaccins, ainsi qu’un traitement expérimental du plasma sanguin déjà approuvé pour des essais dans l’État de New York, grâce en partie à l’ancien patron de Jérôme Hauer, le gouverneur de New York, Andrew Cuomo. Comme indiqué dans un précédent article du magazine The Last American Vagabond, les autres principales entreprises qui développent des vaccins au Covid-19 aux États-Unis sont des partenaires stratégiques de l’agence de recherche controversée du Pentagone, la DARPA, qui s’est de plus en plus alignée sur le HHS ces dernières années grâce à un autre participant de Dark Winter, Robert Kadlec.
Dans ce deuxième volet de la série « Engineering Contagion : Amerithrax, Coronavirus and the Rise of the Biotech-Industrial Complex », nous explorerons la montée en puissance d’Emergent Biosolution, rendue possible par des actes de corruption flagrante et du pantouflage public-privé. Le lien évident entre les Big Pharma, le gouvernement et les « centres de biosécurité » affiliés aux universités offre un aperçu surprenant du complexe industriel et biotechnologique qui a longtemps dominé la politique américaine de biodéfense et qui guide maintenant une grande partie de la réponse du gouvernement américain à la crise du coronavirus.
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