On aurait tort de tout réduire au « méchant colonialisme de l’homme blanc », un jugement moral simpliste, dont la vogue s’accorde trop avec une certaine rectitude politique. D’ailleurs, les Premières nations devraient s’exprimer davantage à propos de ce qui aurait dû se passer au lieu de l’expansion européenne en Amérique ? Y avait-il une autre ¨option¨ ? Mais on dirait que les discours de certains leaders autochtones laissent entendre que c’était mieux avant. Comme si une autre option que le peuplement de l’Amérique par l’Europe eût été possible ! Non, ce n’est évidemment pas le cas, et tout ce qu’il reste à considérer est la qualité du rapport inter-ethnique et de sa résolution.
Parmi les distinctions à faire entre les différentes colonisations de l’Amérique, il y a celle trop souvent ignorée entre les attitudes des catholiques et des anglos-protestants. Ces derniers repoussèrent les indigènes à mesure que leur colonisation s’étendait, ce qui se termina aux États-Unis par un génocide, trop souvent glorifié ensuite par Hollywood, et, au Canada du régime anglais, par le reflux des Indiens dans des réserves, vers les années 1870.
Chez les Français, des alliances conclues à l’aube de la colonie entre partenaires se respectant mutuellement, en dépit d’écarts techniques et de civilisation indiscutables, constituent un fait inédit. Un procès tel que celui de Valadolid n’a pas été nécessaire en France, parce que le statut d’êtres humains dotés d’une âme ne fut jamais mis en doute. L’évangélisation, qui était en elle-même un des motifs de la colonisation, était un acte de civilisation en soi. Elle s’est faite d’emblée et sans controverse. Reconnaissons que la cohésion ethnique et la foi bien trempée de la colonisation française à ses débuts y étaient pour quelque chose.
Des trois ou quatre régimes coloniaux d’Amérique, celui de la France est clairement le mieux réussi. Ceci même si nos livres d’histoire répugnent à le reconnaître, sans doute gênés de mettre en évidence un comportement plus évolué de la France et des CanadiEns sur celui des Anglais. Mais pourquoi pas ? On gagnerait à le faire, et ce serait faire fi du colonialisme que d’illustrer un aspect glorieux de l’épopée de la Nouvelle-France, celui d’avoir été fondée avec une permission de peuplement et de métissage explicite, accordée par le chef Anadabijou en 1603.