En politique, il faut savoir oser. Prendre des risques. Celui, par exemple de réunir en un même endroit, des gens qui n’auraient sûrement jamais songé à se rencontrer. C’était le pari d’Alain Soral, tenté et gagné haut la main, à Villepreux, petite bourgade des Yvelines.
Ce qui frappe, tout d’abord, c’est la diversité des participants, trois cents le samedi 9 septembre et presque autant le lendemain. À peine une vingtaine de gens du Front national. Le reste ? Des trotskistes qui s’interrogent, des “Beurs” en quête de sens, des droitistes de gauche – des tercéristes, comme on disait autrefois –, des catholiques, des “nationaux-bolcheviques”, des anciens du GUD, des royalistes, des islamistes présumés, de simples curieux, aussi ; mais rien que des gens qui se posent des questions.
Le samedi, l’inclassable humoriste Dieudonné est venu dire bonjour, en bon camarade qu’il est : jamais le vocable de “réconciliation” n’aura donc été aussi pertinent. Pour les amateurs d’analogies historiques, tout cela évoque les cercles Proudhon de jadis, dans lesquels anarcho-syndicalistes et monarchistes maurrassiens se tendaient la main, juste histoire d’insister sur ce qui pouvait les rapprocher plutôt que de s’égarer à voir ce qui, d’aventure, aurait pu les diviser. Christian Bouchet, docteur en ethnologie, directeur du journal Résistance et l’un des principaux animateurs du remarquable site voxnr.com, a ses réminiscences historiques à l’esprit, lorsqu’il évoque la longue tradition arabophile et islamophile de la droite française, de Maurice Barrès à Charles Maurras en passant par Gustave Le Bon : « Durant l’entre-deux guerres, c’est tout naturellement que les ligues et es partis nationaux accueillent dans leurs rangs des militants musulmans. Selon les rapports d’époque de la Préfecture de police de Paris, les ressortissants d’Afrique du Nord, quand ils s’engagent, le font soit chez les communistes, soit dans les ligues nationalistes ! Ainsi, les maghrébins musulmans sont nombreux au Pari populaire français, et la Solidarité française compte tellement d’Arabes parmi ses adhérents qu’on la nomme, avec ironie, la “Sidilarité française” ! (…) Plus tard, Maurice Bardèche écrit : « Dans le Coran, il y a quelque chose de viril, quelque chose que l’on peut nommer romain”. » Et d’en appeler à Jean-Marie Le Pen, qui, récemment interrogé par le mensuel Arabies, affirme : « On attise la peur des Français devant ce qu’il est convenu d’appeler “l’islamisme” ou “l’intégrisme islamique”. Ceux qui manipulent ces peurs, n’hésitant pas à dénaturer grossièrement le message de l’islam pour le faire mieux entrer dans leurs schémas, le font dans une optique très précise : celle de l’utopie mondialiste et de l’idéologie des droits de l’homme qui présupposent la destruction des identités culturelles et le refus de la transcendance.” »
Controverse politico-théologique impromptue
Dans la foule, certains s’interrogent, d’autres acquiescent. Le débat se poursuit à la buvette, qui au café, qui à la bière. Un musulman salafiste, tendance Tabligh, ce mouvement musulman piétiste qui recommande à ses adeptes de ne pas se mêler des affaires séculières du pays natal ou du pays d’accueil, boit, lui, du petit lait : « Les Français sont bien bêtes de ne pas voter plus pour Jean-Marie Le Pen, l’ami des peuples, des cultures et des religions… » On apprendra ainsi qu’il lui arrive parfois de rompre les vœux de son “ordre” en faisant campagne sur son lieu de travail, la Sécurité sociale, pour le Front national, à chaque jour d’élection qu’Allah fait. Ses interlocuteurs sont passablement interloqués. Malgré sa barbe à la ZZ Top, il ne correspond à aucun des clichés en vigueur qu’on peut se faire de certains musulmans. Et marque un point lorsqu’il affirme : « Vous savez, il y a également tant de clichés qui circulent sur votre compte. Vous seriez racistes et violents, alors que je constate qu’ici, tout le monde est gentil avec moi. » Un Arabe des cités, partisan d’un islam plus laïc, approuve : « Moi aussi, je tente de vous aider, au bas de ma tour, mais je n’ai pas affaire qu’à des intellectuels… Et pourtant, Le Pen, c’est la seule chance pour les Français d’origine arabe de s’en sortir… »
Un jeune catholique traditionaliste, qui refuse, lui aussi, l’étiquette “d’intégriste”, se lance dans une longue controverse avec son nouvel ami barbu. « Réconciliés » ? Non, car ils n’étaient pas fâchés. Au moins apprennent-ils à mieux se connaître. À sympathiser. Le dimanche soir, ils se quitteront bons amis ; à chacun sa foi, certes. Mais faire un bout de chemin ensemble, pourquoi pas ? L’œcuménisme est tel que l’écrivain Jean Robin, qu’on définira comme “trotskisant”, faute de meilleure appellation, par ailleurs d’origine juive, captive l’assistance avec la présentation de son dernier essai, La Judéomanie, ultime ouvrage lu Raymond Barre avant sa mort, et pour lequel il l’a d’ailleurs félicité d’une lettre de félicitations posthumes. Arrivés à l’heure du déjeuner dominical, Jean-Marie Le Pen et son épouse Jany, discutent avec tout ce petit monde hétéroclite. Le salafiste tient absolument à être pris en photo avec le président du Front national. On lui présente une admiratrice croate, rencontre immortalisée par un photographe serbe. Des chevelus gauchistes assistent à la scène, la commentent avec deux jeunes au look de rappeur. La France est décidément une nation complexe et le Front national un mouvement politique pas tout à fait comme les autres.
Farid Smahi, applaudi debout !
À propos de France, justement, c’est à Jean-Marie Le Pen qu’il revient d’insister sur l’avenir de cette vieille idée qu’est la nation. Il le fait avec des termes parvenant à mettre tout le monde d’accord. Un autre Français d’origine arabe apprécie en connaisseur : « C’est bien que les jeunes discutent. Mais il revient ensuite au patron, au patriarche de d’indiquer la conduite à suivre. » Toujours à propos de France, c’est ensuite au tour de l’ami Farid Smahi de tirer quelques larmes à la foule, en clamant haut et fort son attachement à la mère patrie. Son grand-père qui a fait la Grande guerre, son père qui a fait la Seconde. En même temps que son discours, le débat continue au fond de la salle : « Il n’a pas tort, Farid. Ça ne sert à rien d’épiloguer sur le fait de savoir qui est Français et qui ne l’est pas, ou des qualités qu’il faudrait présenter pour être un peu plus Français que d’autres. Quand un mec se fait trouer la peau pour la France, c’est qu’il est Français ; le reste… » Autre point sur lequel il tape dans le mille : « S’intégrer, s’assimiler à la France, bien sûr ! Mais à quelle France ? Si les Français ne croient plus à ce qu’ils sont, pourquoi les “nouveaux” Français y croiraient plus qu’eux ? » Et de se faire applaudir par l’assistance, soudainement debout, quand il dénonce ce monstre juridique qu’est la double nationalité. Au fait, si tout se passe aussi bien, si tant de personnes, issues des horizons les plus divers, parviennent à s’entendre, à se parler sur un pied d’égalité, à se réconcilier tout en se rassemblant, c’est un peu grâce au président Alain Soral qui, dès le début a fixé cette feuille de route franco-française : « Pour résister à l’empire américain et à son totalitarisme mystico-marchand, nous devons, en premier lieu défendre la Nation. Défendre, face aux critiques de droite comme de gauche, non pas un nationalisme obsolète et vengeur, mais un néo-nationalisme, protecteur de nos acquis sociaux, de notre industrie, de nos emplois et de notre indépendance. Un alter-nationalisme capable de penser une saine coopération des nations et des peuples. Un nationalisme français, assimilationniste, mais non métisseur, fondé sur un État fort capable de dire les priorités en matière économique afin de protéger notre industrie, les bas salaires, les PME… » Du coup, quand on se quitte, en cette fin d’après-midi ensoleillée, tout le monde a le sentiment de s’être fait tout plein de nouveaux amis, d’avoir semé les graines d’une concorde future. À quand la moisson ?
Par Nicolas Gauthier
Ce qui frappe, tout d’abord, c’est la diversité des participants, trois cents le samedi 9 septembre et presque autant le lendemain. À peine une vingtaine de gens du Front national. Le reste ? Des trotskistes qui s’interrogent, des “Beurs” en quête de sens, des droitistes de gauche – des tercéristes, comme on disait autrefois –, des catholiques, des “nationaux-bolcheviques”, des anciens du GUD, des royalistes, des islamistes présumés, de simples curieux, aussi ; mais rien que des gens qui se posent des questions.
Le samedi, l’inclassable humoriste Dieudonné est venu dire bonjour, en bon camarade qu’il est : jamais le vocable de “réconciliation” n’aura donc été aussi pertinent. Pour les amateurs d’analogies historiques, tout cela évoque les cercles Proudhon de jadis, dans lesquels anarcho-syndicalistes et monarchistes maurrassiens se tendaient la main, juste histoire d’insister sur ce qui pouvait les rapprocher plutôt que de s’égarer à voir ce qui, d’aventure, aurait pu les diviser. Christian Bouchet, docteur en ethnologie, directeur du journal Résistance et l’un des principaux animateurs du remarquable site voxnr.com, a ses réminiscences historiques à l’esprit, lorsqu’il évoque la longue tradition arabophile et islamophile de la droite française, de Maurice Barrès à Charles Maurras en passant par Gustave Le Bon : « Durant l’entre-deux guerres, c’est tout naturellement que les ligues et es partis nationaux accueillent dans leurs rangs des militants musulmans. Selon les rapports d’époque de la Préfecture de police de Paris, les ressortissants d’Afrique du Nord, quand ils s’engagent, le font soit chez les communistes, soit dans les ligues nationalistes ! Ainsi, les maghrébins musulmans sont nombreux au Pari populaire français, et la Solidarité française compte tellement d’Arabes parmi ses adhérents qu’on la nomme, avec ironie, la “Sidilarité française” ! (…) Plus tard, Maurice Bardèche écrit : « Dans le Coran, il y a quelque chose de viril, quelque chose que l’on peut nommer romain”. » Et d’en appeler à Jean-Marie Le Pen, qui, récemment interrogé par le mensuel Arabies, affirme : « On attise la peur des Français devant ce qu’il est convenu d’appeler “l’islamisme” ou “l’intégrisme islamique”. Ceux qui manipulent ces peurs, n’hésitant pas à dénaturer grossièrement le message de l’islam pour le faire mieux entrer dans leurs schémas, le font dans une optique très précise : celle de l’utopie mondialiste et de l’idéologie des droits de l’homme qui présupposent la destruction des identités culturelles et le refus de la transcendance.” »
Controverse politico-théologique impromptue
Dans la foule, certains s’interrogent, d’autres acquiescent. Le débat se poursuit à la buvette, qui au café, qui à la bière. Un musulman salafiste, tendance Tabligh, ce mouvement musulman piétiste qui recommande à ses adeptes de ne pas se mêler des affaires séculières du pays natal ou du pays d’accueil, boit, lui, du petit lait : « Les Français sont bien bêtes de ne pas voter plus pour Jean-Marie Le Pen, l’ami des peuples, des cultures et des religions… » On apprendra ainsi qu’il lui arrive parfois de rompre les vœux de son “ordre” en faisant campagne sur son lieu de travail, la Sécurité sociale, pour le Front national, à chaque jour d’élection qu’Allah fait. Ses interlocuteurs sont passablement interloqués. Malgré sa barbe à la ZZ Top, il ne correspond à aucun des clichés en vigueur qu’on peut se faire de certains musulmans. Et marque un point lorsqu’il affirme : « Vous savez, il y a également tant de clichés qui circulent sur votre compte. Vous seriez racistes et violents, alors que je constate qu’ici, tout le monde est gentil avec moi. » Un Arabe des cités, partisan d’un islam plus laïc, approuve : « Moi aussi, je tente de vous aider, au bas de ma tour, mais je n’ai pas affaire qu’à des intellectuels… Et pourtant, Le Pen, c’est la seule chance pour les Français d’origine arabe de s’en sortir… »
Un jeune catholique traditionaliste, qui refuse, lui aussi, l’étiquette “d’intégriste”, se lance dans une longue controverse avec son nouvel ami barbu. « Réconciliés » ? Non, car ils n’étaient pas fâchés. Au moins apprennent-ils à mieux se connaître. À sympathiser. Le dimanche soir, ils se quitteront bons amis ; à chacun sa foi, certes. Mais faire un bout de chemin ensemble, pourquoi pas ? L’œcuménisme est tel que l’écrivain Jean Robin, qu’on définira comme “trotskisant”, faute de meilleure appellation, par ailleurs d’origine juive, captive l’assistance avec la présentation de son dernier essai, La Judéomanie, ultime ouvrage lu Raymond Barre avant sa mort, et pour lequel il l’a d’ailleurs félicité d’une lettre de félicitations posthumes. Arrivés à l’heure du déjeuner dominical, Jean-Marie Le Pen et son épouse Jany, discutent avec tout ce petit monde hétéroclite. Le salafiste tient absolument à être pris en photo avec le président du Front national. On lui présente une admiratrice croate, rencontre immortalisée par un photographe serbe. Des chevelus gauchistes assistent à la scène, la commentent avec deux jeunes au look de rappeur. La France est décidément une nation complexe et le Front national un mouvement politique pas tout à fait comme les autres.
Farid Smahi, applaudi debout !
À propos de France, justement, c’est à Jean-Marie Le Pen qu’il revient d’insister sur l’avenir de cette vieille idée qu’est la nation. Il le fait avec des termes parvenant à mettre tout le monde d’accord. Un autre Français d’origine arabe apprécie en connaisseur : « C’est bien que les jeunes discutent. Mais il revient ensuite au patron, au patriarche de d’indiquer la conduite à suivre. » Toujours à propos de France, c’est ensuite au tour de l’ami Farid Smahi de tirer quelques larmes à la foule, en clamant haut et fort son attachement à la mère patrie. Son grand-père qui a fait la Grande guerre, son père qui a fait la Seconde. En même temps que son discours, le débat continue au fond de la salle : « Il n’a pas tort, Farid. Ça ne sert à rien d’épiloguer sur le fait de savoir qui est Français et qui ne l’est pas, ou des qualités qu’il faudrait présenter pour être un peu plus Français que d’autres. Quand un mec se fait trouer la peau pour la France, c’est qu’il est Français ; le reste… » Autre point sur lequel il tape dans le mille : « S’intégrer, s’assimiler à la France, bien sûr ! Mais à quelle France ? Si les Français ne croient plus à ce qu’ils sont, pourquoi les “nouveaux” Français y croiraient plus qu’eux ? » Et de se faire applaudir par l’assistance, soudainement debout, quand il dénonce ce monstre juridique qu’est la double nationalité. Au fait, si tout se passe aussi bien, si tant de personnes, issues des horizons les plus divers, parviennent à s’entendre, à se parler sur un pied d’égalité, à se réconcilier tout en se rassemblant, c’est un peu grâce au président Alain Soral qui, dès le début a fixé cette feuille de route franco-française : « Pour résister à l’empire américain et à son totalitarisme mystico-marchand, nous devons, en premier lieu défendre la Nation. Défendre, face aux critiques de droite comme de gauche, non pas un nationalisme obsolète et vengeur, mais un néo-nationalisme, protecteur de nos acquis sociaux, de notre industrie, de nos emplois et de notre indépendance. Un alter-nationalisme capable de penser une saine coopération des nations et des peuples. Un nationalisme français, assimilationniste, mais non métisseur, fondé sur un État fort capable de dire les priorités en matière économique afin de protéger notre industrie, les bas salaires, les PME… » Du coup, quand on se quitte, en cette fin d’après-midi ensoleillée, tout le monde a le sentiment de s’être fait tout plein de nouveaux amis, d’avoir semé les graines d’une concorde future. À quand la moisson ?
Par Nicolas Gauthier