Essayiste, écrivain, acteur, réalisateur, fondateur d’Égalité & Réconciliation, le touche-à-tout Alain Soral est décrit comme l’Antéchrist par les médias traditionnels. Proche sur de nombreux points politiques de Nicolas Dupont-Aignan, il a accepté sympathiquement de répondre à toutes mes questions. Rencontre avec ce libre-penseur.
Camille Benezech : Votre mouvement a beaucoup de points communs avec Debout La République. Pourquoi ne pas faire cause commune ?
Alain Soral : Les liens trop stricts avec un parti politique traditionnel – je pense à mon passage au FN – m’ont échaudé ! E&R fait du métapolitique, du culturel, de la provocation aussi, libre de toute arithmétique électoraliste et de tout calendrier à court terme. Être collé à un parti politique serait certainement dommageable aux deux parties...
C.B. : C’est très louable, c’est très esprit du professeur Choron. Mais cela reste utopiste, non ? Il n’y a pas d’échéance politique à terme. Quel est donc la finalité de votre mouvement ?
A.S. : Ce qui est très utopique, c’est de croire qu’on peut changer les choses par les urnes, alors que tout est verrouillé depuis bien longtemps ! Alors après avoir nous aussi rêvé du Grand Soir, nous travaillons à E&R, plus concrètement, plus humblement, d’abord à faire monter le niveau de conscience du citoyen par des vidéos, des conférences, des articles, de l’édition, ce qui peut déjà l’aider à moins mal voter ! Ensuite, en proposant à ceux qui veulent échapper à ce système aliénant – et pas seulement s’en plaindre – une solidarité effective, un réseau où s’investir débouchant sur des créations d’entreprises, d’emplois et, à terme, sur la possibilité de vivre une autre vie plus autonome et plus saine. Le bonheur restant pour moi le but honorable de la politique, quand d’autres n’y voient que le moyen narcissique et pervers du pouvoir...
C.B. : Je vous rejoins tout à fait sur le but de la politique. Mais quand vous parlez de tenter d’éveiller les consciences, il y a un obstacle de poids : les médias ! Vous savez qu’ils formatent les esprits, que la masse y est sensible et qu’ils jouent même sur les résultats d’élection. De plus, le journaliste est une espèce en voie de disparition, remplacé peu a peu par les journaleux et autres lèche-bottes. Et concernant votre personne, ils ne sont pas tendres avec vous. Comment surmonter cela ?
A.S. : Comme je l’ai surmonté : par les conférences, par Internet, par l’édition. C’est beaucoup de travail, mais on y arrive. La preuve : mon avant-dernier livre, Comprendre l’Empire, vendu à ce jour à 45 000 exemplaires sans aucun média institutionnel…
C.B. : Effectivement, ce n’est pas rien. Revenons sur Debout la République : qu’appréciez-vous le plus dans leur programme, et chez Nicolas Dupont-Aignan ?
A.S. : J’apprécie qu’il soit sur la même ligne que moi et le FN dans sa critique de l’Union Européenne, comme problème et responsable de la crise actuelle des nations d’Europe, et j’apprécie en plus qu’il ne tombe pas, contrairement au FN, dans le piège du « conflit de civilisations », voulu par les mêmes impérialistes qui soutiennent et commanditent l’UE.
Contrairement au FN, qui tend de plus en plus à en faire son fonds de commerce électoraliste, NDA ne stigmatise pas en permanence les musulmans, et ne confond pas le problème de l’islamisme radical, sous sponsoring impérial, et le destin français du petit peuple musulman français, victime solidaire de la crise économique mondialiste.
En fait, si je regarde ses positions économiques et géopolitiques, je dirai que NDA est sur la ligne E&R de main tendue entre Français de souche et Français d’origine immigrée, dans un but de réconciliation nationale. Que NDA comme E&R, contrairement au confusionnisme mariniste actuel, ne met pas la question ethnique avant la question économique, mais fait dépendre cette question ethnique – l’immigrationisme – de la question économique...
C.B. : Et au contraire, qu’est ce qui vous déplaît chez DLR et son dirigeant ?
A.S. : Je le trouve encore un peu timoré et naïf sur certains sujets, mais je suis sûr qu’il va se raffermir, il en va, à mon avis, de sa survie politique. Les temps qui viennent vont laisser peu de place aux mous et aux petits calculateurs...
C.B. : Alors en parlant de calculateur, que dire sur les Fillon, Guéant ou le fantôme Villepin qui se revendiquent du gaullisme alors qu’il n’ont pas dû lire autre chose sur le sujet que De Gaulle à la plage ?
A.S. : D’eux, je n’ai rien à dire. Ou plutôt j’ai déjà tout dit et tout écrit. Pour moi, ils se sont exclus eux-mêmes, et depuis longtemps, de la famille des humains respectables. Ce sont ce qu’on appelle des politicards.
C.B. : Que vous inspire le paysage politique actuel entre l’élection-spectacle de Copé, l’incapacité de la gauche à gouverner, le FN, le FDG, etc. ?
A.S. : La classe politique française, issue de la Libération puis de Mai 68, est en fin de décomposition.
À droite, le supposé gaullisme de l’UMP, incarné aujourd’hui par Copé, est strictement antigauliste : atlantiste, sioniste et néo-libéral.
À gauche, le PS, qui était sensé incarner le social contre le capital, n’incarne plus que l’arrogance hystérique de la nouvelle bourgeoisie libérale-libertaire, avec Besancenot et Mélenchon en force d’appoint et faux-nez ouvrier ! Dans cette chienlit, les deux composantes qui gardent un peu de crédibilité politique sont, sans conteste, le FN et DLR.
Le FN, qui pèse un poids significatif à près de 20 %, tombe malheureusement dans le piège du « conflit de civilisations » en s’acharnant sur les musulmans. Quant à DLR, qui échappe à ce piège, il pèse malheureusement moins de 2 %…
C.B. : Mais des récents sondages (je sais, ça vaut ce que ça vaut !) montrent que Dupont-Aignan est une personnalité qui monte dans l’estime des Français, et DLR serait apprécié par 20 % des Français. N’est ce pas plein d’espoir ?
A.S. : Le désespoir en politique est une sottise absolue disait Charles Maurras, mais il a mal fini !
C.B. : Pour en revenir à vous, j’aimerais que vous expliquiez comment, à l’instar de Chirac et Juppé avant vous, l’on passe de l’extrême gauche à la droite (personnellement, j’ai longtemps été sympathisants du PC avant de me rendre compte qu’ils avaient des intérêts communs avec le Medef).
A.S. : Je l’ai déjà expliqué maintes et maintes fois ! D’abord je n’ai jamais été à l’extrême gauche mais au PCF, si vous ne saisissez pas la différence, relisez : Le Gauchisme, la maladie infantile du communisme, de Lénine.
Le PCF de Georges Marchais défendait les acquis sociaux des travailleurs français et quand, à la suite de son éviction (due à son discours anti-immigration de Montigny-les-Cormeilles), le PCF s’est rallié à la social-démocratie de marché, les travailleurs trahis ont rejoint peu à peu Le Pen. En rejoignant à mon tour le Front National, seul parti qui, depuis les années 90, exprime la sensibilité du peuple, je n’ai fait que suivre ma base ; ce qui est le minimum quand on se prétend intellectuel marxiste !
C.B. : Je ne voulais en aucun cas vous vexer. Mais pour finir, avez-vous un message à adresser aux militants et sympathisants de Debout la République ?
A.S. : Oui : encore un effort pour être vraiment révolutionnaires !