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Ukraine : l’Union européenne a soutenu un putsch contre un gouvernement démocratiquement élu

Par Aymeric Chauprade

Le coup de force organisé par les États-Unis et l’Union européenne soutenant Tiagnibok (seul leader qui contrôlait les émeutiers) pendant les Jeux de Sotchi (les Russes ayant alors les mains liées) a donc fonctionné et débouché sur l’effondrement du pouvoir légal la veille de la fin des Jeux (le 23 février).

 

Quelles leçons pouvons-nous tirer ?

1) Les récents événements dramatiques démontrent qu’il n’existe aucune solution politique viable et durable pour l’Ukraine dans les frontières actuelles car l’Ukraine est divisée géopolitiquement.

2) Le président Ianoukovitch, qui a quitté le pouvoir de lui-même, et afin que le bain de sang cesse, avait certes des torts sérieux (corruption, incapacité à agir dès le début de la crise) mais il avait été élu démocratiquement (aucune contestation de l’OSCE) et était le président légal. C’est donc un coup de force, un coup d’État même, qui l’a poussé vers la sortie et ce coup d’État a bel et bien été soutenu par l’Union européenne.

3) Le sang a coulé parce que l’opposition a tiré la première à balles réelles sur les forces de l’ordre. Les premiers morts ont été des policiers. Qu’aurait fait un gouvernement occidental si des manifestants avaient tiré à balles réelles sur ses forces de l’ordre ? On se souvient que l’autoritaire M. Valls aura quand même fait jeter en prison des petits jeunes de la Manif pour tous ou de Jour de colère pour un simple jet de canette !

4) Dans cette situation dramatique, l’Union européenne et les États-Unis portent une très lourde responsabilité. Ils ont encouragé la rébellion qui a débouché sur la violence ; ils ont cautionné un coup d’État contre un gouvernement démocratiquement élu.

5) La trame de fond de cette affaire, ne l’oublions pas, est, premièrement l’affrontement entre les États-Unis et la Russie, les premiers voulant « otaniser » l’Ukraine, les seconds voulant y conserver leur influence stratégique.

C’est, deuxièmement, un affrontement historique entre l’Allemagne, qui a toujours voulu contrôler (Hitler) l’ouest de l’Ukraine (ce qui explique les néo-nazis de Svoboda) et la Russie, qui tente de refouler cette influence (ce qui explique les slogans anti-nazis des ouvriers de Donetsk).

6) L’affaire ukrainienne, après la Syrie, la Libye et tant d’autres depuis 1990, apporte la démonstration que l’antifascisme et [la lutte contre] l’antisémitisme sont une posture pour les partis dominants en France et non un combat réel, posture qui ne vise qu’à diaboliser les forces politiques réellement alternatives. Ce n’est en effet pas une conviction puisque, au nom de l’Union européenne, ces partis inféodés aux oligarchies pro-américaines ont soutenu les néo-nazis ségrégationnistes et antisémites de Svoboda, le fer de lance du coup de force contre le gouvernement légal d’Ukraine.

Une fois de plus, l’Union européenne prouve qu’elle n’est rien devant les tendances lourdes de l’Histoire et les enjeux de puissance. Sa rhétorique sur la démocratie et les droits de l’homme est instrumentalisée. Les gesticulations bellicistes de BHL en sont l’illustration pathétique.

 

L’Ukraine face au réel

L’opposition est divisée : que peut-il y avoir de commun en effet entre Ioulia Timochenko et les néo-nazis de Svoboda ?

Les différents clans d’opposants vont devoir faire face à la réalité économique et géopolitique :

- Banqueroute de Naftogaz, la compagnie gazière.

- Plus de service public, fonctionnaires non-payés, caisses vides. L’UE ne donnera pas suffisamment. Donc Iatsenouk va devoir aller mendier l’argent russe et on imagine comment il sera accueilli.

- Chaos dans l’Ouest de l’Ukraine où des bandes ont pris le contrôle.

- Qui fera partir les extrémistes qui tiennent Maïdan ?

Le retour à la Constitution de 2004 n’arrangera rien. Bien au contraire. Leonid Kuchma, sentant le vent tourner en sa défaveur pendant la Révolution orange, avait imaginé une constitution perverse qui diluait tout les pouvoirs si bien que personne ne dirigeait vraiment l’Ukraine.

Revenir à cette Constitution sera une catastrophe quand on connaît la fragilité géopolitique intérieure de l’Ukraine et ses difficultés économiques. Selon Standard & Poor’s, l’Ukraine fera défaut sur sa dette (elle doit rembourser 13 milliards de dollars cette année) si la Russie arrête son aide, ce qui est désormais probable.

Que peut-on souhaiter ?

Pour ramener la paix, il ne reste qu’une solution viable. Diviser l’Ukraine en deux États. Une Ukraine de l’Ouest tournée vers l’Allemagne, la Pologne et donc l’Union européenne. Ce sera l’Ukraine pauvre, nous serons perdants, sauf les Allemands qui vont y trouver une main d’œuvre à bas coût pour continuer à maintenir leur avantage compétitif sur nous.

Une Ukraine de l’Est, indépendante ou rattachée à la Russie (après tout, les habitants y sont russes) avec la Crimée bien sûr, éminemment stratégique pour Moscou.

Conclusion

Nous ne sommes qu’au début du chaos ukrainien et l’Union européenne porte une très lourde responsabilité. Manipulée par les États-Unis, l’Union a voulu exclure la Russie, acteur essentiel dans la zone, du règlement. Rappelons qu’après le Sommet de Vilnius de novembre 2013, le Kremlin a proposé de régler la question de l’Ukraine lors d’une conférence qui aurait rassemblé les Ukrainiens, les Russes et les Occidentaux.

La crise ukrainienne est donc une nouvelle preuve de l’échec de l’Union européenne. L’Union européenne n’est pas un facteur de paix, elle est un facteur de guerre.

Aymeric Chauprade

Retrouvez Aymeric Chauprade chez Kontre Kulture :

Sur les « révolutions colorées » et les manipulations de l’Empire, chez Kontre Kulture :

 






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38 Commentaires

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  • Un super article.

    Je pense aussi qu’en réalité l’affaire est loin d’être gagnée pour les Occidentaux.

    L’ouest risque de s’enliser dans une anarchie aussi bien politique que sécuritaire. D’ores et déjà nous voyons que la situation est plus claire à l’est.

    Lorsque les mecs de "secteur droit", qui ont étés nombreux à se battre vont se rendre compte qu’ils vont être cocus, ils vont remettre ça dans la rue.

     

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  • Au final c’est très malin. Ils ont donné les JO à la russie juste pour faire leur coup d’état prémédité depuis long time.

    Rien n’est laissé au hazard, pas étonnant qu’on passe pour un parano lorsqu’on explique tout ça aux "branchés".

     

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  • Pour les neo-nazis ils ferment les yeux quand ça les arrange.
    BHL, Fabius, Sarkozy à la guillotine

     

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  • Bonjour,

    il me semble que certains s’arrangent facilement avec la réalité en prétendant que les russes n’auraient rien à faire en Ukraine alors que des considérations historiques et géopolitique plaident au contraire en faveur de cette présence, du moins en ce qui concerne l’est.

    D’abord l’histoire russe commence à Kiev avec la conversion du Prince Vladimir Ier au christianisme orthodoxe à l’occasion de son mariage avec une princesse byzantine (d’ou en partie la prétention russe d’être la "Troisième Rome" et donc l’appellation de Tsar ou Caesar) ainsi que l’adoption d’un alphabet adapté du grec, le cyrillique. Malgré diverses invasions l’est de l’Ukraine actuelle est toujours resté orthodoxe (je rappel que la Russie est historiquement et ce depuis la chute de Constantinople la protectrice de la chrétienté orthodoxe) et a été partie intégrante de la Russie du XVII ème siècle à 1991.

    Autre considération, géopolitique celle là, croire que la Russie va se laisser dépouiller sans réagir du port de Sébastopol est d’une naïveté et/ou d’une malhonnêteté incroyable. Cela fait des siècles que celle-ci compte parmi ses objectifs prioritaires un accès aux mers chaudes, l’affaire de Syrie en est un très bon exemple, alors selon le principe du "qui peut le plus peut le moins", si les russes n’ont pas lâché la Syrie ce n’est sûrement pas pour abandonner l’Ukraine ou au moins l’est et surtout la Crimée. D’ailleurs il y a lieu de se demander dans quelle mesure cette affaire est liée à la guerre en Syrie (BHL, "c’est bon pour Israël"), car en effet il serait certainement plus difficile à la Russie d’intervenir en Syrie sans le port de Sébastopol. Si le nouveau gouvernement prétendait les en expulser il y a fort à parier qu’il se produirait, à plus grande échelle, ce qui s’est déjà produit en Géorgie, c’est à dire une attaque militaire suivie d’une partition du pays avec reconnaissance de l’indépendance d’une partie du pays (bon plus une annexion qui ne dit pas son nom, c’est sûr, mais que s’est-il passé au Kosovo ?).

    Autre considération géopolitique et économique, la majorité du gaz russe en transit vers l’Europe occidentale passe par l’Ukraine. Il est évident qu’une Ukraine sous contrôle des Etats-Unis (l’Ukraine bientôt en faillite ? mais quelle formidable occasion que de placer celle-ci sous perfusion du FMI, donc sous contrôle politico-financier de Washington !!) serait un formidable moyen de pression sur la Russie.

     

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    • Bravo, bel analyse, et clair. t’as tout dis ou presque.

       
    • les Américains ont déjà fait leur deuil de la Crimée ,la partition de l’Ukraine leur va à ravir
      ils y verront la Russie reculer des frontières polonaises sur son flanc ukrainien
      ils grignotent tout doucement.
      L’’ouest ukrainien peut devenir comme la Libye ou la Tunisie un laboratoire de combattants mercenaires pour les plans occidentaux de L’OTAN notamment en Russie et en Biélorussie
      je ne crois pas que v poutine n’en soit pas conscient et qu’il ne prendra pas de sérieuses mesures ou options pour protéger la Biélorussie
      les usa n’ont jamais changé la méthode des contras et ceci depuis le renversement de Salvatore ’Allende élu démocratiquement en 1973 et la dictature d’extrême droite néolibérale de Pinochet qui a suivi ,quand on ne connait pas cette histoire et bien : on est condamné à y succomber à l’infini pour paraphraser l’adage

       
  • #737998

    En 2010 l’UE et Le Monde n’avaient pas le même discours sur l’Ukraine :

    http://www.lemonde.fr/europe/articl...

    http://www.lemonde.fr/idees/article...

    Nous venons d’assister à un putsch organisé par l’UE et les USA. Il y a fort à parier que l’affrontement avec la Russie va se faire de plus en plus à visage découvert désormais...

     

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  • #738111

    Bonjour,
    Cela me rappel un autre président élu démocratiquement et qui fut destitué, ça se passait en Egypte je crois en 2013.
    Mais aussi dans un autre registre, les différents accidents/assassinats de présidents élus démocratiquement dans les pays d’Amérique Centrale, et d’Afrique.

    Un autre point de vue intéressant, pour ceux qui ne connaissent pas c’est le livre de John Perkins : "confession d’un assassin financier".

     

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  • #738189

    il suffit de voir l’évolution des balkans depuis 1870.
    VÉRITABLE POUDRIÈRE EMBLÈMATIQUE DE la situation mondiale et toujours entretenu dans un état de tension active par qui ? :---les anglo-saxons.
    depuis, l’union européenne fait le sale boulot de la perfide albion, jamais vraiment européen mais toujours aussi perfide dans les questions d’écrasement des peuples de tous bords d’ailleurs.

     

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  • #738194
    Le 24 février 2014 à 14:35 par mahmoud ahmadinesteinberg
    Ukraine : l’Union européenne a soutenu un putsch contre un gouvernement (...)

    Après la Libye, la syrie et l’iran, voila l’ukraine, nouvelle cible de la nouvelle guerre froide que se livre la russie contre l’empire judeo-maçonnique. .je ne crois pas que vladimir va se tourner les pouces en attendant que ça se passe..Ils veulent vraiment lui mettre, la quenelle, ma8s malheureusement pour eux c’est la russie c’est pas la centrafrique..

     

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  • #738830

    Les Etats-Unis d’Amérique et les Etats-Unis d’Europe, c’est exactement la même chose car Unis mais reste à mettre en Lumières Unis par qui et Unis pour quoi. Apparemment, Unis au nom de la supériorité raciale ultra-minoritaire pour piller et détruire l’ultra-majorité.
    Cette ultra-minorité qui se prétend supérieure a également la prétention de se considérer juive comme si moi, tout en assassinant la France, je revendiquais le droit de me considérer français. Puis-je prétendre être ce que je détruis ? Puis-je prétendre éduquer des enfants que je considère issus de races inférieures et prendre le risque qu’ils deviennent ne serait-ce que mes égaux ? Non, je n’éduque pas les races inférieures, je les soumets à mon pouvoir par l’ignorance et j’abuse de ce pouvoir car j’utilise également la terreur et j’instaure la dépravation. Je mens car mon culte m’autorise à tromper pour parvenir à mon but.
    Je mens depuis des siècles et des siècles et l’usure me rend riche et puissant. Je possède absolument TOUT excepté...le pouvoir de Dieu !

     

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  • Même si l’analyse peut être validée en partie, je trouve étrange que M. Chauprade oublie totalement les fomenteurs de ces troubles, les lobbies judéo-ukrainiens liés à "Israël". Dans ce jeu de dupes qui ramène systématiquement à ce qui se joue en Syrie, à savoir l’émergence des nouveaux équilibres mondiaux, "Israël" veut continuer à peser sur toutes les décisions atlanto-européennes pour sauver sa peau. Et selon, ce qui semble se dessiner, la Russie prend le pari de laisser se déclencher un incendie qui brûlera l’Europe et les intérêts euro-américains, même au prix d’une autre provocation aui aurait pour nom la Géorgie, c’est le sens de la course contre la montre lancée par les américains pour tenter d’obtenir un gouvernement d’union nationale en Ukraine que l’on présente comme un gouvernement de techniciens. Et c’est ainsi que s’explique le silence gêné de l’Europe ou les supplications lancées à Poutine pour une transition pacifique. Mais la Russie a dit niet et le compte à rebours commence...

     

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