Les conclusions en cause
les Président et Conseillers
Cour d’appel de Paris
Audience du 9 novembre 2017 à 13h30
Monsieur Alain Soral a été condamné par jugement du 14 mars 2017 par le tribunal de Paris pour injure raciale et contestation de crime contre l’humanité à trois mois d’emprisonnement sous la prévention d’avoir publié :
une Une de journal avec (...) pour titre principal « Chutzpah Hebdo » et en dessous un dessin (…) représentant le visage de Charlie Chaplin devant le symbole judaïque de l’étoile de David, ainsi que du savon, un abat-jour, une chaussure et une perruque, liés à des bulles indiquant « ici », « là » et « là aussi », en réponse à la question posée par le personnage de Chaplin qui a une bulle indiquant « Shoah où t’es ? », dessin comportant également un encart « historiens déboussolés ».
Pour retenir l’injure, le tribunal a estimé que la communauté juive était visée en raison du titre Chutzpah hebdo, de la présence de l’étoile de David et de la référence à la Shoah ; qu’il s’agissait de la ridiculiser en tournant en dérision le génocide dont elle a été victime et sa souffrance ; et que « ce dessin (…) tourne en dérision l’extermination des juifs par le biais de représentations particulièrement outrageantes et méprisantes » ;
Pour retenir la contestation de crime contre l’humanité, le tribunal a considéré que :
« La publication incriminée reflète et insinue chez le lecteur l’idée que la Shoah serait non une réalité indiscutable mais une fabrication de l’esprit, un mensonge imposé par « culot » ou « toupet ».
Monsieur Alain Soral fait appel de ce jugement.
Iconologie juridique
I
En réalité, ainsi que l’indiquait l’encart « historiens déboussolés », ce n’est certes pas la communauté juive qui est visée, mais les historiens de la Seconde Guerre mondiale.
Chaussure et cheveux font référence aux lieux de mémoire organisés comme des lieux de pèlerinage. On y met en scène des amoncellements de ces objets, afin de frapper les imaginations. Au Musée de l’Holocauste à Washington la légende du tas de chaussure dit : « We are the last witnesses ».
La coupe des cheveux se pratique dans tous les lieux de concentration et s’explique par l’hygiène, sans laquelle les parasites et la vermine tels les poux prolifèrent, véhicules de virus comme le typhus, synonymes de maladie et de mort.
Sur l’histoire de ces cheveux, lire Robert Faurisson, Les cheveux d’Auschwitz.
La récupération des chaussures est normale : en temps de pénurie tout est recyclé.
Savon et abat-jour font référence à la propagande de guerre. Au procès de Nuremberg les ennemis de l’Allemagne vaincue sont allés jusqu’à accuser les Allemands d’avoir produit du savon avec de la graisse de juif, et d’avoir confectionné un abat jour de peau juive.
En fait de peau, il s’agissait de cuir de chèvre ou maroquin (expertise demandée par le Général Lucius Clay) ; quant au savon, lire Robert Faurisson, Le savon juif. Et Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, Fayard, 1988, page 837, note 27 : « La rumeur relative au savon semble avoir été particulièrement insistante. (…) La rumeur du savon se perpétua même après la guerre. Des savonnettes, qui auraient été confectionnées avec la graisse de Juifs morts, sont conservées en Israël et par Yivo Institute de New York. » Georges Wellers voyait dans le savon « le produit d’une lugubre imagination sans aucun fondement, née au milieu des horreurs des camps ».
L’avocate de la LICRA a estimé qu’avec chaussure, cheveux, savon et abat-jour, le dessinateur avait joué avec « les symboles de l’horreur de la Shoah » (Ilana Soskin, lors du Salon du livre 2017 qui se tenait au Palexpo à Genève, stand de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation, vendredi 28 avril 2017).
Si la destruction des juifs d’Europe n’était plus réduite qu’à de tels symboles il y aurait tout lieu de s’inquiéter.
II
Par ailleurs, le tribunal a ignoré que la cible du dessin était Charlie Hebdo, une feuille qui, sous des dehors satiriques, est un organe de propagande sioniste et atlantiste.
En effet, le dessin incriminé est un pastiche de la couverture de Charlie Hebdo qui, après les attentats de Bruxelles de mars 2016, avait représenté le chanteur belge Stromae au beau milieu de membres décharnés.
Allusion non seulement aux récents attentats, mais aussi au fait que le chanteur soit l’auteur d’une chanson Papa où t’es ?, son père ayant été tué lors des conflits « génocidaires » au Rwanda.
À la question posée par Stromae, lui répondent les membres décharnés de son père, mort victime d’un conflit où les machettes étaient d’usage.
Façon de se moquer à la fois des victimes des attentats en Belgique, des belges, de Stromae et du génocide rwandais. Quelle meilleure réplique que celle choisie par le dessinateur publié sur le site d’Égalité & Réconciliation ?
Et la preuve que le dessin a fait mouche c’est qu’il fait l’objet de poursuites et de condamnations qui ridiculisent, avec les neuf associations parties civiles, le parquet et les premiers juges. Tandis que Charlie Hebdo n’est pas inquiété, sous bonne garde policière et fort des six millions de Charlie.
C’est quoi qu’il en soit de manière erronée que le tribunal estime que le dessin incriminé ne saurait bénéficier de la plus grande tolérance reconnue à l’expression humoristique.
Le dessin incriminé s’inscrit tout simplement dans les registres permissifs de l’art, de l’humour et de la politique : dessin satirique de tradition française qu’il faut défendre contre tous les terrorismes.
Liste des pièces :
1. Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international – Nuremberg 14 novembre 1945 – 1er octobre 1946, Nuremberg, 1947, tome 1, pages 265-266.
2. Robert Faurisson, Les cheveux d’Auschwitz.
3. Robert Faurisson, Le savon juif.
4. Attentats à Bruxelles : ce que l’on sait, Libération, 22 mars 2016.
5. Charlie Hebdo, 30 mars 2016.
6. « Papa où t’es ? » : la famille de Stromae et les Belges répondent à Charlie-Hebdo, La Dépèche, 31 mars 2016.
7. Stromae, « Papaoutai » (paroles).
8. Stromae termine sa tournée au Rwanda et rend hommage à son « papa », La Dépèche, 19 octobre 2015.
9. Karlo, Ilana Soskin avocate, 2017 :
Le parquet a requis la confirmation des trois mois d’emprisonnement ferme prononcés en première instance contre Alain Soral. Délibéré au 18 janvier 2018.
Le compte-rendu du délibéré par Damien Viguier :
Complément :
PUBLICATION JUDICIAIRE VOLONTAIRE
Pour répondre à une demande d’avocats des parties civiles [1] que les juges de la XVIIème chambre correctionnelle du tribunal de Paris n’avaient pas satisfaite, le site d’Égalité & Réconciliation offre gratuitement la publication de l’essentiel du jugement de cette chambre. E&R entend ainsi apporter sa contribution à la lutte contre les discours de haine, l’ignorance et la bêtise.
Jugement du 14 mars 2017 qui condamne Alain Soral à trois mois d’emprisonnement pour injure raciale et contestation de crime contre l’humanité :
...
Alain SORAL a été cité (…) sous la prévention d’avoir (…) [publié] un article intitulé « Les dessins de la semaine » comportant une Une de journal avec comme titres « Attentats les sionistes sont dans la place », « Reportage comment le Mossad fabrique des Molenbeek » et pour titre principal « Chutzpah Hebdo » et en dessous un dessin (…) représentant le visage de Charlie Chaplin devant le symbole judaïque de l’étoile de David, ainsi que du savon, un abat jour, une chaussure et une perruque, liés à des bulles indiquant « ici », « là » et « là aussi », en réponse à la question posée par le personnage de Chaplin qui a une bulle indiquant « shoah où t’es ? », dessin comportant également un encart « historiens déboussolés ».
Sur l’infraction d’injure publique à caractère racial
...
En l’espèce, il y a lieu, tout d’abord, de relever que le dessin incriminé vise la communauté juive, en raison, notamment, de son titre –CHUTZPAH HEBDO, le terme « chutzpah » signifiant en yiddish « sans gêne », « toupet » ou « culot »-, de la présence en arrière-plan de l’étoile de David, de la référence à la Shoah, explicite dans la bulle « Shoah où t’es ? » ou implicite, par le renvoi des bulles « Ici », « là » et « et là aussi » répondant à cette question aux symboles des camps d’extermination qui sont les chaussures sans lacets, les cheveux, les savons – celui qui est représenté portant en outre l’étoile de David – et les abat-jour.
S’agissant, par ailleurs, du caractère injurieux de ce dessin, il convient de souligner qu’il constitue tout d’abord, un détournement de la Une ci-après reproduite de l’hebdomadaire Charlie Hebdo du 30 mars 2016, publié après les attentats de Bruxelles du 22 mars 2016, représentant Stromae, chanteur belge d’origine rwandaise, auteur de la chanson « Papaoutai » ;
que ce détournement d’un hebdomadaire satirique et provocateur vise, par ailleurs, l’évidence à ridiculiser la communauté juive, en tournant en dérision le génocide dont elle a été victime et sa souffrance, le visage impassible de Stromae étant remplacé par celui hilare de Charlie Chaplin dans le rôle de Charlot, le terme à la fois familier et, dans ce contexte tout au moins, dénigrant « chutzpah » étant accolé à un dessin évoquant l’holocauste et le peuple juif étant réduit à des objets à la fois prosaïques et chargés d’une symbolique éminemment morbide, contrastant violemment avec l’air réjoui de Charlot, remarque étant faite en outre que la référence au film Le Dictateur où Charlie Chaplin joue le rôle d’Adolph Hitler ne peut pas être exclue ;
que le dessin incriminé ne saurait par ailleurs, de par son contenu et sa portée, et nonobstant la référence à Charlie Hebdo et le recours apparent aux mêmes procédés que ceux fréquemment utilisés par cet hebdomadaire, bénéficier de la plus grande tolérance reconnue à l’expression humoristique ;
qu’ainsi, il doit être considéré que ce dessin, qui tourne en dérision l’extermination des juifs par le biais de représentations particulièrement outrageantes et méprisantes, caractérise l’infraction d’injure publique à caractère racial reprochée à Alain Soral.
Sur l’infraction de contestation de crime contre l’humanité
...
Au cas particulier, il ressort à la fois des éléments déjà exposés ci-avant, de la question même « Shoah où t’es » et de l’encart « historiens déboussolés » figurant en haut à gauche du dessin, qui traduisent tous deux le fait qu’il serait légitime de s’interroger sur l’existence de la Shoah, ainsi que du détournement d’une couverture de Charlie Hebdo en lien avec un autre génocide, le génocide rwandais, dont a été victime le père de Stromae, que la publication incriminée reflète et insinue chez le lecteur l’idée que la Shoah serait non une réalité indiscutable mais une fabrication de l’esprit, un mensonge imposé par « culot » ou « toupet », fabriqué comme les attentats et « les Molenbeek » par « les sionistes » et « le Mossad » et ne reposant sur aucune preuve tangible et constitue, partant, l’infraction de contestation de crime contre l’humanité telle que définie supra.
Alain Soral sera, par conséquent, déclaré coupable de ce chef.
Alain Soral en première ligne pour défendre l’insoumission française,
rendez-vous sur sa page de financement participatif pour le soutenir :