On n’en a sans doute pas assez parlé, mais les grèves de la SNCF et des contrôleurs aériens avaient la même cause : les projets de déréglementation voulus par l’Union européenne. Les grévistes refusent, à raison, le démantèlement artificiel et dogmatique des services publics.
Une logique de petits pas
La manière dont avance cette construction européenne est fondamentalement sournoise. Elle fuit les votes populaires qui exposent ses projets sous une lumière trop crue. Elle préfère avancer petit à petit, de manière technique, sur des périodes longues, comme pour le démantèlement du service public ferroviaire. Le texte contre lequel les grévistes protestaient est le 4ème paquet ferroviaire. Un précédent paquet nous a déjà imposé l’ubuesque coupure en deux de la SNCF, qui a enfanté RFF (Réseau ferré de France). L’objectif est encore une fois de mettre en concurrence le transport ferroviaire.
Par conséquent, il faut séparer la gestion du réseau de la gestion du transport. Cela a été fait en partie, mais le nouveau projet doit permettre de le faire en totalité puisque 50 000 salariés de la SNCF seraient transférés vers RFF qui gèrerait intégralement le réseau, imposant la constitution d’une 3ème entité pour superviser les rapports entre RFF et les entreprises qui utiliseraient son réseau. C’est la même logique qui est à l’œuvre pour l’électricité avec EDF, ERDF et RTE. L’objectif de la Commission européenne : ouvrir les lignes intérieures (TER et Intercités) à la concurrence à partir de 2019.
Les contrôleurs aériens protestaient pour des raisons similaires. En effet, avec le projet Ciel unique 2+, la Commission « veut unifier la navigation aérienne entre les différents pays européens, en créant six blocs aériens, qui fonctionneraient notamment avec un système informatique commun ». Une des idées serait de couper en 3 l’actuelle direction générale de l’aviation civile, avec possibilité d’en externaliser une partie et de la soumettre à la concurrence. La CGT dénonce « l’attaque directe contre le caractère de service public de ce secteur d’activité » et « l’atteinte à la souveraineté nationale ».
Des projets révoltants
Les projets de la Commission européenne sont totalement scandaleux. Le démantèlement des services publics n’a en aucun cas prouvé son efficacité sur les secteurs comme l’électricité ou le train, bien au contraire. La libéralisation provoque une envolée des prix (perte d’économies d’échelle, complexification de la régulation, envolée des profits et des dépenses de communication) car ces secteurs ne sont pas des secteurs où il est pertinent d’avoir plusieurs opérateurs. Il faut mettre en place une concurrence artificielle qui aboutit le plus souvent à affaiblir les opérateurs historiques.
En effet, il est bien évident que ce sont les lignes les plus profitables qui verront s’installer la concurrence, poussant alors les opérateurs historiques à fermer les lignes moins rentables qui seront les victimes de cette libéralisation, oubliant totalement leur mission de service public. Ce démantèlement des services publics traditionnels n’a apporté aucun bénéfice jusqu’à présent et il est totalement délirant que l’on continue dans cette voie. À ce titre, il est assez incroyable que le Parti « socialiste » laisse faire. Comment peut-on se dire de gauche et laisser démanteler les services publics ?
Mais l’autre point très intéressant de ces projets, c’est l’attaque en règle contre la souveraineté nationale. En effet, le projet de déréglementation du contrôle aérien est un moyen de retirer aux États le contrôle de leur espace aérien, une prérogative pourtant essentielle. Lentement, mais sûrement, l’UE grignote petit à petit les attributs étatiques de nos vieilles nations. Pour l’instant, malgré le sursaut de 2005, nous nous laissons faire. Le seul moyen pour mettre fin au démantèlement de nos services publics sera de balayer le PS, l’UMP, les Verts, le Modem et l’UDI, qui en sont les vrais responsables.
Cette fois-ci, je partage les raisons qui ont poussé les contrôleurs aériens et le personnel de la SNCF à faire grève. Malheureusement, il faut bien contester que le message de la défense du service public et des dangers de leur démantèlement n’est pas suffisamment bien passé.