On y est ! Enfin presque, et en paroles. L’essayiste avait défrayé la chronique il y a trois ans en parlant de l’opération Ronces, qui consistait à envoyer l’armée dans les cités pour les calmer, les pacifier (à l’algérienne ?), voire les anéantir.
Une solution toute trouvée au problème des incivilités et des violences, une solution efficace, brute, virile, mais difficile, voire impossible à appliquer. Et pourquoi ? Parce que tout le monde n’est pas racaille dans les cités, que des racailles vivent dans des familles avec femmes et enfants, qu’il sera très difficile de séparer le bon grain (les bons Français) de l’ivraie (les mauvaises racailles).
L’opération Ronces, c’est la revanche du pied-noir sur l’Algérien, c’est ce que l’on pourrait comprendre en filigrane. Mais cette solution finale a le mérite d’exister, enfin, dans l’esprit de Zemmour : c’est un agent du renseignement militaire qui lui en aurait parlé. Il est évident que des scénarios existent de pénétration en territoire hostile, dans une cité rebelle, et des policiers et des militaires s’entraînent à ce sujet, car les guerres futures risquent d’être urbaines. On imagine un hélico qui survole des blocs, éclairant la nuit, arrosant de balles les racailles qui courent dans tous les sens...
Si ce pilote aux cheveux blonds fait fantasmer Zemmour, ce n’est rien par rapport à cet arrosage d’une section de Talibans par un hélico Apache, la jouissance au bout du joystick :
Cependant, le nombre de « bavures » US en Afghanistan doit nous faire réfléchir : souvent, les hélicos ont pris un attroupement de civils pour une section de combattants.
« On ne compte plus les frappes aériennes qui ont décimé des noces entières, au Yémen ou en Afghanistan, les observateurs militaires prenant les rassemblements pour des groupes de combattants. En juillet 2008, 47 Afghans, pour la plupart des femmes et des enfants, ont été tués alors qu’ils accompagnaient une future mariée jusqu’au village de son promis. Les États-Unis ont d’abord nié la mort de civils, mais le gouvernement afghan, après enquête, a déterminé que les Américains avaient lâché successivement trois bombes qui ont massacré 47 personnes, dont la mariée. En novembre de la même année, un bombardement a fait 63 victimes dans un autre mariage dans la province de Kandahar, 37 Afghans, là encore surtout des femmes et des enfants, et 26 insurgés. Le gouvernement a accusé les talibans d’avoir fait exprès de s’être abrités près du lieu où l’on célébrait la noce. »
Mais il y a « mieux », Le Point raconte :
« Ce n’est pas la première fois que des frappes américaines provoquent des bavures. Le 12 juillet 2007 en Irak, une vidéo choquante filmée d’un hélicoptère militaire, qui sera rendue publique des années plus tard par le site WikiLeaks, montre un groupe d’une dizaine d’hommes en train de marcher dans une rue de Bagdad. Deux au moins sont armés. Les militaires, dont la conversation est enregistrée, demandent l’autorisation de tirer parce qu’ils ont repéré un lance-roquettes. En fait, il y a là deux employés de l’agence Reuters, un chauffeur et un photographe, et le supposé lance-roquettes est un téléobjectif. Les soldats ouvrent le feu sur le groupe, tuant les deux journalistes. Puis, lorsqu’une camionnette s’approche pour aider les victimes, les militaires, craignant qu’il ne s’agisse d’autres « insurgés » venant récupérer les armes et aider leurs camarades, obtiennent de nouveau l’autorisation de tirer. Au total, ils tuent entre 12 et 15 Irakiens. Deux enfants blessés sont évacués ensuite. « C’est de leur faute s’ils amènent des enfants dans la bataille », commente un des soldats dans la vidéo. »
Zemmour dans les ronces
Comprendre que l’opération Ronces, si elle existe un jour, ce sera un mélange entre Bagdad et Stalingrad, à l’échelle de nos banlieues, bien sûr. Sur qui tirer ? Les soldats auront-ils les photos des racailles à abattre ? Les casiers judiciaires ou les dossiers criminels fournis par la police ? Et comment tirer sur des racailles en évitant les femmes et les enfants ? On entend déjà Riposte laïque hurler : ces femmes et ces enfants, ce sont déjà des boucliers humains ! Quand on avance que l’islam, c’est le cancer de l’humanité, tout est possible.
Mais pourquoi pas une opération Ronces, c’est-à-dire tirer à balles réelles sur les racailles qui provoquent ou attaquent les flics, après tout, c’est légitime, et c’est de la défense. Mais alors, et là on va faire nos socialistes, quid du chômage, des écoles et des formations pourries, des familles décultivées, ou jamais cultivées, qui n’ont donc aucune chance – à part un petit surdoué aux échecs ou en maths qui surgit de cet océan d’ADN perdu – de s’extirper de ce terreau d’oisiveté, d’inutilité sociale, de désocialisation, de violence (allons-y gaiement) ? Chez Riposte laïque et chez les nationaux-sionistes, on ne fait pas dans la dentelle sociologique, on tape dans le tas – à l’américaine – et on verra bien ce qu’il en reste. Pourquoi pas ? Allez-y, feu vert et feu à volonté.
Il faudra quand même faire le tri entre les bons et les mauvais bicots, et là on emprunte le discours de l’armée en Algérie, car on va se retrouver avec le problème des Mischlinge en Allemagne à la fin des années 30... L’opération Ronces, rien de tel pour vous dessouder un pays, pour vous le fracturer à tout jamais. Alors, faut-il rester coi, les bras croisés, l’arme au pied, devant les insultes, les agressions et les crimes des racailles ? Non, mais la tuerie n’est pas la solution, et ce n’est pas une solution de durs, c’est une solution de faibles d’esprit. Car ce qui compte, c’est la France, et la France risque d’y passer.
Dans son émission du 8 janvier sur CNews, Zemmour a donc frappé fort en invoquant la loi du Talion, une jolie loi pleine d’amour inventée par Yahvé, cet ami des humains. Le polémiste y était opposé à Charles Consigny, qui fut un temps chroniqueur chez Ruquier aux côtés de la folle Angot. Un combat déséquilibré, comme à chaque fois dans Face à l’info. Que l’arbitre Christine (Kelly) invite un boxeur de sa catégorie, merde, pas des sparring-partners, Consigny est bien trop gentil, il ne sait pas cogner ! [1]
Zemmour évoque le comportement relativement non violent de la police française pendant les émeutes de banlieues de 2005. On veut bien le croire, cela a d’ailleurs été un tour de force : mater les émeutes sans verser de sang. Cependant, à y regarder de plus près, ces émeutes ont été visiblement provoquées dans un but politique... Les banlieues, pour le national-sionisme, sont à la fois un repoussoir national et une réserve de voix de droite. Précision : on n’y vote pas à droite (on y vote même à gauche à 90 % et plus), mais cela produit de la voix de droite, ce que Sarkozy et ses ingénieurs sociaux avaient bien compris. Sauf que la soupe a débordé et que ça a failli leur péter vraiment à la gueule.
15 ans plus tard, après cet épisode qui rappelle les appels au meurtre de Palestiniens en période électorale israélienne, ce qui fait mécaniquement monter les partis de droite extrême, les vrais fascistes de là-bas, nous voici en France avec une évolution vers une politique sécuritaire à l’israélienne, ce que nous avons déjà analysé ici.
Après la onzième minute, Consigny et Zemmour évoquent donc la réaction policière proportionnée de 2005, ce que Zemmour regrette. La théorie zemmourienne s’énonce en un mot : le laxisme de l’époque a ouvert les vannes d’une violence supérieure que l’on ne peut plus contenir. Autrement dit, parlons cash, les flics n’ont pas abattu de racailles, du coup le camp des racailles s’est enhardi, jusqu’à une situation sans retour possible.
Voici l’échange crucial, à partir de 11’08 :
Consigny : « Et en 2005 vous ne trouvez pas qu’on a bien fait de gérer les émeutes comme on les a gérées ? Vous ne trouvez pas admirable qu’en 2005 on ait su gérer les émeutes sans qu’il y ait un mort dans les manifestants ? »
Zemmour : « On peut considérer que c’est admirable, moi je pense, et j’en ai discuté beaucoup avec des responsables policiers (...) que depuis il y a eu un changement de climat en banlieue (...) et que la peur a changé de camp. Et que c’est depuis lors, je vous signale qu’à l’époque il y avait des tirs contre la police, on a tiré sur la police, moi je pense quand les gens tirent sur la police il faut répondre, il faut tirer sur les gens qui tirent sur la police. »
Consigny : « Donc il faut tirer à balles réelles... »
Zemmour : « Exactement, quand il y a des gens qui tirent à balles réelles il faut tirer à balles réelles. »
Guerre civile sur commande
C’est exact, la police a essuyé des tirs, et heureusement, il n’y a pas eu de blessés. Cependant, osons un parallèle historique (même si comparaison n’est pas raison) avec ces tirs d’octobre 2005.
En février 2011, lors de la « révolution » égyptienne, des tirs sont partis de toits autour de la place Tahrir qui ont déclenché le cycle de répression que l’on sait, alors qu’au début, manifestants et militaires échangeaient pacifiquement. De la même façon, dans un autre contexte bien sûr, des tirs sont partis d’on ne sait qui, en février 2014 à Kiev (Maïdan), déclenchant le conflit russo-ukrainien. C’est le début du chaos.
Après ces deux détours historiques, qu’est-ce qui nous dit que des tirs de provocation ne peuvent pas se glisser dans ce genre d’émeute, chez nous, en France ? Des tirs qui feraient des morts, de chaque côté, et qui déclencheraient le cycle infini et infernal de la répression-vengeance-répression ?
Il ne faut pas être grand clerc pour imaginer qu’aujourd’hui, une telle situation, en cas de nouvelles émeutes, peut arriver et propulser une tendance dure au pouvoir, ce que Valls (qui a cru ou à qui « on » a fait croire qu’il pourrait alors devenir président...) a peut-être espéré lors de la sanglante année 2015... Une guerre civile, on sait quand ça commence, on ne sait jamais comment ça finit, et qui la finit. Les exaltés qui l’appellent de leurs vœux feraient bien d’y réfléchir à deux fois, car elle peut les emporter aussi dans la fosse.