Il existe un mythe répandu sur l’auteur de bandes dessinées Hergé et son œuvre maîtresse, Tintin. D’après ce mythe, Hergé – issu de la bourgeoisie catholique – aurait été réactionnaire et pétri de clichés racistes dans sa jeunesse puis, avec l’âge, serait devenu plus ouvert et tolérant.
De « Tintin au Congo » (1931), colonialiste, raciste à l’humour très primaire à « Vol 714 pour Sydney » (1968) moderne et capable d’autodérision, en passant par « Coke en Stock » (1958) censé dénoncer l’esclavage, n’y aurait-il pas la preuve flagrante d’une évolution dans le bon sens ?
En y regardant de près, les aventures de Tintin forment un tout politiquement très cohérent. Tintin est en réalité un personnage fasciste de type NR (nationaliste révolutionnaire) de bout en bout comme nous allons nous attacher maintenant de le démontrer.
Par exemple, Hergé n’est pas passé du racisme de ses débuts à un engagement « humaniste » sur le tard. Il faut comprendre que les fascistes de type NR ne se considèrent jamais comme racistes eux-mêmes. Au sens strict, ils sont ethno-différentialiste. Ils disent qu’ils aspirent à l’affirmation d’une « race forte » qui respectent les autres « races » mais veut continuer d’exister en se préservant de tout métissage, perçu comme un affaiblissement de la race pure, une sorte de prélude à sa disparition.
Le style d’Hergé, baptisé « ligne claire », n’est certes pas réaliste mais les personnages occidentaux sont montrés avec une large palette de caractéristiques physiques. Ils ne se ressemblent pas entre eux et sont facilement identifiables. Le traitement graphique des personnages non occidentaux est lui bien différent. Les noirs sont tous représentés sous les mêmes traits et en deviennent « interchangeables ».
La lecture des premières versions d’albums est éloquente sur ce point. Ainsi, dans l’édition de 1946 de « Tintin en Amérique » (initialement publié en 1932), rien ne différencie le bandit noir de la page 1 du groom noir de la page 29. Ce sont les mêmes traits physiques que l’on retrouve ensuite chez le tortionnaire du capitaine Haddock dans la première version du « Crabe aux Pinces d’or » (1947) ou chez le matelot Jumbo. Du reste, on croirait que les esclaves de « Coke en Stock » sont comme dupliqués les uns des autres.
De la même manière, dans les premières versions d’album, les personnages noirs s’expriment dans un Français qui ne peut être qualifié seulement de « mauvais », mais plutôt de « diminué », d’« amoindri » (le style dit « petit-nègre »), correspondant aux clichés des Noirs en tant que « grands enfants » qui seraient incapables de « comprendre grand-chose ».
Idéologiquement, ce discours est ethno-différentialiste, c’est-à-dire axé sur la reconnaissance « pragmatique » de la différence entre les races et opposé à la communauté universelle vers laquelle tend l’humanité et qui se réalisera dans le communisme.
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