ENTRETIEN - Saisie record, manifestation antidrogue... Le directeur de la police judiciaire corse livre au Figaro son analyse sur l’explosion du trafic de drogue sur l’île.
Jusque-là épargnée, la Corse pourrait-elle finir par connaître le même sort que d’autres villes du sud, de Nîmes à Marseille ? Les autorités constatent depuis deux ans une inquiétante hausse du trafic de stupéfiants sur l’île. Le 15 août, une opération de la police judiciaire a permis d’intercepter à bord d’un ferry pas moins de 100 kilos de drogue. La marchandise devait venir « inonder toute l’île », selon les mots du procureur de la République d’Ajaccio, alors que près de 1,5 million de touristes ont choisi la Corse comme destination de vacances. Mais la consommation est loin d’être le seul fait de « pinzutu ». Le directeur de la police judiciaire corse Thierry de Maria décrypte pour Le Figaro la nouvelle réalité du trafic de drogue sur l’île de beauté. Et met en garde : la situation de la Corse ne peut se calquer sur celle du continent.
LE FIGARO. - La police judiciaire corse a saisi à la mi-août pas moins de 100 kilos de drogue – plus de 92 kilos de cannabis et 7,5 kilos de cocaïne -, à la descente d’un ferry au port d’Ajaccio. En quoi cette saisie est exceptionnelle ?
Thierry DE MARIA. - En 2022, nous avions saisi sur l’autoroute sur le continent 90 kilos de résine de cannabis qui étaient destinés exclusivement à la Corse. Cette nouvelle saisie d’ampleur est donc la seconde en deux années. Ces chiffres représentent sensiblement le double de ce que la police judiciaire saisissait les années précédentes. Il peut y avoir deux explications : est-on plus performant ? Je n’en suis pas persuadé. Ces saisies reflètent-elles une hausse de la consommation en Corse ? Très probablement. L’île n’est pas une plaque tournante pour le trafic mais bien une destination finale pour la consommation de stupéfiants.
S’agit-il d’une consommation par des locaux ou des touristes en villégiature ?
La Corse c’est 350.000 habitants au cours de l’année, mais l’été ce sont des centaines de milliers de personnes supplémentaires sur l’île. Parmi ces voyageurs qui arrivent chaque jour, certains viennent faire la fête et prendre des stupéfiants. Il y a donc une consommation estivale. Mais l’an dernier, les 90 kilos ont été saisis en février. Il y a donc aussi une consommation locale. Il existe un effet amplificateur avec la saison touristique, mais ça n’est pas non plus multiplié par dix. L’île n’est pas épargnée par la consommation de stupéfiants, la résine de cannabis comme la cocaïne, qui se banalise. C’est une évidence.
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Durant le rassemblement, des slogans racistes, « Arabi Fora » (« Arabes dehors »), ont également été tagués sur la voie publique, sous-entendant que le trafic est entre les mains d’immigrés. Que répondez-vous ?
Sur les sept personnes interpellées et mises en examen à la suite de la saisie record sur le ferry, il y a des noms à consonance corse et non-corse. Il faut toujours faire attention aux généralités. Il n’y a pas un profil type du trafiquant. En très grande majorité, les trafiquants sont des insulaires, pas seulement des Corses de souche, mais ils en font partie.
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