Au lendemain du viol présumé de Théo Luhaka, un brigadier du commissariat d’Aulnay a rédigé un procès-verbal faisant état d’actes de viol que les trafiquants de drogue du quartier faisaient subir aux indics de la police. Diversion ?
Si viol il y a eu, pourrait-il être le fait de dealers du quartier qui auraient ainsi voulu punir Théo d’avoir fourni des informations à la police ? Aussi incroyable que puisse paraître une telle supposition, on peut en tout cas s’intéresser de près à un procès verbal pour le moins troublant qui a été remis par un brigadier du commissariat d’Aulnay-sous-Bois au lendemain de l’agression sexuelle présumée perpétrée par des policiers sur le jeune Théo Luhaka.
Nos confrères de Marianne révèlent que ce procès-verbal, adressé au commissaire divisionnaire Vincent Lafon, chef du troisième district de Seine-Saint-Denis, a été annexé à la procédure ouverte après le viol présumé subi par Théo. Il est daté du lendemain des faits, soit le 3 février. Il rapporterait des propos entendus quinze jours plus tôt par des officiers de police opérant dans la cité des 3000.
Selon le PV, plusieurs policiers auraient été mis au courant d’une pratique sordide qui aurait cours dans le quartier. Les dealers, pour faire régner l’omerta, violeraient les personnes soupçonnées de fournir des indications à la police (en jargon, les « indics ») sur les points de vente de la drogue.
Mais pourquoi évoquer ces faits en pleine affaire Théo ? Est-ce simplement pour mettre en lumière la cruauté des dealers ? Ou serait-ce un moyen de faire diversion en laissant entendre que Théo aurait pu être violé avant l’interpellation qui a mal tourné ?
Dans le procès verbal que s’est procuré Marianne, le brigadier raconte que le « dimanche 15 janvier 2017, [il] était de ronde et patrouille anti-criminalité dans le secteur du quartier de la Rose-des-Vents [là où Théo a été interpellé] et plus particulièrement sur le point de revente régulier de la place Jupiter ». Le brigadier cite les noms du brigadier et des trois gardiens de la paix qui l’accompagnaient et qui seraient donc en mesure de confirmer ce témoignage.
Il poursuit en expliquant que, dans l’après-midi, alors qu’il interpelle un individu, trois jeunes « très impliqués dans le trafic » dont il cite les noms, expriment leur colère au sujet de cette interpellation qui selon eux, aurait résulté de la présence sur ce point de deal de nombreux « indics ».
Particulièrement remontés, les trois jeunes auraient alors raconté au brigadier que plusieurs indics avaient été fouettés et sodomisés à l’aide d’un manche à balai, une technique de torture visant à obtenir des aveux sur leur collaboration avec la police.
« Sur le coup, j’ai cru qu’il s’agissait d’une méthode d’intimidation afin que les différents services de police ne tentent plus d’obtenir des renseignements auprès des individus présents sur ce point de deal », poursuit le brigadier dans son procès-verbal, avant de conclure par une phrase pour le moins ambiguë : « Rédigé à toutes fins utiles. »
Quand on sait que Théo s’est retrouvé à l’hôpital avec une plaie importante à l’anus et que de sérieux éléments mettent en cause un policier présent sur les lieux et qui l’aurait sodomisé à l’aide d’une matraque télescopique lors de son interpellation, ces précisions apportées par le procès verbal du brigadier semblent clairement sous-entendre que le jeune-homme aurait pu avoir été violé antérieurement par des dealers de sa cité qui le soupçonnaient d’être un « indic’ ».
De nouveaux éléments qui ajoutent encore de la confusion de ce dossier déjà houleux, qui indigne l’opinion, use les claviers d’ordinateur et provoque de nombreux mouvements de contestation violents partout en France contre les brutalités policières.
Le 23 février, Le Parisien révélait par ailleurs que le frère de Théo Luhaka, Michaël, faisait l’objet d’une enquête du parquet de Bobigny pour abus de confiance et escroquerie. En cause, une association dont ce dernier est le président.
Ayant pour but la lutte contre la violence, l’association aurait reçu entre janvier 2014 et juin 2016 quelque 678 000 euros de subventions publiques qui devaient lui permettre d’embaucher des animateurs. Mais elle serait dans l’impossibilité de prouver la réalité des embauches ni de justifier ce qu’elle a fait de cet argent.