Le Parlement iranien doit voter ce dimanche pour décider de la possibilité d’un arrêt total et immédiat des livraisons de pétrole à destination de l’Europe, qui prendrait effet dès la semaine prochaine.
Or, l’UE représente 20% des ventes de pétrole de l’Iran. En Europe, certains pays en sont très dépendants du pétrole iranien comme la Grèce, pour laquelle il représente 30% des importations de pétrole.
Pour le journal italien Il Sole 24 Ore, le véritable enjeu de cette crise concerne les marchés :
« Avec sa menace de prendre Bruxelles de court et de stopper les exportations de pétrole, l’Iran souhaite faire monter les cours. Les Iraniens pourront vendre leur pétrole à prix d’aubaine à la Chine, et elle se chargera de le réexporter en réalisant une marge confortable au passage. D’autres pays feront de même. Il y a dix ans, l’Irak avait ainsi contourné l’embargo qui lui avait été imposé.
L’Iran a bien plus d’amis que l’on ne pense. Hamid Karzai, le président de l’Afghanistan, a récemment pris position pour l’Iran lors d’une visite officielle récente en Italie.
Il n’est pas impossible que Karzai compte sur le soutien de l’Iran pour saper les pourparlers que les Américains veulent engager avec les Talibans. Il n’est même pas impossible non plus que le pétrole iranien passe par l’Afghanistan sous le nez des soldats occidentaux…
C’est ainsi que le monde fonctionne, bien différent de ce que les politiques décrivent lors des sommets internationaux de plus en plus inutiles ».
Cependant, le Financial Times Deutschland rappelle que les victimes probables de cette escalade diplomatique, ce seront les citoyens, le peuple iranien en tête :
« Si le gouvernement iranien est privé d’une partie des recettes du pétrole, il y aura des conséquences sur le budget national.
Or, les professeurs, les médecins et le service public ne sont pas les seuls fonctionnaires ; une grande partie des entreprises de l’économie iranienne sont des entreprises d’Etat. Les salaires de leurs salariés ne seraient certainement plus versés.
L’Irak a connu cette situation d’embargo et il a survécu pendant des années, sans que le pouvoir en soit affecté, cependant qu’une génération entière grandissait dans la sous-nutrition et les problèmes d’approvisionnement.
S’ils ne voient pas d’autres choix que de prendre de graves sanctions contre l’Iran, les dirigeants occidentaux ne doivent pas se voiler la face : c’est le peuple iranien qui en payera les conséquences.
C’est probablement aussi l’avis du blog InsideIran, tenu par des blogueurs qui résident hors d’Iran et qui se fait l’écho des opinions de l’homme de la rue iranien.
Les interviews qu’il a obtenues de personnes d’horizons différents témoignent bien de la profonde angoisse que cet embargo suscite. Ainsi, ce témoignage de Zohreh Davari, un ouvrier dans une usine de médicaments qui gagne 400 dollars mensuels et a 4 enfants : « Je ressens déjà les pénuries. Je me fiche des cours du dollar ou de l’or. Je n’ai jamais acheté de devises étrangères ou d’or.
Ce qui me fait peur, c’est l’augmentation des prix. Déjà maintenant, avec mon salaire, je ne peux acheter de la nourriture pour mes enfants que pour la moitié du mois. Si les prix continuent d’augmenter et que les salaires se maintiennent, nous mourrons ».
Le journaliste indépendant, Matthieu Azaneau, apporte un autre éclairage sur son blog « Oil Man ». Il estime que l’Iran a la capacité de bloquer le détroit d’Ormuz, et qu’il pourrait d’autant plus le faire si le gouvernement se sent tenaillé entre les sanctions des nations occidentales et la colère du peuple, et qu’il choisisse de défier ces deux sources de pressions.
Il estime toutefois qu’il est improbable que ce mécontentement populaire aboutisse à des soulèvements, étant donné la dureté avec laquelle le gouvernement a réprimé les manifestations de 2009.