Les médias occidentaux ont exprimé une satisfaction et un optimisme parfois sans nuance à la suite de la publication en janvier du taux de chômage aux États-Unis, qui s’établirait à 5,6 %, soit le niveau le plus bas depuis 2008 [1].
Ces réjouissances méritent cependant que l’on fasse quelques rappels sur la très relative représentativité de cette statistique en matière de santé économique et de bien-être des actifs, aux États-Unis comme ailleurs.
Tout d’abord, le taux de chômage peut subir des variations qui ne sont en rien consécutives d’une amélioration de l’emploi. Ainsi, il faut avoir à l’esprit l’influence de l’évolution de la population active : son augmentation ou sa diminution impactera directement, de manière inversement proportionnelle, le taux de chômage. De même, il faut bien savoir que seules les personnes qui ont cherché activement un emploi au cours des quatre dernières semaines sont comptabilisées parmi les chômeurs [2] (le critère est le même pour Eurostat). Ainsi, une multitude de cas de figures (chercheurs d’emploi désespérés, personnes contraintes de rester à la maison pour s’occuper des enfants du fait des coûts de garde… [3]) ne sont pas dévoilés par le taux de chômage. Ce biais a joué en faveur de la récente baisse américaine, puisque cette dernière s’est accompagnée d’une baisse de 0,2 % du taux de participation (proportion de la population active qui occupe un emploi ou qui en cherche un activement) [4].
De même, le taux de chômage ne témoigne pas de la précarisation persistante du marché du travail. Certaines études, en écartant l’ensemble du sous-emploi (subi ou souhaité), ont établi qu’il existe entre deux et trois fois moins d’emplois supposant 30 heures de travail par semaine que d’actifs dans le pays (le rapport serait de 44 %) [5]. Il est vrai que l’ensemble des travailleurs précaires, y compris ceux qui n’arrivent à trouver qu’un travail de quelques heures, sont considéré comme ayant un emploi, et ne sont pas comptabilisés dans les fameux 5,6 % de chômeurs.
Si la relance économique outre-Atlantique a amélioré un certain nombre de ratios relatifs au sous-emploi subi, force est de constater que l’emploi à temps partiel reste à une proportion toujours plus élevée qu’en 2008, que le salaire horaire moyen a baissé sur décembre 2014, et qu’encore plus de 46 millions de personnes en 2014 bénéficiaient de l’aide alimentaire d’État (SNAP) [6].
Il sera de plus en plus nécessaire de faire aussi ces rappels pour la France, où la flexibilisation du marché du travail avance à grands pas (il y a déjà aujourd’hui bien plus de CDD signés par an que de CDI [7], et le taux de temps partiel est d’environ 20 % [8]) notamment grâce aux reformes d’aujourd’hui et de demain (ANI, travail le dimanche, travail partiel en dessous du niveau du SMIC, projet du contrat unique…). Dans nos économies globalisées de chômage de masse, la flexibilisation s’est généralement accompagnée de l’aggravation de la précarité du marché du travail.