Le 20 Heures de TF1 du 14 octobre 2017 propose, une fois n’est pas coutume, un reportage qui ne parle pas de la menace atomique que la Corée du Nord ferait peser sur le monde. Il s’agit d’un sujet économique (et aussi un peu politique, forcément) sur un kolkhoze, c’est-à-dire une ferme collective.
En deux minutes et demi, de 12’57 à 15’27, nous sommes plongés dans une campagne où, selon le commentaire, « tout le monde ne mange pas à sa faim ». Une information de l’ONU.
Michel Scott, que l’on voit sur l’image, est l’un des derniers grands reporters de TF1. Dans les années 80, le virage commercial de la première chaîne française (et européenne) a peu à peu marginalisé les grands reporters, qui n’étaient pas très chauds pour faire de la propagande, qu’elle soit occidentale ou libérale.
Ils étaient toujours payés, à grands frais, mais leurs sujets passaient de moins en moins dans le sacro-saint 20 Heures. Ils étaient diffusés dans les magazines (émissions hebdomadaires ou mensuelles) moins exposés, ou étaient simplement caviardés. Cette génération de grands journalistes internationaux, à qui on ne la faisait pas, est en voie d’extinction.
Ils ne correspondent plus au format de l’info moderne : rapide, hachée, simplifiée, formatée, normalisée afin de ne pas produire d’anxiété sur le public. C’est du fast-food informatif. Le même processus, une espèce de loi générale, a touché l’alimentation : l’industriel a remplacé le fait maison. On a perdu en goût, en originalité, mais on a gagné en productivité et en propagande de masse.
Il faut malgré tout manger. Alors quand Michel Scott demande à la porte-parole du kolkhoze si elle ne voudrait pas d’une « agriculture capitaliste » – on espère que Scott sait ce que ça signifie en termes de pesticides, insecticides et autres monsanticides –, peut-être oublie-t-il qu’on peut poser la question inverse.
En effet, de plus en plus de paysans choisissent chez nous un mode de production non productiviste, sur des parcelles cultivées en communauté, comme au bon vieux temps... Certes, on est loin du communisme, mais il y a mise en commun des moyens de production et des efforts. Et le boum du bio, de la qualité et des circuits courts donne leur chance à ces néo-agriculteurs.
Enfin, que les téléspectateurs n’oublient jamais que la dureté des sanctions économiques (contre quelle agression armée de la Corée du Nord ?) ont effectivement, les mauvaises années de récoltes, provoqué de graves pénuries alimentaires. Les Coréens ne mangent peut-être pas aussi bien ni autant que nous, mais le jour où ils atteindront l’autonomie alimentaire, et leur formidable puissance de travail les en rend capables, alors ce modèle fera réfléchir autrement...