« Une fois de plus les promesses de Bachar al-Assad sont piétinées » : c’est ainsi que L’Express (et l’AFP) commente la situation au cours de ces dernières 48 heures en Syrie. Le journal de Christophe Barbier, grand ami de BHL, reprend comme à son habitude les « infos » de l’OSDH, comme quoi « plus de 80 personnes ont péri dans les violences mardi en Syrie« , « en majorité des civils tués dans la répression menée par le régime« . Et L’Express de rappeler la promesse du dit régime d’appliquer « immédiatement » le plan de paix de Kofi Annan et de l’ONU, et notamment relativement à l’arrêt des combats.
La trêve ne doit pas être la bouée de sauvetage des djihadistes
A nous donc de rappeler à L’Express que la date butoir pour le cessez-le-feu est le 10 avril ; que le gouvernement syrien a fait savoir le jour même de son acceptation des dispositions du plan qu’il exigeait, en ce qui concerne l’arrêt des violences, que les Occidentaux et l’ONU obtiennent de l’opposition radicale et armée le même engagement, ce qui n’est toujours pas acquis ce 4 avril ; que l’armée affronte, tout le monde – y compris les plumitifs de L’Express – le sait, des bandes armées qui attaquent toutes les cibles militaires et plus ou moins institutionnelles qu’elles peuvent, et même des civils ; que le 31 mars le porte-parole du ministère syrien des Affaires étrangères, Jihad Makdessi, avait nettement averti l’ONU, la Ligue arabe et tous les adversaires de la Syrie que l’armée ne se retirerait des zones résidentielles que dès lors que la sécurité et la paix civile auraient été rétablies.
Imagine-t-on qu’après des mois d’une lutte sanglante contre des groupes extrémistes résolus à le renverser, fut-ce au prix d’un bain de sang, et appuyés par des pays étrangers – et à fort recrutement étranger -, le gouvernement syrien va à nouveau leur abandonner Bab Amr et les laisser se réinfiltrer et s’organiser pour redémarrer leurs opérations ? Ce alors qu’il les a justement chassés de tous les centres urbains importants et acculé, pour l’essentiel, dans les zones frontières avec la Turquie et la Jordanie ?
Les combats continuent donc de plus belle pour éradiquer le cancer terroriste qui affecte la Syrie depuis trop de mois. C’est bien ce qui déplait au gouvernement américain qui voudrait, à ce sujet, réunir une fois de plus le Conseil de sécurité de l’ONU. As you like it !
Bilans truqués par tous les bouts
Pour le reste, qui sont les informations de l’OSDH dégluties par L’Express, nous mettons une fois de plus en doute les bilans fournis par une structure qui raconte ce qu’elle veut depuis près d’un an. Nous disons que le nombre et la « qualité » des victimes sont sujets à caution : l’OSDH affirme que 58 des 80 victimes qu’elle a décomptées à travers le pays pour la journée de mardi sont des « civils« . Mais qu’est-ce qui sépare sur le terrain un combattant sans uniforme d’un « civil« , s’il est tué ? Et comment croire ces bilans toujours déséquilibrés au détriment de l’armée – 18 soldats tués contre quatre « déserteurs » mardi, dixit l’OSDH – quand les opposants sont les premiers à gémir de la disproportion en effectifs et équipements entre l’armée de Bachar et l’ASL ?
Enfin, continuer à parler des « déserteurs » quand beaucoup de combattants sont de jeunes paumés islamistes syriens, et les autres des djihadistes libyens, libanais, irakiens, jordaniens ou venus des pays du Golfe, c’est procéder à une autre falsification majeure. Bref, tous les dés sont pipés dans ces statistiques, qui fournissent néanmoins depuis un an la base de l’info de nos soi disant professionnels de la grande presse.
On peut, soyons juste, tout de même retirer un ou deux enseignements du « rapport d’activités » pour mardi de l’officine londonienne : elle fait état de combats à Homs, où effectivement des gangs s’obstinent dans certains quartiers, mais surtout dans le secteur d’Idled, et celui de Deraa, c’est-à-dire respectivement près des sanctuaires turc et jordanien de la rébellion. Et c’est bien dans cette région au nord et à l’ouest d’Idleb, adossée à la frontière turque, que se passe l’essentiel de la violence : la ville de Taftanaz, cité comme point chaud de mardi par l’OSDH, se trouve à une quinzaine de kilomètres au nord-est d’Idleb, et à une trentaine de la frontière turque.
Et puis, même s’ils le savent – et qu’ils continueront à faire comme s’ils ne savaient pas -, rappelons encore que cette guerre ne se fait décidément pas contre le peuple syrien, mais contre des gangs armés, qui attaquent ou accueillent les soldats et policiers avec toutes les ressources d’un arsenal pléthorique. Et que donc ces soldats, ces policiers continuent de mourir pour que les conditions d’une trêve sérieuse soient vraiment réunies, c’est-à-dire que les fauteurs de guerre civile soient mis hors d’état de nuire : mardi 3 avril, dix « martyrs » de plus ont été escortés par des foules civiles et militaires, à Damas, Lattaquié et Alep.
Un lieutenant, un adjudant-chef, un sergent, deux caporaux, quatre conscrits et un employé civil. Ces hommes sont tombés à Homs, Hama, Alep, dans la banlieue de Damas et dans les secteurs d’Idleb et de Deraa. Tous, il est important de le préciser, ne sont pas tombés dans des affrontements « en bonne et due forme », mais victimes d’assassins de l’ombre, de snipers ou de « commandos automobiles » – c’est certainement le cas des victimes d’Alep et de Hama. Aujourd’hui en Syrie, ce qu’on désigne par commodité sous le nom d’ASL aligne d’avantage de terroristes urbains que de combattants dignes de ce nom. Et ce rapport entre commandos de tueurs et unités de « rase campagne » risque bien de continuer à se faire au profit des premiers, vu la déshérence militaire des bandes armées.