Le riche État gazier du Qatar a dépensé pas moins de trois milliards de dollars ces deux dernières années pour soutenir la rébellion en Syrie, loin devant n’importe quel autre gouvernement, mais il est maintenant dépassé par l’Arabie Saoudite en tant que premier pourvoyeur d’armes pour les rebelles.
Le coût de l’intervention du Qatar, sa dernière action de soutien à une révolte arabe, ne représente qu’une petite partie de son portefeuille d’investissements à l’international. Mais son appui financier à la révolution qui s’est transformée en cruelle guerre civile éclipse le soutien qu’apporte l’Occident à l’opposition.
Le petit État à l’appétit gargantuesque est le plus important donateur pour l’opposition politique, dédommageant généreusement les transfuges (une estimation l’évalue à 50 000 dollars par an pour un transfuge et sa famille), et il fournit une grande quantité d’aide humanitaire.
En septembre, de nombreux rebelles de la province syrienne d’Alep ont reçu un versement exceptionnel de 150 dollars de la part du Qatar. Des sources proches du gouvernement qatari disent que la dépense totale a atteint pas mois de 3 milliards de dollars, tandis que des sources rebelles et diplomatiques parlent d’un montant d’un milliard de dollars au maximum.
Pour le Qatar, qui détient les troisièmes plus importantes réserves de gaz naturel au monde, l’intervention en Syrie s’inscrit dans une posture obstinée de reconnaissance internationale et est simplement la dernière étape de sa démarche pour se positionner comme un acteur régional de premier plan, après son soutien aux rebelles libyens qui ont renversé Mouammar Kadhafi en 2011.
Selon le Stockholm International Peace Research Institute qui étudie les transferts d’armes, le Qatar a été le principal fournisseur d’armes à l’opposition syrienne, avec plus de 70 avions cargo militaires qui se sont posés en Turquie entre avril 2012 et mars de cette année.
Mais même si son approche est davantage guidée par le pragmatisme et l’opportunisme que par l’idéologie, le Qatar s’est retrouvé impliqué dans la situation politique très polarisée de la région, s’attirant des critiques acerbes. « On ne peut pas acheter une révolution » affirme un homme d’affaires de l’opposition.
Le soutien du Qatar aux mouvements islamistes dans le monde arabe, qui l’a mis en porte-à-faux avec les autres États du Golfe, a nourri une rivalité avec l’Arabie Saoudite. Hamad bin Khalifa al-Thani, émir régnant du Qatar, « veut être le (Gamal) Abdelnasser islamiste du monde arabe », » déclare un politicien arabe, en référence au panarabisme flamboyant et passionné de l’ancien leader panarabe.
L’intervention du Qatar est devenue l’objet d’une attention de plus en plus forte. Ses rivaux dans la région soutiennent qu’il utilise sa puissance financière simplement pour s’acheter une influence future et qu’il a fini par fragmenter l’opposition syrienne. C’est dans ce contexte que l’Arabie Saoudite qui jusqu’à présent avait apporté un soutien plus mesuré et réfléchi aux rebelles Syriens a accru son implication.
Les tensions récentes au sujet de l’élection d’un premier ministre par intérim de l’opposition qui a obtenu le soutien des Frères Musulmans syriens a aussi amené l’Arabie Saoudite à resserrer ses liens avec l’opposition politique, une tâche qu’elle avait en grande partie laissée entre les mains du Qatar.
La relégation du Qatar à la deuxième place en matière de fourniture d’armes résulte des inquiétudes en Occident et dans certains pays arabes de voir les armes fournies échouer entre les mains du Jabhat al-Nosra, une organisation liée à al-Qaïda.
Des diplomates disant aussi que les Qataris ont eu du mal à assurer un approvisionnement régulier en armement, chose que les Saoudiens ont été en mesure de faire via leurs réseaux plus développés.
Une route d’acheminement d’armes en Syrie passant par la frontière jordanienne a ouvert ces derniers mois. Le gouvernement jordanien qui est terrifié à la perspective de voir les djihadistes en position dominante chez son voisin a été réticent à autoriser les livraisons saoudiennes.
La réticence de l’Occident à intervenir avec plus de force en Syrie a eu pour conséquence de placer les opposants à Bachar al-Assad dans la dépendance du soutien du Qatar, de l’Arabie saoudite et de la Turquie, quoique depuis l’an dernier, les Émirats Arabes Unis et la Jordanie ont rejoint le club des soutiens aux rebelles en tant que partenaires mineurs.
Khalid al-Attiyah, le chef de la diplomatie du Qatar, qui est chargé de la politique syrienne, a rejeté les rumeurs sur une rivalité avec les Saoudiens et a démenti les allégations selon lesquelles le soutien qatari aux rebelles a divisé l’opposition syrienne et affaibli les institutions naissantes.
Dans un entretien accordé au Financial Times, il a affirmé que tout ce qu’a entrepris le Qatar l’a été en conjonction avec le groupe des pays occidentaux et arabes amis de la Syrie, pas seul. « Notre problème au Qatar, c’est que nous n’avons pas d’agenda caché, alors les gens nous en fixent un » a-t-il dit.