Après la Russie, la Chine a donc annoncé ce vendredi 20 avril sa volonté de participer à la mission d’observation de l’ONU en Syrie. C’est plutôt une bonne nouvelle pour les amis de la Syrie – les vrais, pas ceux réunis à Paris autour de Clinton et de Juppé – car une mission à composante russo-chinoise sera moins perméable aux pressions occidentales que ne l’a été celle diligentée, en décembre, par la Ligue arabe. Pour Moscou et Pékin – pour Damas aussi d’ailleurs -, il faut donner toutes ses chances au plan de paix de Kofi Annan.
Pour tenter de normaliser au maximum la situation. Mais aussi, sans doute pour mettre au pied du mur l’opposition radicale qui, contrairement au gouvernement syrien, n’a pris à ce jour aucun engagement ferme par rapport aux propositions du plan de l’ONU et de la Ligue arabe.
L’ASL veut l’OTAN, sans l’ONU !
Justement, le CNS, ou plutôt son prolongement militaire l’ASL, a annoncé la couleur, extrémiste, belliciste, rien moins que pacifique : le chef de son « Conseil militaire« , Moustapha Ahmed al-Cheikh, un des très rares généraux ayant fait dissidence, a en effet évacué tour plan de paix au profit d’une intervention militaire qui serait menée « par des pays amis du peuple syrien », et ce sans l’aval de l’ONU. Car, proclame le général du CNS, le plan Annan est « voué à l’échec« . Donc, il faut d’ores et déjà préparer activement l’ »après-plan Annan » c’est-à-dire donc une agression en bonne et due forme contre la Syrie, avec des « frappes chirurgicales sur les installations du régime ». On sait assez, depuis les expériences irakienne, yougoslave, afghane et libyenne, ce que signifient les frappes « chirurgicales » des Américains et de l’OTAN, pour les populations se trouvant à proximité des « installations » ciblées.
Nous parlons des Américains et de l’OTAN par ce qu’à l’évidence ce sont les « pays amis du peuple syrien » qu’évoque al-Cheikh. C’est d’ailleurs sous cette appellation contrôlée qu’ils se sont réunis jeudi à Paris, autour d’Hillary Clinton et de son fidèle Juppé, pour, en résumé, étudier des « mesures plus dures » contre Bachar al-Assad et son régime, et donc ipso facto, contre le peuple qu’ils dirigent. Naturellement, Hillary Clinton n’a pu s’empêcher de donner un os à ronger aux nostalgiques et aux frustrés de l’ »ingérence militaire humanitaire » en remettant sur le tapis la possibilité pour la Turquie de réagir militairement aux « bombardements » syriens sur sa zone-frontière, ce sur la base d’un article de la charte de l’OTAN.
Outre qu’il n’y a jamais eu de « bombardements » syriens sur le territoire turc, mais tout au plus des balles ou un obus perdu, outre que la Turquie – la Turquie d’Erdogan et de l’AKP – a fait contre son voisin tout ce qu’il était possible de faire en deça d’un état de guerre officiel – en servant de base logistique et de refuge aux bandes armées – elle n’a pas les moyens politiques, et sans doute guère plus militaires, de se lancer dans une aventure militaire contre la Syrie. Hillary Clinton brasse donc de l’air, elle qui voudrait lâcher des bombes (elle doit en être très malheureuse).
Mais, plus hypocrites ou embarrassés que les extrémistes du CNS/ASL, les têtes de la coalition occidentale continuent de faire semblant de soutenir ce plan Annan, dont elles doivent espérer en fait l’échec sanglant et ainsi une nouvelle mise en accusation de Damas. A ce sujet, les mises en garde de Juppé contre les risques de guerre civile en Syrie en cas d’échec du plan battent tous les niveaux autorisés d’hypocrisie diplomatique.
La guerre civile, le futur expulsé du Quai d’Orsay et ses collègues atlantistes ont tout fait pour la créer en minorant autant et aussi longtemps qu’il a été possible la réalité des attaques et crimes commis par les bandes armées, puis en faisant de cette guérilla à forte connotation islamiste et à forte participation étrangère l’expression de l’autodéfense du peuple syrien contre le régime de Bachar ; en soutenant aussi à bout de bras une structure ultra-minoritaire comme le CNS, contestée par toute une partie de l’opposition, et notoirement inféodée au gouvernement turc, une structure émigrée qui n’ a cessé de prôner le renversement violent du gouvernement en place et n’a, à ce jour, rien concédé à Kofi Annan ; en refusant enfin de de désolidariser publiquement des positions et des mesures concrètes d’aide militaire aux rebelles prises par leurs bons amis qataris et séoudiens.
Nous avons dû rappeler ces évidences une bonne dizaine de fois sur ce site. Ni Obama/Clinton, ni Sarkozy/Juppé, ni Cameron/Hague ne veulent de la paix, même en version Annan, ils veulent abattre le régime post-baassiste syrien pour abattre ensuite le régime islamique iranien. Et tout le reste n’est que mauvaise sous-littérature journalistique et diplomatique !