Les deux camps engagés dans le conflit au Soudan du Sud semblent être en train de se réarmer afin de se préparer à une reprise des combats, a appris mardi une délégation du Conseil de sécurité des Nations unies venue sur place, où la crainte d’une famine de grande ampleur est de plus en plus forte.
Le conflit sur fond de rivalités ethniques qui oppose depuis décembre les forces fidèles au président Salva Kiir et les partisans de Riek Machar, son ancien vice-président, ont fait au moins 10 000 morts.
Les deux hommes, rivaux de longue date, ont signé le 9 mai un cessez-le-feu et sont convenus de former un gouvernement provisoire d’ici le 10 août. Cette date est désormais passée et les négociations de paix à Addis-Abeba, en Éthiopie, sont enlisées.
Selon des diplomates, les deux camps ont violé la trêve durant les pourparlers.
« Nous entendons des informations très inquiétantes au sujet d’armes supplémentaires acheminées dans ce pays afin de préparer le terrain pour (...) de nouvelles batailles lorsque la saison sèche débutera », a dit Samantha Power, représentante permanente des États-Unis à l’ONU, à la presse.
Avant de rencontrer Salva Kiir à Juba, la délégation d’ambassadeurs de pays membres du Conseil de sécurité a été informée de la situation sur le terrain par des responsables de l’ONU, qui ont fait état d’informations au sujet du réarmement des deux camps.
« C’est profondément alarmant et les discussions en cours à Addis doivent être abordées sérieusement par les deux parties et il doit y avoir un sentiment d’urgence », a dit Samantha Power.
Un précédent cessez-le-feu conclu en janvier n’a pas tenu longtemps et l’ONU et des organisations de défense des droits de l’homme ont accusé les deux camps de graves atteintes aux droits de l’homme, notamment de massacres ethniques.
Les États-Unis et l’Union européenne ont imposé des sanctions à des chefs militaires des deux camps.
Des diplomates ayant assisté à la rencontre avec Salva Kiir ont rapporté que la délégation du Conseil de sécurité avait clairement prévenu le président sud-soudanais que l’ONU pouvait aussi imposer ses propres sanctions en l’absence d’engagement sincère en faveur de la paix.
Prié de dire si Salva Kiir avait manifesté la volonté de parvenir à un accord, un diplomate de haut rang du Conseil de sécurité a répondu : « Je ne pense pas que nous ayons entendu un message rassurant de la part du président Kiir ou de son gouvernement. »
La délégation onusienne doit aussi s’entretenir par liaison vidéo avec Riek Machar.
Plus d’un million de déplacés
Les organisations humanitaires craignent pour leur part que le Soudan du Sud ne se dirige vers la plus grave famine observée depuis le milieu des années 1980, lorsque plus d’un million de personnes étaient mortes des conséquences de la malnutrition en Afrique de l’Est.
Les combats ont fait plus d’un million de déplacés à l’intérieur même du pays tandis que plus de 400 000 personnes ont fui le Soudan du Sud.
D’après Samantha Power, 50 000 enfants de moins de cinq ans risquent ainsi de mourir dans les prochains mois.
Pour des diplomates et des organisations humanitaires, ce risque de famine est « d’origine humaine » et la responsabilité repose sur les dirigeants sud-soudanais.
Coordinateur humanitaire de l’ONU au Soudan du Sud, Toby Lanzer souligne que les combats et les obstacles à la circulation des convois le long des routes et des cours d’eau entravent la distribution de l’aide. Selon lui, la famine pourrait frapper dès le mois de décembre.
« Si les combats continuent, il y a toutes les chances que nous ne soyons pas en mesure d’empêcher une famine », a-t-il dit à Reuters dans un camp exigu à Malakal, où des milliers de déplacés s’entassent dans des abris de fortune composés de bâches reliées par des fils en plastique.