Édouard Drumont, né en 1844 et mort en 1917, fut un journaliste, fondateur de La Libre Parole, député, écrivain, historien et pamphlétaire. En 1886, il publie La France juive, qui sera immédiatement un énorme succès.
Issu d’un milieu modeste, il est sensible à la fois à la question sociale et, après s’être converti au catholicisme, à la question religieuse. Son antisémitisme assumé a d’abord pour objet le juif boursicoteur et usurier « pressurant la misère populaire avec les agences d’achat de reconnaissances du Mont-de-Piété », devenu maître de la finance qui « en dépouillant la France en grand par les emprunts et les sociétés financières, [...] n’a point abandonné l’usure sordide d’autrefois, le prêt sur gage ». Déjà il a compris le rôle de la création monétaire et l’asservissement des nations par la dette, citant Goethe : « Qu’à cela ne tienne, répond le Malin, pour faire sortir l’argent des entrailles de la terre, il suffit de créer du papier monnaie » puis Toussenel : « Jérusalem a imposé le tribut à tous les États, le produit le plus clair du travail de tous les travailleurs passe dans la bourse des Juifs sous le nom d’intérêts de la dette nationale. »
Mais l’analyse de Drumont dépasse le cadre économique tout en l’accompagnant. En effet, écrit-il : « Sur qui pèse le plus durement le régime actuel ? Sur l’ouvrier révolutionnaire et sur le conservateur chrétien. L’un est atteint dans ses intérêts vitaux, l’autre est blessé dans ses croyances les plus chères. » C’est que cet amour du gain ne peut se détacher d’une volonté de puissance inscrite au cœur même du Talmud, et il faut pour cela déraciner les hommes, les pervertir, les détourner de ce qu’ils sont. De là découlent tous les maux subis par la France, comme conséquences d’une vision matérialiste du monde, mais aussi comme moyens délibérés visant à un même but : la domination d’un peuple sans nation sur les nations qui l’ont accueilli.
Tous les aspects de la vie sont ainsi touchés – la santé : « Il eût semblé logique que les démocrates, ceux qui se déclarent en toute occasion les amis du peuple, exagérassent même la sévérité contre les commerçants qui, pour s’enrichir, empoisonnaient les classes populaires », l’éducation : « Grâce aux méthodes pédagogiques [...] le niveau des études classiques baissa rapidement et les candidats au baccalauréat en arrivèrent à ne plus savoir l’orthographe », ou encore la mode : « On a placé les poches derrière le dos, ce qui donne à la plus gracieuse femme, cherchant son mouchoir, l’aspect malséant d’un dindon qui se gratte. Aucune de nos Parisiennes n’a rien compris à cette ironie », et l’on voit même poindre la théorie du genre : « Comme cosmopolite [...] il n’a pas de patrie, il n’a pas de religion, il n’a pas même de sexe. Ce neutre, encore une fois, est un produit unique qui ne rentre dans aucune classification existante. »
Sur tous ces sujets et bien d’autres, plus d’un siècle après La France juive, on pourrait écrire les mêmes mots. En cette fin du XIXe siècle la bataille pour la laïcité fait rage ; Drumont constate que « le croyant est ainsi tour à tour raillé et vilipendé par une presse qui ne s’interdit rien lorsqu’il s’agit du catholique », et que c’est un juif « qui fabrique ce livre singulier [...] dans lequel le nom de Dieu est supprimé de tous les passages d’auteurs classiques dans lesquels il figurait ». Ce polémiste virulent est un homme blessé, qui regardant autour de lui voit « cette halle aux journaux pornographiques où les échoppes israélites, pressées les unes contre les autres, luttent entre elles à qui aura les imaginations les plus dévergondées », déplorant qu’on aperçoive « dans les quartiers populeux des familles entières, pères, jeunes fillettes, gamins regardant et commentant longuement ces Priapées », avant de conclure : « Voilà où a roulé la France. »
Visionnaire, Édouard Drumont prophétise qu’un jour « de grandes maisons de crédit crèveront comme des ballons surchauffés » – 1929 lui donnera raison – et il s’en réjouit car « ce ne sera pas encore la fin du monde, mais ce sera au moins la fin de ce monde-là ». En quoi il se trompait ; tel le phénix ce monde-là a resurgi de ses cendres, avec sa nourriture empoisonnée, son illettrisme grandissant, ses pantalons baggy, le porno à la portée des enfants, la haine du religieux. Faisant référence à certain gouvernement de son époque, il imagine que « ce coin d’empire juif, apparaissant tout à coup en pleine France, sera l’émerveillement de l’avenir qui ne reverra rien d’aussi extraordinaire d’ici à bien longtemps ».
Le temps a passé plus vite que ne le pensait Drumont... et nous pourrions craindre qu’une fois encore « l’histoire voie se renouveler ce fait qui s’est renouvelé constamment : le Juif profitant des divisions qu’il crée pour se rendre maître par la ruse de tout un pays, voulant modifier violemment les idées, les mœurs, les croyances traditionnelles de ce pays et amenant, à force de taquineries et d’insolences, les gens qui se haïssaient la veille à se réconcilier pour lui tomber dessus avec un entrain prodigieux. »