Entre l’Antiquité civilisée et le raffinement de la Renaissance, il n’y aurait eu qu’une période sombre et méconnue : le Moyen Âge. Les clichés ont la vie dure : à en croire certaines idées reçues cette période serait synonyme de saleté, d’obscurantisme et de régression. Il n’en est rien.
[...]
Les gens étaient sales
C’est sans doute l’un des préjugés qui perdurent le plus, tant il a été popularisé à travers les films et récits, à l’image du personnage grotesque de Jacquouille la Fripouille dans le film Les Visiteurs. Au Moyen Âge, à en croire les clichés, les paysans étaient couverts de crasse. La réalité est pourtant tout autre : héritage des thermes romains, les bains publics et étuves existent toujours dans les villes médiévales, où l’eau est considérée comme purificatrice. Le bain y est généralement hebdomadaire, et les plus démunis se lavent dans les rivières. La toilette est quotidienne, au moins pour les mains et le visage.
L’hygiène est notamment prise très au sérieux lorsqu’elle est liée à la nourriture : les couches sociales les plus aisées ne manquent pas de se laver les mains avant de passer à table. Le livre Les Contenances de la table, paru au XVe siècle et destiné aux enfants, conseille ainsi de s’essuyer les lèvres avant de boire, de ne pas tremper sa viande directement dans la salière et de se laver les mains après le repas (après tout, la fourchette n’est pas encore utilisée !) :
Enfant se tu bois de fort vin Met y de leave attrempeement Et nen boy que suffisamment Ou il te troublera lengin
Paradoxalement, c’est pendant la Renaissance que les normes d’hygiène se dégradent. La faute aux épidémies de peste noire qui ont traumatisé les populations : on craint alors que l’eau chaude, en dilatant les pores de la peau, ne laisse passer les maladies. Les bains publics sont peu à peu abandonnés, et on préfère se parfumer pour masquer les mauvaises odeurs.
En février 2014, dans l’émission Du Jour au lendemain, Georges Vigarello, historien et directeur d’études à l’EHESS, auteur de Le Propre et le Sale, L’Hygiène du corps depuis le Moyen Âge venait raconter l’évolution des critères de propreté au fil des siècles :
Le parfum, c’est une histoire singulière. Avec le parfum la sensibilité immédiate des hommes du temps, au XVIe, donne le sentiment que vous purifiez. On peut purifier les villes contre la peste avec des procédés qui consistent à projeter de l’arôme ! Le parfum est ainsi utilisé dans les hôpitaux pour rendre l’air plus sain, ce qui est totalement contradictoire et impensable pour des repères qui sont les nôtres, mais évident pour les repères du XVIIe.
Il n’y a pas eu d’avancées scientifiques
L’Antiquité a été une période si prolifique de l’Histoire sur le plan des découvertes scientifiques que les avancées technologiques et scientifiques du Moyen Âge ont tendance à passer un peu inaperçues en comparaison. Les découvreurs n’ont pourtant pas subitement cessé d’exister l’espace d’un quasi-millénaire, du Ve au XVè siècle et le Moyen Âge s’est inscrit dans la continuité de l’Antiquité.
Les moulins à eau par exemple, qui existaient déjà, sont perfectionnés et modernisés au point de faire du meunier un personnage indispensable de la vie du village : c’est grâce à l’énergie hydraulique qu’on actionne les machines qui permettent d’écraser le grain ou d’actionner les soufflets des forges. De la même façon, la roue à filer permet de gagner en efficacité pour le tissage des vêtements.
C’est aussi l’époque de l’invention de l’horlogerie, à partir du XIIIème siècle, et de la sidérurgie moderne. Le Moyen Âge est en réalité un âge mécanique, qui met à contribution les forces naturelles (vent, eau, système de poids) à l’aide de mécanismes complexes.
Les découvertes ne sont pas que d’ordre technique : la circulation des idées permet notamment à la médecine de se développer et de se nourrir de la médecine arabo-musulmane, au rang desquels le Canon de la médecine d’Avicenne, une encyclopédie médicale qui synthétise, en 1025, les médecines grecque, hindou et arabe.
Dans une conférence enregistrée en mai 2017, l’historienne médieviste Danielle Jacquart rappelait qu’au XIIe siècle, la médecine fut la première à connaître son renouveau :
S’imposa alors l’idée selon laquelle un médecin digne de ce nom devait être lettré, connaître l’anatomie, la physiologie du corps humain, et rechercher les causes des maladies pour être en mesure d’appliquer un traitement. Et si la médecine prétend être une science, c’est qu’elle recherche les causes des maladies. [...] Même si nous savons aujourd’hui que les connaissances anatomiques étaient imparfaites, que la théorie médicale était peu apte à justifier des traitements efficaces pour les maladies les plus sévères, ce choix d’une médecine savante fondée rationnellement fut capital.
Lire l’intégralité de l’article sur franceculture.fr