Egalité et Réconciliation
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Sionismes et antisionismes – L’impasse stratégique

Le point de vue rationnel et dépassionné de Lucien Cerise

 

E&R Rhône-Alpes recevait Lucien Cerise à Grenoble le samedi 9 novembre 2024 pour une conférence intitulée « Sionismes et antisionismes ».

 

 

Le texte, revu et augmenté, ayant servi de support à la conférence :

Sionismes et antisionismes

En quête de cohérence

La géopolitique et la théologie ne font pas bon ménage. La théologie indique un sens de la vie, un sens de l’Histoire, donc une cohérence supérieure animant le monde. À l’opposé, la géopolitique est une éducation à renoncer à toute cohérence supérieure ou générale qui animerait le sens de l’Histoire. Les contradictions et les contre-exemples abondent en géopolitique, notamment sous la forme de renversements d’alliances que l’on croyait pérennes, et il faut admettre que la situation soit souvent erratique, chaotique, illisible, incompréhensible. La théologie donne le sentiment qu’il existe des permanences et des valeurs absolues. La géopolitique montre qu’il n’y en a pas, en tout cas jamais définitives, et que le changement est la règle sur le long terme. Cette impermanence et cette relativité sont anxiogènes et ont conduit l’espèce humaine à se doter de « grands récits », religieux ou philosophiques, offrant une rationalité de type dialectique du sens de l’Histoire, pour essayer de trouver du sens dans les contradictions. Le cerveau humain a besoin d’unité pour comprendre son environnement. Il a besoin de ramener la multitude contradictoire des phénomènes à un récit unifié, cohérent et exprimable dans une syntaxe humaine. Par exemple, les monothéismes affirment qu’il y a une création du monde et une fin du monde. Et entre les deux, il y a l’histoire du monde, qui obéit à une logique linéaire, du début vers la fin, et dialectique, car c’est l’histoire d’une contradiction, d’un affrontement, d’un antagonisme entre le Bien et le Mal. Pour les monothéismes, le monde et l’Histoire ont un sens : la victoire finale du Bien sur le Mal, et la résolution de la tension dialectique. Les philosophes allemands Hegel et Marx reprendront la substance de cette vision monothéiste dialectique pour essayer de l’universaliser au-delà de la religion. D’autres cultures proposent cependant une autre conception du temps et de l’Histoire, qui peuvent être cycliques et sans fin. Par ailleurs, la confrontation des grands récits culturels induite par la mondialisation, qui réduit les distances et met en contact tout avec tout, effrite l’absolutisme de chacun, dans son isolement magnifique. La mondialisation signe donc la fin des récits à valeur absolue et des grands systèmes de pensée parfaitement cohérents. La mondialisation ne laisse subsister que du relatif : des cohérences ponctuelles, mais pas de cohérence supérieure – des rationalités locales, mais pas de rationalité générale.

 

Quel clivage fondateur ?

Depuis le 7 octobre 2023 et l’opération du Hamas « Déluge d’Al-Aqsa », les pro-israéliens comme les pro-palestiniens essayent de rétablir un grand récit unifié et demandent au monde entier de se positionner par rapport à une cohérence supérieure, soit un clivage géopolitique fondateur qui opposerait le sionisme à l’antisionisme. La géopolitique mondiale se réduirait à ce clivage sionisme versus antisionisme. De fait, le geste fondateur de la politique est la désignation d’un ennemi, dixit Carl Schmitt. Autrement dit, le geste fondateur de la politique est la position d’un clivage fondateur. Le clivage fondateur définit la cohérence supérieure et générale, et permet de débuter le grand récit des événements. Pour les sionistes, comme pour les antisionistes, le clivage fondateur oppose sionisme et antisionisme. Mais il existe d’autres clivages fondateurs. Par exemple, la Russie a un autre clivage fondateur. Quel est-il ? Le clivage fondateur de la géopolitique russe oppose la Russie à ce qu’elle appelle l’Occident collectif (коллективный Запад, kollektivnyj Zapad). L’Occident collectif réunit tous les ennemis occidentaux de la Russie, et ces ennemis peuvent être sionistes ou antisionistes, mais peu importe, ils sont avant tout ennemis de la Russie. Et d’autre part, de l’autre côté de la barrière, dans le camp géopolitique des amis de la Russie, il peut y avoir aussi des sionistes et des antisionistes, mais peu importe également, ils sont avant tout amis de la Russie. Le clivage fondateur russe est pragmatique et réaliste, il est totalement russo-centrique, fondé sur l’intérêt national russe, et tout s’examine depuis ce point de vue. Le sionisme et l’antisionisme sont jugés en fonction de l’intérêt russe du moment et n’ont pas de valeurs absolues. En définitive, le gouvernement russe ne se pose qu’une seule question : « Est-ce que c’est bon pour la Russie ? » De la même façon, la seule question qu’un Français doit se poser, quel que soit le sujet, est : « Est-ce que c’est bon pour la France ? » Nous pouvons donc apprendre du réalisme de la diplomatie russe, qui se pose la question très pragmatique : comment utiliser le sionisme et l’antisionisme au bénéfice de la Russie ? Cette approche pragmatique est aussi celle des pays musulmans. La perception d’un bloc musulman antisioniste homogène est trompeuse. Dans le réel, l’antisionisme musulman est toujours sous conditions, segmenté selon les intérêts nationaux du moment.

En parallèle de la multiplicité des clivages fondateurs, qui exclut tout réductionnisme au seul clivage sionisme/antisionisme, on voit aussi apparaître un autre clivage dans le clivage, cette fois au sein de l’antisionisme, entre deux antisionismes assez différents l’un de l’autre. En effet, il existe un antisionisme au Proche et Moyen-Orient, qu’on appellera un antisionisme oriental. Et il existe un antisionisme développé en Occident, un antisionisme occidental, qui possède les caractéristiques de l’Occident libéral et libertaire, c’est-à-dire mondialiste, gauchiste, woke, adepte de la « société ouverte » et de l’idéologie portée par George Soros et sa fondation Open Society. Essayons de décrire plus précisément ces deux antisionismes, en commençant par l’oriental.

 

Antisionisme oriental

Il existe un premier antisionisme oriental, incarné par plusieurs pays et organisations comme l’Iran, le Hamas, le Hezbollah ou le Parti Baas, le principal organe politique du nationalisme arabe laïc. Ils possèdent tous leurs propres raisons d’être antisionistes, raisons avec lesquelles les Occidentaux peuvent converger éventuellement, sous condition que cela soit dans l’intérêt des Occidentaux. Par exemple, la France et l’Occident avaient intérêt à soutenir le Parti Baas de Syrie et le gouvernement laïc de Bachar El-Assad, qui furent nos premiers alliés contre l’islamisme, jusqu’au coup d’État islamiste qui s’empara de la Syrie le 8 décembre 2024. De son côté, le gouvernement israélien s’illustre depuis des décennies par son soutien au terrorisme islamiste, notamment sur le territoire syrien, mais aussi en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Récapitulons les liens de l’entité sioniste avec trois grands groupes paramilitaires islamistes : le Hamas, Al-Qaïda et l’État islamique, ou Daech.

À l’heure des réseaux sociaux, il est difficile de maintenir des secrets d’État. C’est ainsi que l’ancien premier ministre israélien, Yaïr Lapid, révélait dans un communiqué que son successeur, Benjamin Netanyahou, et son équipe, étaient tout à fait au courant que le Hamas préparait les attaques du 7 octobre 2023, impliquant que Netanyahou avait donc laissé faire le groupe armé musulman. Yaïr Lapid écrivait le 29 octobre 2023 : « À la veille de Yom Kippour, le 20 septembre, j’ai publié un avertissement inhabituel contre une flambée de violences à venir sur plusieurs scènes. Les documents de renseignement sur lesquels je me suis appuyé ont été également soumis à Netanyahou. Ceux qui ont apporté les renseignements sont les mêmes membres du système de sécurité que Netanyahou accuse désormais de ne pas l’avoir averti. » [1]

Parmi ces documents de renseignement apportés à Netanyahou par ses propres services de sécurité et que Yaïr Lapid a consulté également, on trouve un rapport de 40 pages nommé « Mur de Jéricho », dont l’authenticité n’a pas été contestée, et donnant tous les détails de l’opération du Hamas. Ce rapport fuité dans les médias – New York Times, CNN, Associated Press, la BBC, Ouest-France – permet d’attester que « Israël connaissait le plan d’attaque du Hamas depuis un an » [2], que « Les militants du Hamas se sont entraînés sans se cacher pour leur attaque meurtrière, à moins d’un kilomètre de la frontière israélienne lourdement fortifiée » [3], que « Le Hamas s’est entraîné au vu de tous en publiant une vidéo d’une attaque simulée quelques semaines avant la percée de la frontière » [4], que « L’Égypte a averti Israël quelques jours avant l’attaque du Hamas, déclare le président d’un comité du parlement américain » [5], mais aussi que « Des chercheurs américains pointent des mouvements financiers suspects les jours précédant l’assaut islamiste en Israël, début octobre. L’attaque aurait fait la fortune de traders de haut vol », ce qui n’est pas sans rappeler l’agitation financière ayant précédé le 11 septembre 2001. [6]

Le soutien israélien au terrorisme islamiste ne se limite pas à fermer les yeux pour laisser un ennemi agir, et avoir ensuite un prétexte à réagir, mais consiste aussi à entretenir activement des réseaux paramilitaires aux ramifications internationales capables de frapper en Israël, en Syrie, en France, aux USA ou en Russie. Proposons au lecteur un échantillon de sources permettant de récapituler les liens des organisations islamistes avec l’État hébreu, dont l’objectif, toujours le même, est d’utiliser des religieux, y compris anti-israéliens comme le Hamas, pour attaquer des laïcs, syriens baasistes ou palestiniens comme le Fatah. Déjà en 2006, le grand reporter Charles Enderlin récapitulait dans un article comment Israël avait soutenu la création du Hamas dans les années 1980 et déclarait : « Depuis trente ans, les dirigeants de l’État hébreu ont misé sur les islamistes pour détruire le Fatah. Seules quelques Cassandre isolées avaient lancé des mises en garde : la politique israélienne contribue à l’islamisation de la société palestinienne. » [7]

Les Israéliens eux-mêmes ne se privent pas de dénoncer les stratagèmes de leur propre gouvernement. En février 2020, le média Times of Israel rapportait ainsi comment Benjamin Netanyahou, Yossi Cohen, directeur du Mossad et Herzi Halevi, un haut gradé de Tsahal, s’étaient impliqués auprès du Qatar pour financer le Hamas : « Le chef du Mossad, Yossi Cohen, et l’officier supérieur de l’armée israélienne en charge de Gaza, Herzi Halevi, se sont rendus au Qatar au début du mois sur instruction du Premier ministre Benjamin Netanyahu pour demander au riche émirat gazier de continuer à effectuer leurs paiements périodiques au groupe terroriste palestinien du Hamas, a affirmé samedi soir le chef du parti Yisrael Beytenu, Avidgor Liberman. » [8]

Il semble que le problème numéro 1 d’Israël soit un Israélien, et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de Benjamin Netanyahou, sans oublier sa garde rapprochée au Mossad ou dans l’armée, lesquels passent leur temps à appliquer aux Palestiniens une technique d’ingénierie sociale, le conflit triangulé, permettant de diviser pour régner, dans le cadre d’une vaste stratégie du chaos contrôlé. Le lendemain de l’attaque du Hamas d’octobre 2023, la journaliste israélienne Tal Schneider récapitulait l’histoire des relations entre Israël et le Hamas : « Pendant des années, les différents gouvernements dirigés par Benjamin Netanyahu ont adopté une approche qui divisait le pouvoir entre la Bande de Gaza et la Cisjordanie, en mettant à genoux le président de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, tout en prenant des mesures qui renforçaient le groupe terroriste palestinien du Hamas. L’idée était d’empêcher Abbas – ou tout autre membre du gouvernement de l’AP en Cisjordanie – de progresser vers la création d’un État palestinien. Ainsi, dans le cadre de cette tentative d’affaiblir Abbas, le Hamas est passé du statut de simple groupe terroriste à celui d’organisation avec laquelle Israël menait des négociations indirectes par l’intermédiaire de l’Égypte, et qui était autorisée à recevoir des injections de fonds de l’étranger. » [9]

En octobre 2015, l’ultra-sioniste Bezalel Smotrich, devenu ministre des Finances en 2024, déclarait publiquement au média de la Knesset, le parlement israélien : « Sur le terrain international, dans le jeu de la dé-légitimation, l’Autorité palestinienne est un fardeau et le Hamas est un atout. » [10] La mauvaise image du Hamas est effectivement un atout sioniste pour délégitimer la cause palestinienne à l’internationale, dans le cadre d’une vaste opération de management des perceptions et de gestion de la réputation. Le courant politique des suprémacistes juifs auquel Smotrich appartient, et dont Netanyahou est proche, fait un usage généralisé des suprémacistes islamistes comme forces de procuration dans le champ de la guerre psychologique, mais aussi sur les terrains paramilitaires et terroristes. Ces forces peuvent être utilisées contre les Palestiniens mais aussi dressées contre les pays arabes et musulmans voisins pour essayer de les renverser au terme de coups d’État déguisés en révolutions spontanées. Depuis 2011 et la série de putschs soutenus par les puissances occidentales sous l’appellation de « Printemps arabe », le territoire syrien est devenu le principal théâtre d’opérations des supplétifs et mercenaires israéliens, aboutissant au changement de régime accompli le 8 décembre 2024 par les armes et au nom du Coran. Dix ans auparavant, les médias israéliens s’étaient emparés du sujet pour dénoncer cette complicité islamo-sioniste apparemment contre-nature, mais assumée par les autorités israéliennes en toute impunité. Par exemple, le 30 janvier 2014, le journal Haaretz titrait : « Quelque 700 Syriens traités dans les hôpitaux israéliens depuis début 2013 » [11]. Quelques jours plus tard, le 18 février 2014, Benjamin Netanyahou venait lui-même rendre visite en personne au chevet de ces terroristes blessés en Syrie et soignés dans un hôpital israélien, puis postait sans vergogne les photos sur sa page Facebook [12]. En décembre 2014, la chaîne de documentaires Vice News diffusait un reportage sur les interactions entre terroristes non-religieux, renommés « rebelles modérés », terroristes islamistes et pouvoirs publics israéliens. Un terroriste blessé de l’Armée Syrienne Libre (ASL), groupe paramilitaire laïc soutenu par l’Occident, était filmé alité dans un hôpital israélien. Il déclarait au journaliste des propos évoquant ceux de Laurent Fabius sur le « bon boulot » réalisé par cette filiale d’Al-Qaïda nommée Al-Nosra : « Jabhat Al-Nosra n’est pas si mauvais. On cohabite avec Jabhat Al-Nosra là-bas. Jabhat Al-Nosra résout certains problèmes entre les gens. Le fait qu’ils soient musulmans aide à résoudre les problèmes. Ils ne tuent pas et n’oppressent pas les gens. Ils combattent seulement le régime. » [13]

La collaboration entre Israël et le terrorisme reste discrète mais ne se cache pas. Le 12 mars 2015, le Wall Street Journal constatait le soutien israélien aux combattants islamistes, ces derniers jugés moins dangereux que le gouvernement syrien, et posait une question rhétorique : « Al-Qaïda, un moindre mal ? La guerre en Syrie sépare les États-Unis et Israël » [14]. Deux jours plus tard, l’information était reprise dans le média israélien francophone i24News, qui titrait : « Israël soigne des djihadistes d’Al-Qaïda blessés en Syrie » [15]. Le 31 mai 2016, l’ancien directeur du Mossad, Efraim Halevy, confirmait publiquement sur la chaîne Al-Jazeera du Qatar que les terroristes islamistes d’Al-Nosra étaient soignés dans les hôpitaux israéliens, en précisant que cela lui semblait être une considération humaine. [16] Le 5 juin 2016, Jean-Dominique Merchet, journaliste spécialiste des questions militaires, dressait un panorama de la situation dans les colonnes de L’Opinion : « L’humanitaire conduit parfois à d’étranges arrangements. Par exemple entre l’armée israélienne et les groupes rebelles syriens, dont le Front al-Nosra, la branche locale d’al-Qaïda, à propos du sort des blessés de la guerre civile. "2 200 Syriens ont déjà été soignés dans notre pays depuis trois ans", indique un officier supérieur de l’armée israélienne, qui ne manque pas de vanter les efforts réels de l’État juif pour venir en aide aux victimes du conflit qui se déroule à ses portes. Cinq hôpitaux israéliens accueillent ces blessés, qui sont à 90 % des hommes, la plupart en âge de combattre… 70 % des patients sont d’ailleurs traités en orthopédie pour des blessures de guerre. Certes, quelques femmes et des enfants profitent de la médecine israélienne, parfois pour des maladies graves. Mais, reconnaît un médecin, "plus de la moitié sont des combattants". » [17]

Après le Hamas et Al-Qaïda, concluons sur le point de vue étonnement favorable des services de sécurité israéliens à propos de Daech. Le 22 janvier 2016, le quotidien français Le Monde commentait ainsi les propos du ministre israélien de la Défense sur l’État islamique : « Le ministre israélien de la Défense, Moshé Yaalon, a présenté, lundi 18 janvier, une vision catastrophiste des conséquences que l’accord sur le nucléaire iranien pourraient avoir sur l’État hébreu, n’hésitant pas à affirmer "préférer Daech [acronyme arabe de l’État islamique]" à l’Iran. (...) Préférer l’EI à l’Iran : tout autant que le sens de cette remarque, il est intéressant de noter l’absence de polémique à son sujet, en Israël, comme si elle énonçait une évidence. » [18]

En Israël, le djihadisme reçoit donc le soutien du monde militaire, mais aussi du monde intellectuel. Le professeur de sciences politiques Efraim Inbar, enseignant à l’université Bar-Ilan de Tel-Aviv et directeur du centre d’études stratégiques Begin-Sadat (BESA), écrivait en août 2016 dans le Jerusalem Post que la destruction de l’État islamique serait une erreur car son existence entretenait une instabilité géopolitique favorable à Israël : « L’Occident aspire à la stabilité et soutient l’espoir naïf que la défaite militaire de l’État islamique contribuera à atteindre cet objectif. Mais la stabilité n’est pas une valeur en soi. Elle n’est souhaitable que si elle sert nos intérêts. La défaite de l’État islamique encouragerait l’hégémonie iranienne dans la région, renforcerait le rôle de la Russie et prolongerait la tyrannie d’Assad. (...) L’administration américaine ne semble pas capable de reconnaître le fait que l’État islamique peut être un outil utile pour saper le plan ambitieux de Téhéran pour la domination du Moyen-Orient. » [19]

En dépit d’un contrôle étroit, les médias de masse ne pratiquent pas une censure systématique sur ces sujets sensibles. L’hebdomadaire français Le Point se faisait l’écho en septembre 2018 de recherches menées aux USA et en Israël sur les groupes d’action clandestine paramilitaire soutenus par l’entité sioniste : « Mais voilà que la revue américaine Foreign Policy vient apporter un éclairage nouveau sur le rôle d’Israël dans le conflit syrien. À l’issue d’une enquête fouillée publiée sur le site de la revue, la journaliste Elizabeth Tsurkov, également chercheuse au Forum Regional Thinking, un think tank israélien, affirme que l’État hébreu a secrètement armé et financé au moins douze groupes rebelles syriens, opérant dans le sud de la Syrie de 2013 à juillet 2018. » [20]

Les mouvements islamistes sont aussi noyautés par des agents du Mossad israélien appartenant à l’unité des « mistaravim », composée de juifs spécialisés dans l’imitation des arabo-musulmans, pour pénétrer leurs organisations clandestinement. L’objectif de ces agents secrets israéliens infiltrés chez l’ennemi n’est pas seulement de recueillir des informations, ou de créer des problèmes de fonctionnement en interne, mais aussi de faire exister ces mouvements de manière semi-artificielle, de façon qu’ils ne cherchent jamais de solution négociée. Ces agents israéliens ont aussi parfois pour mission d’accomplir des attentats sous faux drapeau, et qui seront attribués aux arabo-musulmans. La vérité sur ces mises en scène fuite régulièrement : « Ces agents sont désignés en arabe par le terme moustaarabine, qui signifie "s’habiller et agir comme un Arabe", et en hébreu par le terme mistaravim, un dérivé du mot arabe. Les agents, déguisés en médecins, patients et civils palestiniens, ont fait irruption dans l’établissement situé en Cisjordanie occupée et tué trois personnes. L’un des agents israéliens se serait exprimé en arabe au cours de l’opération. Le raid s’est déroulé à 5 h 30 du matin et a duré environ dix minutes, selon les médias israéliens. Les forces spéciales mobilisées étaient les dernières en date d’une longue série d’agents israéliens infiltrés se faisant passer pour des Palestiniens. (…) L’une des unités les plus connues, l’unité 217, surnommée Douvdevan (la cerise), a été créée dans les années 1980 par l’ancien Premier ministre israélien Ehud Barak. L’unité est toujours opérationnelle et compte parmi les nombreuses unités d’infiltration israéliennes. » [21]

La complicité occidentale et israélienne avec le terrorisme islamiste éclate au grand jour depuis le coup d’État en Syrie du 8 décembre 2024 et l’opération de réhabilitation des djihadistes ayant pris le pouvoir par les armes, mais devenus soudain dans le récit médiatique des événements des individus pragmatiques, responsables, favorables à la diversité et à Israël. Comme d’autres pays, l’entité sioniste mérite largement sa réputation d’État voyou et terroriste, et, en particulier, sponsor du terrorisme islamiste – ce que certains appellent le Gladio-B, en référence aux réseaux d’action clandestine paramilitaire et terroriste de l’OTAN surnommés « Gladio » pendant la guerre froide. Les preuves abondent de la complicité israélienne avec l’islamisme le plus violent. Il faut le répéter : contrairement à ce que croient les pro-israéliens, le bouclier de l’Occident contre le terrorisme islamiste n’est pas Israël mais était la Syrie, et ses alliés, même barbus et appliquant la charia. Les Occidentaux avaient donc intérêt à soutenir l’Axe de la résistance, cette alliance formée par le Hezbollah au Liban, le Parti Baas en Syrie et les Gardiens de la révolution en Iran (Pasdaran). Pourquoi ? Parce que la disparition complète de l’Axe de la résistance laisserait un vide qui serait immédiatement rempli par Daech, Al-Qaïda, Al-Nosra et les multiples groupes terroristes sous pilotage de divers États, dont Israël. L’antisionisme oriental est tout aussi bien un anti-islamisme, au sens où il est en lutte contre les forces de procuration islamistes d’Israël et des services d’action clandestine paramilitaire de l’OTAN. Les Français et les Occidentaux ont donc intérêt à soutenir l’antisionisme oriental, donc l’antisionisme anti-islamiste, sous condition que cet antisionisme oriental reste lui-même anti-islamiste. En revanche, un antisionisme islamiste, favorable à l’islamisation de l’Occident, véhiculerait une charge anti-occidentale qui le rendrait tout aussi nuisible que l’entité sioniste quand elle soutient le djihad. Or, ce que nous venons d’écrire au conditionnel doit être en fait conjugué au présent.

 

Antisionisme anti-occidental

Il existe en effet un second antisionisme qui se développe en Occident, et contre l’Occident, depuis plusieurs générations. Cet antisionisme plonge ses racines dans les luttes de décolonisation du XXe siècle. Il accuse donc Israël d’être une puissance coloniale occidentale, et les juifs sont accusés d’avoir colonisé la Palestine, mais cet antisionisme ne s’arrête pas là. La décolonisation dont parle cet antisionisme vise à décoloniser la Palestine des juifs, mais vise aussi, par extension, à décoloniser le monde entier de l’Occident, et vise donc, par exemple, à décoloniser la France des Français de souche, et l’Europe des Européens autochtones. Au motif d’émanciper le monde de la tutelle coloniale occidentale, il s’agit en fait de réaliser l’épuration ethnique des Occidentaux partout, y compris chez eux, sur leurs terres natales. Sous couvert de décolonisation, il s’agit donc en réalité d’un phénomène de colonisation de l’Occident par des non-Occidentaux, et surtout par des anti-Occidentaux. Cette mouvance internationale, incarnée en France notamment par le parti politique La France Insoumise (LFI) et ses alliés (Indigènes de la République, Frères musulmans, etc.), incubait depuis des années dans les milieux universitaires et intellectuels mondialistes de gauche et d’extrême-gauche, et elle éclate au niveau international depuis le 7 octobre 2023.

Cet antisionisme occidental est donc avant tout anti-occidental, gauchiste, woke, LGBT, pro-palestinien mais aussi anti-russe et anti-syrien, ce qui n’a aucune cohérence sur le plan géopolitique. En revanche, il peut être parfois, et de façon marginale, pro-iranien. Le philosophe Michel Foucault, critique génial des sociétés de surveillance autoritaires, par ailleurs homosexuel et amateur de pratiques sado-masochistes, était aussi, et paradoxalement, un fervent soutien de la révolution islamique qui portait au pouvoir en Iran le régime religieux de l’ayatollah Khomeiny. Foucault inaugurait ainsi dès 1979 cet hybride postmoderne que Pierre-André Taguieff baptisera l’islamo-gauchisme en 2002. Judith Butler, féministe, lesbienne et principale théoricienne du mouvement LGBT, prenait également partie pour le Hamas et le Hezbollah dès 2006, en déclarant que ces mouvements appartenaient à la « gauche mondiale » (Global Left) car ils sont antisionistes, à comprendre anti-impérialistes, donc anti-occidentaux par voie de conséquence, l’impérialisme étant considéré par le mouvement woke comme exclusivement occidental.

Comment en est-on arrivé là ? Reconstituons les stratifications historiques de cette « gauche mondiale », qui est passée du marxisme classique, dénonçant les inégalités socio-économiques, au marxisme culturel, puis au marxisme racial (Critical Race Theory), puis au marxisme sexuel, puis à une véritable psychose de l’indifférenciation. Son programme commun, son algorithme de développement conceptualisé sous le terme d’inter-sectionnalité, est un égalitarisme dogmatique visant à lutter contre toutes les discriminations et inégalités au moyen de la discrimination positive des minorités ethniques, culturelles, sexuelles, mais aussi des obèses, des handicapés – physiques et mentaux – et des animaux, avec l’anti-spécisme, transposition de l’antiracisme, conduisant au véganisme. Cette dictature des minorités étendue jusqu’à l’absurde remplace la dictature du prolétariat, et ses partisans sont qualifiés d’éveillés à la question des inégalités, ou « woke » en anglais. Cette théorie woke, ou wokiste, s’est ainsi emparée du monde intellectuel occidental pour devenir la dernière version de la pensée politique de gauche. Selon cette théorie, qui transforme le marxisme économique en marxisme identitaire, l’humanité se divise en deux catégories. Il y a les dominants, identifiés au camp du Mal et des réactionnaires : les juifs et les chrétiens, les Blancs, les hommes, les hétérosexuels. Et il y a les dominés, identifiés au camp du Bien et des progressistes : les musulmans, les Noirs et les Arabes, les femmes, les LGBT. Et tous les coups sont permis aux dominés pour prendre leur revanche, car ils ont le magistère moral de la victime. Cette vision du monde s’enracine dans le courant géopolitique du tiers-mondisme, de la décolonisation et de l’indigénisme apparu dans les années 1950, qui donna lui-même naissance dans le champ universitaire aux Cultural Studies, puis aux Gender Studies, se renforça avec la Nouvelle Gauche libertaire et anti-autoritaire des années 1960-70, qui produira Mai 68 en France, et dont sortira l’université expérimentale de Paris 8 Vincennes/Saint-Denis, où l’auteur de ces lignes étudia de 1997 à 2004. Dans les années 1980, ce courant de pensée prendra le nom de « politiquement correct », puis de French Theory, car ses fondateurs sont pour la plupart français, et deviendra l’armature conceptuelle de l’antisionisme islamo-gauchiste et anti-occidental contemporain. Deux semaines après l’attaque du Hamas, Thierry Meyssan résumait le rapport de forces entre l’Occident dominateur et le reste du monde dans un article objectif, mais aux accents woke incontestables : « Washington a réfléchi aux conséquences possibles d’une défaite israélienne à Gaza après la défaite de l’Otan en Ukraine. L’Occident ne serait plus craint. Toutes les règles imposées en dehors du Droit international seraient subitement remises en question. Tous les peuples que l’Occident maintient en enfance depuis des siècles, voire exploite sans vergogne, se révolteraient. Ce serait un changement complet d’époque. La rancœur accumulée depuis des décennies laisse prévoir une sauvagerie incontrôlable dans cette révolte comme celle dont le Hamas a déjà fait preuve. Aussi les grandes puissances occidentales ont-elles décidé de fermer les yeux sur le massacre en cours. Elles ont conscience de permettre et de faciliter un génocide, mais redoutent plus encore de devoir rendre des comptes pour leurs crimes passés et actuels. Ce qui se joue à Gaza n’est donc plus la question palestinienne, mais la suprématie occidentale, le règne de ses règles, et les bénéfices indus que les Occidentaux en tirent. » [22]

Le 4 juillet 2024, en pleine période électorale française, le Parti des Indigènes de la République confirmait l’analyse de Thierry Meyssan et dévoilait les pensées profondes de la mouvance pro-palestinienne en France dans un article intitulé « Pour un front anticolonial des peuples colonisés de l’intérieur et de l’extérieur » : « Les Trump, Netanyahou, Le Pen ne sont que les visages grimaçants et déformés d’un vieux monde qui s’agrippe à ses privilèges, des privilèges hérités de siècles de domination coloniale. Des privilèges remis en cause, chaque jour un peu plus, par le reste du monde lancé à l’assaut de la forteresse occidentale. (…) Nous africanisons et nous islamisons la France, et c’est précisément la lutte contre cet effet de notre existence qui constitue aujourd’hui l’axe de recomposition du champ politique français. Ils rêvent de notre déportation. Ils rêvent de frontières. Ils rêvent de murs et de barbelés. Ils rêvent d’assimilation et de rééducation. Montrons-leur que seul le fou croit pouvoir contenir la montée de la mer avec ses mains ! » [23]

Le même courant politique antisioniste anti-occidental parle sérieusement de lancer une Intifada en France, notamment par la voix d’Élias Imzalène, du collectif Urgence Palestine. Le terme Intifada désigne historiquement deux mouvements de guérilla palestinienne contre Israël, et par extension, tout soulèvement populaire contre un oppresseur étranger. En France, les antisionistes anti-occidentaux sont donc en train de préparer un soulèvement des arabo-musulmans, identifiés aux Palestiniens, contre les Français de souche, identifiés aux colons israéliens, et donc identifiés à des colons étrangers dans leur propre pays. Ce subterfuge consistant à renommer la réalité pour mieux la déformer doit permettre de légitimer moralement la colonisation de la France et le grand remplacement de sa population autochtone, après avoir délégitimé moralement l’existence de cette même population autochtone, identifiée à un oppresseur étranger. Si l’on veut anticiper et tenter de résorber la guerre civile ethnique que l’antisionisme anti-occidental est en train de préparer, il est urgent de dresser une cartographie et une généalogie de cet antisionisme anti-occidental. Il est avant tout anti-Blancs, dirigé en bloc contre les Européens, en Europe et ailleurs, et il s’autoproclame également anticolonialiste, anti-impérialiste, antiraciste, antifasciste, anticapitaliste, anti-patriarcal, féministe et pour finir anti-hétéro-normatif, préparant le terrain au LGBT. L’antisionisme anti-occidental qui explose depuis octobre 2023 sur les campus universitaires anglo-américains, ou en France à Sciences-Po, et qui incubait à l’université Paris 8 depuis des décennies, plonge ses racines non seulement dans les luttes légitimes d’émancipation anti-impérialiste du tiers-monde mais aussi dans la contre-culture gauchiste des années 1960 apparue avec le psychédélisme et l’antipsychiatrie, ce mouvement décrivant la folie comme une autre normalité (Deleuze, Guattari). Cette « convergence des luttes » disparate a dégénéré au fil du temps et s’est muée en une sorte de vaste révolution adolescente contre le Père et toute forme d’autorité et de hiérarchie, toutes perçues comme des abus de pouvoir, et comme des structures de domination illégitimes qui seraient à déconstruire (Derrida, Bourdieu). La contestation de l’hégémonie occidentale par les pays émergents du Sud global et des BRICS est amalgamée avec la supposée lutte des femmes et des LGBT contre la domination masculine et le modèle hétérosexuel majoritaire. En France, cet antisionisme anti-occidental est naturellement anti-français et s’exprime violemment dans les manifestations contre le Rassemblement National en 2024.

Pourquoi les antisionistes occidentaux sont-ils majoritairement anti-occidentaux, et anti-français quand ils vivent en France ? Parce qu’ils associent Israël à la France et à l’Occident blanc, judéo-chrétien, capitaliste, raciste, impérialiste, colonialiste et esclavagiste, ce en quoi ils ont partiellement raison. Le vrai problème vient après. Car pour les antisionistes anti-occidentaux, seuls les Occidentaux sont à blâmer, alors qu’une étude impartiale montre que tous les peuples se sont livrés au colonialisme, à l’esclavage et à la domination raciste sur d’autres peuples. Plus grave : la rédemption des Occidentaux – et en France des « Français de souche », les « souchiens », comme dirait Houria Bouteldja – passe forcément par leur culpabilité collective à travers le temps et les générations, puis par leur conversion à l’anti-occidentalisme, à l’antisionisme, à l’Islam et au LGBT. Ce qui n’est pas sans arrière-pensées électoralistes. Aux USA, les antisionistes sont tous ou presque au Parti Démocrate et votent Obama, Clinton, Biden ou Kamala Harris. En France, la masse des antisionistes vote pour Mélenchon, et pour Macron au deuxième tour, pour « faire barrage au fascisme », et goûter aux joies de la créolisation, selon le terme de Jean-Luc Mélenchon, ce melting-pot de la « diversité inclusive » qui est en train de devenir un vrai bain de sang.

Cet antisionisme anti-occidental revanchard exige la repentance identitaire des juifs, des chrétiens, des Blancs, des hommes et des hétérosexuels, tous accusés d’opprimer les musulmans, les Noirs et les Arabes, les femmes et les LGBT. L’antisionisme anti-occidental, avec son wokisme et sa Cancel Culture, sa culture de l’annulation de l’Occident et des Blancs, ne se contente pas de soutenir la Palestine : l’antisionisme anti-occidental menace aussi les Occidentaux d’une destruction totale, physique et culturelle. Sa vengeance contre le « maître blanc » et le « joyeux temps des colonies » sera terrible ! Cet antisionisme lutte d’une main, et à raison, contre l’épuration ethnique des Palestiniens, mais prépare aussi de l’autre main l’épuration ethnique des Blancs. Le racisme anti-Blanc, les agressions physiques qui en découlent, sous forme de ratonnades ethniquement ciblées, et les émeutes qui se propagent à travers l’Europe en sont l’expression directe. Le génocide d’une population se prépare toujours dans des discours. Il faut créer la perception d’un problème insoluble avec cette population. C’est ainsi que des organisations comme LFI ou le PIR travaillent l’opinion publique pour la rendre tolérante à l’idée d’une extermination des Français autochtones, et que Jean-Luc Mélenchon s’autorisait à déclarer en juin 2024 que « ceux qui s’appellent Français de souche posent un problème sérieux à la cohésion de la société » [24].

 

Stratagèmes de l’anti-occidentalisme

L’antisionisme anti-occidental est une tendance lourde du mondialisme : il est financé par des puissances institutionnelles islamiques, mais aussi occidentales comme l’Union européenne et diverses fondations de milliardaires comme Georges Soros soutenant le projet de « société ouverte », qui nous entraîne vers la « société liquide » décrite par Zigmunt Bauman. Il accompagne le mouvement sociétal de l’auto-identification, à l’origine de nombreux troubles de la personnalité de type LGBT ou xénogenres, ces individus qui revendiquent le droit à l’auto-détermination identitaire totale et qui se présentent comme des non-humains – animaux, plantes, objets – mais aussi comme des éléments de météorologie, pluie ou neige, ou comme des sentiments et des idées. Face à cette menace existentielle, les Occidentaux doivent se défendre s’ils veulent échapper à l’éradication complète dans une sorte de transhumanisme délirant qui menace en fait toute l’humanité. Il ne faut pas hésiter à se déclarer anti-antisionisme anti-occidental, ou antisioniste sous conditions, ce qui suffira pour faire hurler les antisionistes anti-occidentaux inconditionnels, qui ont quitté la pensée rationnelle pour se vautrer dans l’hystérie compassionnelle. En effet, depuis le 7 octobre 2023, l’islamo-gauchisme se livre à une récupération moralement douteuse de la cause palestinienne, instrumentalisée comme un outil de rabattage politique et électoral sur l’extrême-gauche woke et le mondialisme, comme on l’a vu aux législatives françaises de 2024, quand Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan revêtue de son keffieh palestinien appelèrent au soir du premier tour à soutenir Emmanuel Macron, pourtant parrainé par Jacques Attali et issu des réseaux du grand capital pro-israélien (banque Rothschild, etc.). L’identification émotionnelle des Occidentaux au sort des Palestiniens est utilisée pour faire accepter plus facilement aux Occidentaux leur grand remplacement par l’immigration extra-européenne. Aujourd’hui, quiconque critique le wokisme et l’islamisation de l’Europe est accusé d’être d’extrême-droite, mais aussi « sioniste » ou « infiltré par les sionistes ». L’accusation de « sionisme » est en train de devenir une astuce d’ingénierie sociale islamiste (taqîya) pour inhiber et censurer toute critique de l’islamisation, et ainsi fabriquer le consentement des mécréants à l’islamisation, pour ne pas risquer d’être accusé de sionisme et d’islamophobie, ce qui serait le péché capital.

D’autre part, nous sommes également sommés par les pro-israéliens de soutenir Israël de façon inconditionnelle. En Occident, les sionistes et les islamistes passent leur temps à s’accuser mutuellement d’être le plus grand danger. Ils se cachent l’un derrière l’autre et s’utilisent comme paravents réciproques pour se dissimuler aux yeux des non-juifs ou des non-musulmans (goyim et kouffar). « C’est pas moi, c’est l’autre ! » Les sionistes utilisent les islamistes pour faire diversion du sionisme. Les islamistes utilisent les sionistes pour faire diversion de l’islamisme. Mais les deux sont complices et se répartissent les rôles et les tâches. Sionistes et antisionistes sont d’ailleurs en accord sur l’essentiel : la solidarité d’Israël et de l’Occident et l’existence d’un « choc des civilisations », qui opposerait l’Occident, Israël compris, à l’Islam. Les Français non-juifs et non-musulmans se retrouvent alors pris dans une tenaille rhétorique qui se referme sur eux, comme un piège, pour les obliger à se positionner et à prendre parti pour l’un ou l’autre camp.

En résumé : dans le triangle de Karpman réel, l’antisionisme anti-occidental occupe la place du bourreau wokiste de l’Occident. Mais dans le triangle de Karpman perçu, l’antisionisme anti-occidental doit occuper la place de la victime et/ou la place du sauveur. Pour y parvenir, les antisionistes anti-occidentaux dissimulent leurs intentions et appliquent des ruses et subterfuges. Leur objectif offensif de colonisation et d’islamisation de l’Occident est ainsi camouflé dans le discours victimaire de la décolonisation. Ce discours serait légitime si la décolonisation en question se déroulait en dehors de l’Occident. Mais se décoloniser de l’Occident en Occident signifie désoccidentaliser l’Occident, donc le détruire de l’intérieur. À l’échelle nationale, se décoloniser de la France en France signifie dé-franciser la France, donc la détruire de l’intérieur. La décolonisation est ici une forme de colonisation déguisée, consistant à coloniser la France, sous couvert de lutter contre le colonialisme.

 

Conclusion

L’Occidental qui vit en Occident, et qui ne vit pas en Orient, le Français qui vit en France, doit calculer son rapport à l’antisionisme oriental en fonction de son intérêt national, donc d’un point de vue utilitariste, sans a priori, ni idéologie, ni valeurs absolues, ni réflexes conditionnés, donc en fonction de l’intérêt tactique relatif du moment, qui peut changer d’un jour à l’autre (comme le font les Russes). S’il est normal qu’un Occidental soutienne l’antisionisme oriental sous certaines conditions, en revanche, on voit mal comment un Occidental normal pourrait soutenir l’antisionisme anti-occidental, à moins de tomber dans l’ethno-masochisme. C’est pourtant cette autocritique radicale et suicidaire que l’antisionisme anti-occidental et woke exige des Occidentaux. En symétrie inversée, les pro-israéliens nous demandent de soutenir Israël sans conditions également, au motif que nous serions dans une guerre de civilisation avec l’Islam et que l’État hébreu serait le poste avancé de l’Occident chez les barbares. Ces deux sortes de chantage affectif ont une fonction de radicalisation et de fanatisation. En effet, pour le couple sionisme/antisionisme, le clivage fondateur sionisme/antisionisme n’est pas géopolitique, c’est une question de principe et de valeurs absolues, une question morale. « Soit vous êtes avec moi, soit vous êtes contre moi. » Face à cette hystérie du couple sionisme/antisionisme, sachons garder la tête froide, rester lucide et rationnel, et ramener ce débat à notre égoïsme national. Disons-le clairement, au risque de choquer la bien-pensance : le conflit israélo-palestinien n’est pas le combat des Français. L’importation en France du conflit israélo-palestinien par les sionistes, comme par les antisionistes, entretient un climat de guerre civile. Nous n’avons pas à importer le conflit israélo-palestinien chez nous. La France et l’Europe ont suffisamment de problèmes pour ne pas se disperser avec les problèmes des autres. Ceci étant dit, la Realpolitik commande d’avoir des relations avec tout le monde, même avec le diable. La diplomatie exige de parler avec tout le monde, avec les pro-palestiniens comme avec les pro-israéliens, donc avec le Hamas, comme avec Netanyahou. Comme ils le font très bien entre eux, de toute façon, au Proche-Orient.

Lucien Cerise

 

Notes

[1] « Attaque du Hamas en Israël : les lourdes accusations du chef de l’opposition à l’encontre de Netanyahou », Le Figaro, 29/10/23.
https://www.lefigaro.fr/internation...

[2] « Israel Knew Hamas’s Attack Plan More Than a Year Ago », The New York Times, 30/11/23.
https://www.nytimes.com/2023/11/30/...

[3] « Hamas militants trained for its deadly attack in plain sight and less than a mile from Israel’s heavily fortified border », CNN, 12/10/23.
https://edition.cnn.com/2023/10/12/...

[4] « Hamas practiced in plain sight, posting video of mock attack weeks before border breach », AP News, 13/10/23.
https://apnews.com/article/israel-p...

[5] « Egypt warned Israel days before Hamas struck, US committee chairman says », BBC, 12/10/23.
https://www.bbc.com/news/world-midd...

[6] « Guerre Israël-Hamas : de douteuses spéculations financières avant l’attaque du 7 octobre », Ouest-France, 05/12/23.
https://www.ouest-france.fr/monde/i...

[7] « Quand Israël favorisait le Hamas, par Charles Enderlin », Le Monde, 03/02/06.
https://www.lemonde.fr/idees/articl...

[8] « Liberman : Netanyahu a "supplié" le Qatar de payer le Hamas », Times of Israel, 23/02/20
https://fr.timesofisrael.com/liberm...

[9] « Pendant des années, Netanyahu a soutenu le Hamas. Aujourd’hui, on en paie le prix », Times of Israel, 08/10/23.
https://fr.timesofisrael.com/pendan...

[10] « במגרש הבינלאומי, במשחק הדה-לגיטימציה - הרשות הפלסטינית היא נטל וחמאס הוא נכס. », KnessetT, 07/10/15.
https://x.com/KnessetT/status/13945...

[11] « Some 700 Syrians treated in Israeli hospitals since early 2013 », Haaretz, 30/01/14.
https://www.haaretz.com/2014-01-30/...

[12] « PM Netanyahu Visits IDF Base Treating Wounded from Syria »
https://www.facebook.com/photo/?fbi...

[13] « Islamist Militants on Israel’s Doorstep : The War Next Door », Vice News, 13.20 à 13.45
https://www.youtube.com/watch?v=Ity...

[14] « Al Qaeda a Lesser Evil ? Syria War Pulls U.S., Israel Apart », The Wall Street Journal, 12/03/15.
https://www.wsj.com/articles/al-qae...

[15] « Israël soigne des djihadistes d’Al-Qaïda blessés en Syrie (Wall Street Journal) », i24 News, 14/03/15.
https://web.archive.org/web/2015032...

[16] « Former Mossad director, Efraim Halevy, defends Israeli medical assistance to Al Nusra Front fighters », Al Jazeera, 31/05/16.
https://network.aljazeera.net/en/pr...

[17] « Sur le Golan, l’étrange arrangement entre l’armée israélienne et les rebelles syriens », L’Opinion, 05/06/16.
https://www.lopinion.fr/secret-defe...

[18] « Le ministre de la défense d’Israël "préfère Daech" à l’Iran », Le Monde, 22/01/16.
https://www.lemonde.fr/proche-orien...

[19] « Comment : The destruction of Islamic State is a strategic mistake », The Jerusalem Post, 03/08/16.
https://www.jpost.com/middle-east/i...

[20] « Pourquoi Israël a armé des rebelles syriens », Le Point, 10/09/18.
https://www.lepoint.fr/monde/pourqu...

[21] « Les moustaarabine, ces agents israéliens qui se font passer pour des Palestiniens », Middle East Eye, 31/01/24.
https://www.middleeasteye.net/fr/ac...

[22] « Le maintien de la domination occidentale l’emporte désormais sur la vie des Palestiniens », Réseau Voltaire, 31/10/23.
https://www.voltairenet.org/article...

[23] « Pour un front anticolonial des peuples colonisés de l’intérieur et de l’extérieur », PIR, 04/07/24.
https://indigenes-republique.fr/pou...

[24] « Pour Jean-Luc Mélenchon, “ceux qui s’appellent Français de souche posent un problème sérieux à la cohésion de la société” », Le JDD, 16/06/24.
https://www.lejdd.fr/politique/pour...

Rationnel et dépassionné

 






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