Egalité et Réconciliation
https://www.egaliteetreconciliation.fr/
 

Semaine de l’apartheid israélien : un manuel du débutant

par Ben White*

Alors que des militants dans le monde entier ont participé à la Semaine de l’apartheid israélien (IAW) (du 8 au 15 mars au Canada) des groupes sionistes de lobbying se sont jetés dans l’action, ramenant toute une mixture de diversions mielleuses, de mensonges, et d’hasbaristes (propagandistes sionistes) entraînés. Voici cinq objections fréquemment avancées contre l’IAW, en désordre.

1 - « Les Arabes en Israël font leurs courses sur les mêmes marchés, se soignent dans les mêmes hôpitaux, s’assoient dans les mêmes parcs, etc. » (que les Israéliens juifs).

Cette allégation est parfois complétée par des photos montrant des Arabes vaquant joyeusement - et sans doute avec reconnaissance - à leurs tâches quotidiennes ou profitant de leurs temps de loisirs dans la Seule Démocratie du Moyen-Orient (enseigne commerciale).

Cependant, Israël en tant qu’espace démocratique, multiculturel, mixte est miné par tout un tas de situations, notamment - et non exclusivement :

- des « comités de sélections » décident qui peut se faire admettre dans les petites communautés, en se fondant sur des critères comme l’ « aptitude sociale » ; c’est une organisation qui opère dans des centaines de villes (l’usage de ces comités en tant qu’outil d’exclusion des Palestiniens pourrait bien être renforcé par une prochaine loi) ; un certain nombre de ces communautés ont été créées en premier lieu dans le cadre d’un projet basé sur la « discrimination ethnique » et la « phobie démographique » ;

- les Palestiniens « résidents permanents » de Jérusalem-Est, bien que vivant dans la prétendue « capitale unifiée » d’Israël, ne peuvent acquérir de biens immobiliers dans la plus grande partie de Jérusalem-Ouest et dans un tiers de Jérusalem-Est annexée illégalement ; ceci parce que pour « avoir le droit d’acheter de l’immobilier sur une terre d’État, l’acheteur doit être citoyen d’Israël » ou « avoir droit, de par la loi israélienne, à la citoyenneté dans le cadre de la loi du Retour (c’est-à-dire être juif) » ;

- les Palestiniens sous l’occupation militaire israélienne sont soumis à un régime strict qui contrôle leur liberté de déplacements, un régime basé sur un système d’ « autorisations » et mis en œuvre grâce aux check-points et à des obstacles physiques sur les routes. Les citoyens israéliens juifs, quant à eux, peuvent vivre dans les colonies à l’intérieur de la Cisjordanie et sont libres d’aller et venir à leur guise ; mais pas leurs voisins palestiniens.

2 - « Les Arabes en Israël jouissent d’un niveau de vie et de libertés civiles dont les Arabes dans le reste du Moyen-Orient ne peuvent que rêver. »

Ce genre d’argument était régulièrement mis en avant par le régime d’apartheid d’Afrique du Sud et ses partisans.

Par exemple, le chroniqueur d’agence états-unien, James Kilpatrick, récemment décédé, écrivait en 1971 que les conditions des Sud-Africains noirs pouvaient sembler « exécrables », mais qu’en réalité, « l’Afrique du Sud avait obtenu pour son peuple non blanc le meilleur des enseignements et le plus élevé des niveaux de vie de tous les Noirs d’Afrique ». (Kilpatrick poursuivait en ajoutant que c’est par « l’encouragement et la bonne compréhension » qu’on permettra « aux Noirs et aux Blancs » de « prospérer », et non par « la force, la fanfaronnade, et le boycott » - ça nous rappelle quelque chose !).

Bien sûr, la juste comparaison se fait entre les Israéliens juifs d’une part, et les citoyens palestiniens d’Israël et ceux sous l’occupation militaire d’autre part. En 2006, le PNB par habitant des Israéliens juifs était deux fois plus élevé que celui des Palestiniens d’Israël, et 15 fois celui des Palestiniens dans les Territoires occupés. Les Israéliens juifs vivent près de quatre ans de plus que leurs concitoyens palestiniens.

Et la liste est longue...

3 - « Et que dites-vous de l’Iran, de la Chine, de la Birmanie, du Soudan, de la Russie, etc. »

Bien que manifestement sans grande valeur, cette tactique est toujours ressassée, de façon lassante.

Bizarrement, dans le contexte du débat sur le désinvestissement à Berkeley, l’université de Californie, en 2010, certains partisans d’Israël avaient mis en garde contre cet argument, car il « signifie qu’Israël a commis des crimes de guerre ». En outre, demandez donc aux partisans d’Israël s’ils accusent les militants tibétains de « cibler » la Chine, ou s’ils demandent à des militants birmans pour la démocratie de s’engager à s’attaquer aux diamants du sang.

Nul ne songerait à poser ce genre de questions, alors pourquoi les Palestiniens et ceux qui leur sont solidaires devraient-ils être traités différemment, simplement parce que c’est Israël ?

4 - « Israël a des députés arabes, des Arabes dans le système judiciaire, des pop stars arabes, etc. »

Une position habilement contrée :

A l’époque où les Noirs américains subissaient les lois Jim Crow et d’autres formes de ségrégation raciale, un certain nombre de Noirs occupaient des postes importants aux États-Unis. Des artistes comme Louis Armstrong et Duke Ellington ont été envoyés en tournées internationales de bienveillance par le Département d’État des États-Unis. Ralph Bunch a servi comme ambassadeur des États-Unis aux Nations-Unies.

Oui, il y a un Bédouin au service des Affaires étrangères d’Israël. Non, cela ne cache en rien la réalité des villages non reconnus, des pertes de terre, des démolitions et des inégalités dans le Néguev.

5 - « Pourquoi ne parlez-vous pas des vrais apartheids ? »

C’est là où ils se lamentent et ragent contre les injustices en Arabie saoudite, au Liban, en Syrie, etc. « Il y a un apartheid sexiste ! un apartheid religieux ! », et ainsi de suite.

En réponse, on peut rappeler comment l’Arabie saoudite, tout comme Israël, est un allié clé des États-Unis, un régime salué comme « modéré » et « responsable » par l’ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert. On peut aussi convenir qu’effectivement les réfugiés palestiniens ont été traités de façon abominable par beaucoup, y compris par des gouvernements arabes, mais que d’abord, il faut se demander pourquoi ce sont des réfugiés.

Enfin, il peut être utile de souligner qu’« apartheid » ne signifie pas simplement oppression ou « mauvaise action » - et vous ne pouvez pas simplement le répéter autant que de fois vous le pouvez dans l’espoir que tout le monde va finir par oublier ce que vous essayez de cacher.

*Ben White est journaliste indépendant, spécialisé sur la Palestine/Israël. Son site : http://www.benwhite.org.uk, et son adresse : ben@benwhite.org.uk

Ben White est l’auteur de L’Apartheid israélien : un manuel du débutant.