L’Alliance internationale de la mémoire de l’Holocauste (IHRA) entend bien imposer au monde en général – et à la France en particulier – sa propre définition de l’antisémitisme. Et, on l’aura deviné, cette définition est plutôt toute personnelle (pour ne pas dire arbitraire) et très extensive (pour ne pas dire despotique).
La définition par l’IHRA peut être lue sur le lien suivant. On notera quelques lignes litigieuses :
le refus du droit à l’autodétermination des Juifs, en affirmant par exemple que l’existence de l’État d’Israël est le fruit d’une entreprise raciste ;
le traitement inégalitaire de l’État d’Israël, à qui l’on demande d’adopter des comportements qui ne sont ni attendus ni exigés de tout autre État démocratique ;
Pourtant de nombreuses organisations, assemblées et villes, dont Paris et Nice, ont adopté cette définition, se pliant les unes après les autres aux injonctions sionistes, évitant ainsi le stigmate de l’infamie. En effet, si les uns sont terrorisés d’être marqués du sceau indélébile de l’antisémitisme dont on ne sort jamais, les autres s’alignent sur la doxa le cœur empli de motivation, d’idéalisme antiraciste et pétri de contrition face à l’horreur des camps et de la barbarie nazie. Face tu perds, pile je gagne, dans tous les cas la définition sioniste de l’antisémitisme progresse.
Mais voilà, tel un caillou dans une chaussure de déporté – ce qui, admettons-le, fait mauvais genre – madame le maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, a validé le rejet de la proposition, à 39 voix contre, 19 pour et 1 abstention ! Stupeur.
Ce score, c’est un peu tuer une deuxième fois les six millions de juifs victimes des camps de la mort. C’est ce qu’ont dit en substance les mandarins du sionisme. Shimon Samuels, un des dirigeants du centre Simon-Wiesenthal, affirme que « rejeter cette définition, c’est revenir à un sombre passé », en citant « l’environnement historique » et évoquant le bien sombre camp de concentration de Natzweiler-Struthof, à une cinquantaine de kilomètres de Strasbourg, en Alsace. Le nazisme rôde encore, le ventre fécond de la bête immonde, etc.
Embrayant sur le même refrain, Michel Rothé, administrateur du site Web Judaïsme d’Alsace et de Lorraine, persiste et signe : « ce refus a été un électrochoc pour les Alsaciens qui vivent en Israël » en rappelant que plusieurs actes et comportements antisémites ont été récemment observés dans la région. Songeant, ému, à « ces faits qui inquiètent » à Strasbourg et dans la région, il rappelle la larme à l’œil tous ces événements pré-génocidaires comme cet artiste graffeur, insulté parce qu’il portait un tee-shirt avec Israël marqué en petit, ce livreur refusant de porter des repas à des juifs, mais aussi les profanations de cimetières et leur cortège d’inscriptions racistes et antisémites...
De son côté, Maurice Dahan, président du Consistoire israélite du Bas-Rhin, s’est inquiété que la majorité ait refusé de mettre « des mots justes et éclairés sur ce fléau qu’est l’antisémitisme et les démons qui l’animent ». Homme généreux, il explique : « Je lui ai tendu la main, mais elle s’enferme dans le dogme ». Pendant ce temps, le grand rabbin Harold Avraham Weill s’attriste : « La maire de Strasbourg a raté une occasion de reprendre le dessus (...) Au sein de la communauté, les gens sont extrêmement choqués ».
Dans une embardée irénique, le sociologue Freddy Raphaël nous explique que « la reconnaissance minimale de ce qu’a été la Shoah renvoie à tous les peuples opprimés ». Surtout lorsqu’on sait que l’antisémitisme n’est pas mort, puisque pour Alain Fontanel, élu LREM, « aujourd’hui l’antisionisme se retrouve dans les cours d’école, dans les prisons » !
Malheureusement, le débat en question a eu lieu le même jour que le vote de la subvention de la mosquée Eyyub-Sultan qui bénéficia d’une petite allocation de 2,5 millions d’euros par la même mairie de Strasbourg. Télescopage des petits avantages entre amis et autres bidouillages électoralistes.
Ce sont donc des élus Europe Écologie – Les Verts et communistes qui auront fait ici un petit travail de résistance, et c’est peut-être encore ça le plus triste de l’histoire. Mais, que l’on se rassure, Madame le maire de Strasbourg a mis fin à la polémique : « Nous sommes tous engagés contre l’antisémitisme ». Ouf !