Du « terrorisme antinucléaire ». Voilà comment Ali Akbar Salehi, le chef de l’organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA), a qualifié le mystérieux incident qui a frappé le complexe atomique de Natanz (centre), l’un des principaux sites nucléaires du pays.
Dimanche matin, l’OIEA a révélé qu’un « accident » d’origine inconnue avait eu lieu « dans une partie du circuit électrique de l’usine d’enrichissement du complexe Chahid Ahmadi-Rochan », provoquant « une panne de courant ». À Téhéran, les autorités iraniennes sont persuadées qu’il s’agit d’une attaque délibérée, qui ne doit rien au hasard. Elle intervient au lendemain de l’annonce en grande pompe par le président iranien Hassan Rohani de la production d’une ligne de 164 centrifugeuses avancées IR-6 à Natanz, au moment où les signataires de l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA) sont réunis à Vienne pour tenter de trouver une issue diplomatique à cet épineux dossier bloqué depuis trois ans.
« Cette attaque semble clairement viser ce qui se passe à Vienne », estime l’analyste politique franco-iranien Kianouch Dorrani. « Les services israéliens tentent de semer des embûches en vue de ralentir le processus de normalisation entre les États-Unis et l’Iran. » Les représentants des deux pays sont actuellement présents en Autriche pour discuter indirectement un retour commun dans le cadre du JCPOA.
En Iran, tous les regards se tournent vers Israël, farouche opposant du programme nucléaire iranien qu’il estime être à visée militaire, ce que dément la République islamique. Téhéran considère déjà l’État hébreu comme étant responsable d’un précédent sabotage qui a visé le complexe de Natanz en juillet 2020. Tel-Aviv est également soupçonné d’être derrière l’assassinat en novembre dernier du scientifique iranien Mohsen Fakhrizadeh, père du programme nucléaire militaire iranien, en banlieue de Téhéran. […] Quant à Israël, il n’a ni confirmé ni infirmé sa responsabilité, comme à l’accoutumée dans de telles circonstances.
Mais d’après le New York Times, celle-ci porterait bien la marque d’Israël. Citant deux responsables – un Israélien et un Américain – du renseignement, le quotidien américain estime que l’explosion a « complètement détruit » le système d’alimentation interne des centrifugeuses d’enrichissement d’uranium, pourtant placées sous terre. Selon le journal new-yorkais, l’attaque aurait infligé un « coup sévère » aux capacités iraniennes d’enrichissement d’uranium et il faudrait « au moins neuf mois » à l’usine de Natanz pour reprendre entièrement sa production d’uranium enrichi. […]
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« Ce semble être un scénario gagnant-gagnant pour Israël », analyse le chercheur Ali Vaez, de l’International Crisis Group. « Si l’Iran ne riposte pas par crainte de faire dérailler le processus diplomatique à Vienne, cette opération permet à Israël d’infliger un revers gratuit et dévastateur pour le programme nucléaire iranien. Mais si l’Iran riposte, ajoute le spécialiste, alors cela pourrait mettre en péril les négociations en Autriche, ce qui est conforme aux objectifs d’Israël. » L’opération de Natanz ne serait que le dernier épisode d’une guerre de l’ombre beaucoup plus vaste et secrète que se livrent actuellement les deux meilleurs ennemis de la région. À couteaux tirés en Syrie, Israël et l’Iran ont étendu ces derniers mois leur rivalité à la mer Rouge, où leurs navires commerciaux mais aussi militaires ont récemment été victimes de curieuses explosions. Elles n’ont pour l’heure pas fait de victime, aucun camp ne souhaitant entrer dans un conflit ouvert et potentiellement dévastateur. « Personne ne l’appelle de ses vœux, précise l’analyste Kianouch Dorrani, mais les deux pays s’enlisent peu à peu dans une confrontation directe. »
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