Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau
Livre II, la mésaventure avec le faux Maure. Un extrait célèbre d’une des oeuvres phares de la littérature française, qu’on ose rarement étudier, mais qui permet d’évoquer l’histoire de la perception de l’homosexualité, l’histoire de l’homophobie, et d’éclairer la personnalité contrariée de Rousseau, à replacer parmi ses contemporains, pas toujours si lumineux que ça sur la question. Une contribution de Lionel Labosse.
Le texte de Rousseau :
« Il n’y a point d’âme si vile et de coeur si barbare qui ne soit susceptible de quelque sorte d’attachement. L’un de ces deux bandits qui se disaient Maures me prit en affection. Il m’accostait volontiers, causait avec moi dans son baragouin franc, me rendait de petits services, me faisait part quelquefois de sa portion à table, et me donnait surtout de fréquents baisers avec une ardeur qui m’était fort incommode. Quelque effroi que j’eusse naturellement de ce visage de pain d’épice, orné d’une longue balafre, et de ce regard allumé qui semblait plutôt furieux que tendre, j’endurais ces baisers en me disant en moi-même : le pauvre homme a conçu pour moi une amitié bien vive ; j’aurais tort de le rebuter. Il passait par degrés à des manières plus libres, et tenait de si singuliers propos, que je croyais quelquefois que la tête lui avait tourné. Un soir, il voulut venir coucher avec moi : je m’y opposai, disant que mon lit était trop petit. Il me pressa d’aller dans le sien : je le refusai encore ; car ce misérable était si malpropre et puait si fort le tabac mâché, qu’il me faisait mal au coeur...[...]
Lire la suite sur eduactive.info