La militante associative et journaliste Rokhaya Diallo a accordé récemment un entretien en anglais à la chaîne du Qatar Al Jazeera où elle s’exprime notamment sur l’affaire Théo, les élections présidentielles françaises et l’identité raciale de la France. Rappelons que Rokhaya Diallo a bénéficié du programme « Young leaders » de la French-American Foundation tout comme François Hollande, Emmanuel Macron, Alain Juppé et de nombreuses autres personnalités politiques et du monde de la finance.
Voici la traduction de quelques extraits de l’entretien ainsi qu’une vidéo où Rokhaya Diallo s’était rendue à la Main d’Or et avait interrogé Alain Soral et Dieudonné :
Al Jazeera : Peu après les résultats de l’élection, vous avez tweeté qu’il n’y avait pas de quoi se réjouir. Qu’entendiez-vous par là ?
Rohkaya Diallo : Marine Le Pen a obtenu 10,6 millions de votes. En 2002, son père, Jean-Marie Le Pen, qui avait également atteint le second tour, avait obtenu 5,5 millions de voix. Elle a réussi à faire accepter le Front national et à l’installer dans le paysage politique français. Elle a effectivement perdu et nous avons évité la pire option. Mais je crains la manière avec laquelle ses idées vont se répandre dans les autres partis. Les partis politiques ont adopté des idées d’extrême droite depuis des décennies pour apaiser de tels électeurs.
Lors de sa campagne, Le Pen a dénoncé l’immigration comme une menace et s’est mobilisée contre l’Union européenne. Elle a gagné plus de 30 pour cent des voix. Qu’est-ce que cela signifie pour la France et quel est le plus grand défi qui attend Macron ?
Il doit rassembler les gens car nous faisons face à une division profonde. Pour que les gens d’un pays soient disposés à partager un même destin, ils ne doivent pas avoir l’impression qu’une partie de la population en menace une autre. Nous devons reformuler la manière avec laquelle nous nous considérons comme des Français. Ce n’est plus un pays blanc chrétien et c’est quelque chose dont nous devons avoir conscience. Il faut que le récit change.
Parmi les immigrés qui sont devenus citoyens il y a plusieurs décennies ou bien chez les citoyens nés en France dont les parents et les grands-parents ont des racines dans d’autres pays, il semble que ce soit difficile d’être universellement reconnus en tant que Français. Pourquoi est-ce le cas ?
Le pays se voit comme un pays blanc.Tout ce qui est produit et identifié comme français dans les films ou à la télévision est blanc. Je prends part à de nombreux débats télévisés et je suis toujours la seule qui fait partie d’une minorité et, la plupart du temps, la seule femme. Il n’y a jamais une autre minorité pour prendre une place sur le plateau et discuter des problématiques françaises. Il n’y a pas de volonté politique ou de volonté de la part des médias de modifier cette image.
Est-ce que les minorités sont sous-représentées dans les médias ?
Oui, elles le sont. La presse est si blanche dans tous les grands journaux. Mais Libération a fait un effort pour embaucher de nouveaux journalistes issus de la diversité et il y a de nouvelles voix qui émergent grâce aux médias sociaux. Et le Bondy Blog est, par exemple, très bon.
Si Macron était assis en face de vous que lui conseilleriez-vous de faire à propos de la violence policière ?
Je lui dirais d’aborder le problème du racisme institutionnel en ajoutant que l’État fait partie du problème. Il a vraiment besoin de rencontrer les gens qui sont impliqués dans ces problèmes et d’adopter des politiques qui y mettraient fin. Il y a une partie de la population qui ne se sent pas française parce qu’elle est maltraitée et qu’elle n’est pas respectée. Nous avons des familles qui ont perdu des parents, des frères, des enfants, à cause de la violence policière. Il est extrêmement urgent de résoudre ce problème. C’est l’une des raisons pour lesquelles les gens des banlieues ne votent pas.