L’appel d’offres indien appelé MMRCA (Medium Multi-Role Combat Aircraft) s’est conclu, en janvier 2012, par la victoire de l’avion de combat français Rafale aux dépens de l’Eurofighter Typhoon. Depuis, des négociations exclusives ont été engagées entre New Delhi et Dassault Aviation, afin de régler les modalités de cette commande portant sur 126 appareils destinés à remplacer les MiG-21 de l’Indian Air Force (IAF).
Seulement, le contrat tarde à être signé. En soi, ce n’est guère surprenant dans la mesure où les discussions sont très compliquées étant donné qu’il faut établir le montage industriel permettant l’assemblage de 108 avions en Inde, se mettre d’accord sur les transferts de technologie. Et puis elles se déroulent alors que l’économie du pays traverse une mauvaise passe, au point que New Delhi pourrait restreindre ses dépenses militaires. Pour autant, du côté de Dassault Aviation, l’on se dit confiant pour la suite. Et l’épilogue pourrait avoir lieu avant la tenue des prochaines élections générales indiennes.
Sauf que ce n’est pas l’avis de Victor M. Komardin, le responsable de Rosoboronexport, l’agence chargée de l’exportation des équipements militaires russes. Ainsi, selon le quotidien The Hindu, ce dernier a estimé, le 24 septembre, à l’occasion du salon Namexpo (Naval et Maritime Expo), que la signature du contrat MMRCA était peu probable à court terme. "Même pas un doigt ne bougera (pour signer l’accord) jusqu’à la fin des élections générales (indienne)", a-t-il affirmé.
Mais M. Komardin ne s’est pas contenté de livrer un pronostic sur les chances de Dassault Aviation de conclure rapidement le contrat MMRCA. Ainsi, il a expliqué que les forces aériennes indiennes n’ont pas besoin du Rafale étant donné que "l’avion de combat de 5e génération développé conjointement par l’Inde et la Russie serait prêt dans les 5 prochaines années", ce qui "éviterait le besoin d’un avion moins capable de quatrième génération". L’on ne pas être plus clair…
L’appareil auquel le responsable de Rosoboronexport fait référence est le T-50 ou PAK FA, qui, désigné par l’acronyme FGFA (Fifth Generation Fighter Aircraft) en Inde, est développé par Sukhoï, en collaboration, depuisn 2008, avec le constructeur indien HAL (Hindustan Aeronautics Limited). Les plans initiaux de New Delhi étaient d’en acquérir 214 exemplaires en version biplace. Depuis, ce nombre a été ramené à 144.
Plus tôt, un article diffusé sur le site Internet de l’édition indienne de la "Russie d’aujoud’hui", une publication éditée par la Russian daily Rossiyskaya Gazeta, un journal officiel russe qui fournit des suppléments à de nombreux quotidiens occidentaux, dont le New York Times et le Figaro (propriété du groupe Dassault, ndlr), a descendu en flamme le projet de New Delhi d’acquérir 126 Rafale, avec une argumentation simple qui peut faire mouche dans une campagne électorale menée sur fond de difficultés économiques.
Etant donné que l’Indian Air Force peut compter sur des MiG-29 portés au standard SMT, c’est à dire dotés de capacités de frappe au sol, avec en plus un radar à antenne active, ainsi que sur des Mirage 2000 modernisés, elle n’aurait pas besoin du Rafale, et donc de dépenser 12 milliards de dollars. Et cela d’autant plus qu’elle disposera de 272 SU-30 d’ici 2018 et du T-50.
"L’acquisition du Rafale à un coût prohibitif est une extravagance que l’Inde ne peut pas se permettre à un moment où sa croissance économique a atteint un embarrassant 5% et que la roupie est en chute libre", fait valoir l’article en question.
Cependant, il n’est pas certain que ce réquisitoire contre le contrat MMRCA soit de nature à convaincre les responsables indiens actuellement en place. Et plusieurs éléments plaident en faveur du Rafale, dont le premier exemplaire de série doté d’un radar à antenne active vient d’être livré à la Direction générale de l’armement (DGA).
"En Inde, le besoin de rénovation de sa flotte de combat est réel. Après une compétition dure entre six candidats, un choix a été opéré, sur le plan opérationnel tout d’abord, budgétaire ensuite : le Rafale a été déclaré gagnant", expliquait récemment Eric Trappier, le Pdg de Dassault Aviation, aux députés de la commission Défense. Qui plus est, New Delhi entend profiter des transferts de technologies prévus dans le contrat MMRCA pour développer son industrie aéronautique.
En outre, l’Inde, pays client de longue date du constructeur français, a toujours cherché à diversifier autant que possible ses sources d’approvisionnement en matière militaire. Et cela même si la Russie se taille la part du lion dans les dépenses d’équipements indiennes. Cette approche est d’autant plus pertinente que Moscou entretient des relations étroites avec Pékin. Que pourrait être l’attitude de la Russie en cas de conflit entre l’Inde et la Chine, par ailleurs alliée du Pakistan ? D’ailleurs, les responsables chinois n’ont pas manqué de critiquer le choix de l’avion français…