Ils s’appellent Facebook, MySpace, LinkedIn, Viadeo, OpenSocial ou encore Orkut et ils ont le vent en poupe. Les utilisateurs se précipitent en nombre vers ces sites qui permettent de nouer des contacts, organiser des évènements, converser avec ses amis, ses collègues ou encore trouver du travail. MySpace, le leader, compte plus de 100 millions d’utilisateurs, et Facebook, son challenger en dénombre plus de 50 millions, alors qu’il n’est ouvert au grand public que depuis début septembre 2006. Ils sont aujourd’hui les sites les plus visités au monde. Et tout cela est arrivé en moins de deux ans. Suscitant toutes les convoitises, notamment des publicitaires. Et ouvrant la voie à bien des controverses.
Facebook, le trublion du web, est emblématique de cette tendance de fond : utiliser le web pour organiser notre vie sociale. Dirigé par un jeune homme de 23 ans, le site est né dans les dortoirs d’Harvard. D’abord simple trombinoscope en ligne pour étudiants de grandes universités américaines, le site a su s’imposer comme le moteur Internet de nos relations sociales. Impossible aujourd’hui dans la Silicon Valley d’organiser une sortie sans passer par Facebook. Dans une région qui a fait du « networking » une seconde nature, Facebook a su se rendre indispensable. Et a ouvert la porte à une bataille féroce entre les grands acteurs du web d’aujourd’hui, toujours en quête de plus de trafic sur leurs sites. Trafic qu’ils tentent de monétiser avec de la publicité. Bataille dans laquelle on retrouve d’un côté Google, qui vient de lancer sa plate-forme OpenSocial, sur laquelle il a invité les principaux concurrents de Facebook. Totalisant d’ores et déjà une audience potentielle de plus de 200 millions d’utilisateurs. Et de l’autre Microsoft, qui vient de prendre une participation minoritaire dans Facebook, valorisant au passage la société à 15 milliards de dollars. Il y a un an à peine, Mark Zuckerberg, le fondateur du site, avait décliné l’offre de rachat par Yahoo ! pour un milliard de dollars.
Mais qui a-t-il donc qui vaut de l’or dans ces sites dont le contenu est entièrement généré par les utilisateurs ? Nos données les plus personnelles. En effet, la première étape que l’utilisateur doit franchir pour utiliser ces sites consiste à se créer un profil, souvent très renseigné. Age, sexe, intérêts, diplômes, emploi, localisation, opinion politique, statut matrimonial et photos sont les bases de ce profil, véritable identité numérique que nous donnons à voir à tous. Et plus nous renseignons ce profil, plus nous avons de chances de susciter de l’intérêt. Il y a donc une forte incitation à donner ces informations. Cela a une valeur inestimable pour proposer de la publicité ciblée. Plus encore, le réseau social digital que nous constituons en utilisant ces sites nous transforme en propagateurs de publicité ciblée. Une marque de voitures de sport intéressée par le réseau d’un jeune cadre supérieur urbain célibataire et amateur d’automobiles a toutes les chances de trouver sur Facebook les groupes qu’elle va vouloir atteindre. Et le marketing viral, ce fameux bouche à oreille numérique, fonctionne d’autant mieux que ces groupes sont très ciblés et actifs. C’est le grand principe de la réunion Tupperware, dans lequel des mères de famille réunissent leurs amies pour leur vanter les mérites des boîtes de rangement moyennant une commission sur les ventes, réinventé et démultiplié sur l’Internet.
Dès lors, exploiter ces données est évidemment très tentant. C’est même le modèle économique de ces sites. Facebook, en annonçant il y a un mois le lancement de sa plate-forme publicitaire, a brisé le tabou. Le site propose aux annonceurs l’ensemble des outils nécessaires pour utiliser les données des utilisateurs du site et leur proposer de la publicité ultra ciblée. Cela a provoqué la colère de nombreux utilisateurs, dont certains ont même appelé au boycott du site. Mais pour aller où ? Facebook, en se rendant indispensable, a pris au piège tous ceux qui l’utilisent et ne peuvent plus s’en passer.
La question de l’exploitation des données personnelles est une des plus délicates à régler sur l’internet. Il est très difficile à réguler, tant il est ouvert et international. Nos vies digitales, ainsi instrumentalisées et monnayées sont-elles préservées ? Comment éviter les abus ? Est-ce acceptable, et sommes-nous conscients des dangers qui nous menacent ? Ce que nous retirons de ces sites est-il suffisamment précieux pour que nous acceptions ce risque ? Quelques voix s’élèvent dans la Silicon Valley, notamment pour proposer une charte des droits sur les réseaux sociaux. Soutenue par des acteurs influents, comme les blogueurs Robert Scoble et Michael Arrington, elle vise à rendre acceptable, et contrôlé par les utilisateurs eux-mêmes, la diffusion de nos données. Est-ce que ce sera suffisant pour résister à la tentation ? Car, potentiellement, il y a beaucoup d’argent en jeu. Il va falloir être vigilant.
Tribune libre de Dominique Piotet, président de l’Atelier BNP Paribas à San Francisco.
Source : http://www.lexpansion.com
Facebook, le trublion du web, est emblématique de cette tendance de fond : utiliser le web pour organiser notre vie sociale. Dirigé par un jeune homme de 23 ans, le site est né dans les dortoirs d’Harvard. D’abord simple trombinoscope en ligne pour étudiants de grandes universités américaines, le site a su s’imposer comme le moteur Internet de nos relations sociales. Impossible aujourd’hui dans la Silicon Valley d’organiser une sortie sans passer par Facebook. Dans une région qui a fait du « networking » une seconde nature, Facebook a su se rendre indispensable. Et a ouvert la porte à une bataille féroce entre les grands acteurs du web d’aujourd’hui, toujours en quête de plus de trafic sur leurs sites. Trafic qu’ils tentent de monétiser avec de la publicité. Bataille dans laquelle on retrouve d’un côté Google, qui vient de lancer sa plate-forme OpenSocial, sur laquelle il a invité les principaux concurrents de Facebook. Totalisant d’ores et déjà une audience potentielle de plus de 200 millions d’utilisateurs. Et de l’autre Microsoft, qui vient de prendre une participation minoritaire dans Facebook, valorisant au passage la société à 15 milliards de dollars. Il y a un an à peine, Mark Zuckerberg, le fondateur du site, avait décliné l’offre de rachat par Yahoo ! pour un milliard de dollars.
Mais qui a-t-il donc qui vaut de l’or dans ces sites dont le contenu est entièrement généré par les utilisateurs ? Nos données les plus personnelles. En effet, la première étape que l’utilisateur doit franchir pour utiliser ces sites consiste à se créer un profil, souvent très renseigné. Age, sexe, intérêts, diplômes, emploi, localisation, opinion politique, statut matrimonial et photos sont les bases de ce profil, véritable identité numérique que nous donnons à voir à tous. Et plus nous renseignons ce profil, plus nous avons de chances de susciter de l’intérêt. Il y a donc une forte incitation à donner ces informations. Cela a une valeur inestimable pour proposer de la publicité ciblée. Plus encore, le réseau social digital que nous constituons en utilisant ces sites nous transforme en propagateurs de publicité ciblée. Une marque de voitures de sport intéressée par le réseau d’un jeune cadre supérieur urbain célibataire et amateur d’automobiles a toutes les chances de trouver sur Facebook les groupes qu’elle va vouloir atteindre. Et le marketing viral, ce fameux bouche à oreille numérique, fonctionne d’autant mieux que ces groupes sont très ciblés et actifs. C’est le grand principe de la réunion Tupperware, dans lequel des mères de famille réunissent leurs amies pour leur vanter les mérites des boîtes de rangement moyennant une commission sur les ventes, réinventé et démultiplié sur l’Internet.
Dès lors, exploiter ces données est évidemment très tentant. C’est même le modèle économique de ces sites. Facebook, en annonçant il y a un mois le lancement de sa plate-forme publicitaire, a brisé le tabou. Le site propose aux annonceurs l’ensemble des outils nécessaires pour utiliser les données des utilisateurs du site et leur proposer de la publicité ultra ciblée. Cela a provoqué la colère de nombreux utilisateurs, dont certains ont même appelé au boycott du site. Mais pour aller où ? Facebook, en se rendant indispensable, a pris au piège tous ceux qui l’utilisent et ne peuvent plus s’en passer.
La question de l’exploitation des données personnelles est une des plus délicates à régler sur l’internet. Il est très difficile à réguler, tant il est ouvert et international. Nos vies digitales, ainsi instrumentalisées et monnayées sont-elles préservées ? Comment éviter les abus ? Est-ce acceptable, et sommes-nous conscients des dangers qui nous menacent ? Ce que nous retirons de ces sites est-il suffisamment précieux pour que nous acceptions ce risque ? Quelques voix s’élèvent dans la Silicon Valley, notamment pour proposer une charte des droits sur les réseaux sociaux. Soutenue par des acteurs influents, comme les blogueurs Robert Scoble et Michael Arrington, elle vise à rendre acceptable, et contrôlé par les utilisateurs eux-mêmes, la diffusion de nos données. Est-ce que ce sera suffisant pour résister à la tentation ? Car, potentiellement, il y a beaucoup d’argent en jeu. Il va falloir être vigilant.
Tribune libre de Dominique Piotet, président de l’Atelier BNP Paribas à San Francisco.
Source : http://www.lexpansion.com