Le ton est donné : dès sa première question, le journaliste de BFM Business du 3 mars 2021 montre pour qui il travaille. En face, invités ou pas à discuter de la réforme à la télé, les représentants syndicaux ne pèsent plus rien. Le bulldozer néolibéral avance, car les Français ont voté à 66 % (en théorie) pour lui. Mais c’est maintenant que l’addition leur est présentée. Et elle sera salée.
« Pour mémoire, le montant des indemnités chômage est déterminé à partir du salaire journalier de référence (SJR). Actuellement, ce dernier n’est calculé qu’à partir des seuls jours travaillés par le demandeur d’emploi.
Mais dans sa réforme, le ministère du Travail prévoit que le SJR soit calculé à partir du revenu mensuel moyen perçu par le demandeur d’emploi sur une période de 24 mois (voire 36 pour les plus de 53 ans). Ce mode de calcul sera donc moins favorable aux demandeurs d’emploi, puisque les périodes d’inactivité seront également prises en compte dans le calcul de l’indemnisation. Ce qui baissera fortement le SJR, et donc le montant des allocations chômage. Cette mesure pénalisera notamment les “permittents”, ces travailleurs précaires qui alternent des contrats courts avec des périodes de chômage. » (Capital)
Or, justement, le néolibéralisme, ou la crise, ou la répression économico-sociale due à la pandémie (à vérifier) du Covid, c’est ce qui crée du travailleur précaire. Le Système précarise les travailleurs, et ceux qui ne trouvent plus leur place dans ce Système sont mis hors d’état de nuire de manière progressive. Libre à eux ensuite de se reconvertir avec la formation à la française, qui est un des gros problèmes de notre pays. Ou de prendre un travail uberisé, comme le décrit Europe 1.
La liberté de l’indépendant, c’est le leurre qui est vendu à tous les chômeurs qui sont envoyés dans l’enclos des autoentrepreneurs pour faire baisser les vrais chiffres du chômage qui est, rappelons-le, la condition sine qua non du profit en pays occidental avancé.
Le secrétaire général de Force ouvrière, Yves Veyrier, a donc été invité à défendre la cause des salariés (et des travailleurs en général, mais les syndicats sont surtout intéressés par les salariés) devant le couple de serviteurs du Système habillés en journalistes.
« C’est pas le Système qui est en cause, c’est la politique économique »
Une baisse des allocations qui va concerner 800 000 demandeurs d’emploi
Veyrier a beau parler des « six millions de demandeurs d’emploi en catégorie A, B et C », le syndicalisme ne pèse plus assez lourd en France pour bloquer la roue du « progrès », ce capitalisme financier qui supplante le capitalisme de production. On a moins besoin de producteurs, et de toute façon ils sont moins chers ailleurs.
Le Grand Reset, puisque nous y sommes, ou au moins un pied, comme dans la tombe, c’est la précarisation du plus grand nombre avec l’incitation à l’individualisme – la « liberté » – , ce qui équivaut à décourager la formation de collectifs de résistance.
On écoute la collabo de service, qui vient au secours du gouvernement :
« Le gouvernement dit pourtant avoir pris en considération cette, cette crise sanitaire, pour mettre en place cette, cette réforme... »
La réponse de Veyrier montre qu’il croit encore au sens de la justice du politique en place :
« Cette réforme elle est à la fois à contresens et injuste, parce que elle va affecter les plus précaires, ceux qui enchaînent les petits boulots et qui auront du mal justement à garantir une allocation qui permette de boucler à peu près les fins de mois. Je dis bien à peu près parce qu’on est souvent sur des niveaux d’allocations pour les plus précaires qui sont inférieurs à mille euros. Donc perdre cent à deux cent euros selon les situations, voire plus, dans ces conditions, on se rend compte de la difficulté et de l’effet nocif de cette réforme. »
Non, ces baisses d’indemnisations que le MEDEF réclame depuis toujours ne sont nullement des dommages collatéraux de la réforme, mais bien leur objectif. Nous sommes dans une situation à la britannique, avec un retour 40 ans en arrière, dans les sombres années Thatcher. La France a mieux résisté que sa voisine à la poussée néolibérale mais aujourd’hui, le mur de la protection sociale est en train de céder. Et tout va venir avec.
Pour aller plus loin, une vidéo de 72 minutes sur l’évolution du contrat de travail. Le sommaire de la vidéo figure sur le lien YouTube.
Dans le domaine du Travail (code, droit et contrat), un rapport récent a montré tout le vice de nos dirigeants, qui cherchent à imposer un nouveau modèle social, ou asocial. Il s’agit du rapport Frouin, dont le constat a été détourné par ceux qui l’ont commandé. Nous en parlons aujourd’hui succinctement mais il sera développé dans un article mêlant le droit et l’économie ultérieurement, car il symbolise la croisée des chemins.
Le magazine Cash Investigation, en revenant sur la grève des livreurs Deliveroo d’octobre 2018, annonce la couleur du futur de beaucoup de travailleurs, ou plutôt de précaires. C’est à cette sauce qu’ils seront mangés par le Système. Et recrachés, s’ils n’obéissent pas à ces nouvelles règles qui sont loin, très loin du droit du travail.
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