Comme attendu, les Kurdes d’Irak ont voté lundi sur leur indépendance à l’occasion d’un référendum qui risque d’accroître les tensions avec Bagdad. Le taux de participation qui a dépassé les 80% aura permis de dégager une majorité écrasante en faveur de l’indépendance, à 90% des votes exprimés. Le vote s’est tenu dans la région autonome du Kurdistan, dans le nord de l’Irak, qui comprend les provinces d’Erbil, Souleimaniyeh et Dohouk, mais aussi dans des zones que se disputent les Kurdes et le gouvernement central de Bagdad. Au total, quelque 5,3 millions d’inscrits devaient se prononcer.
Si l’Iran a été le premier voisin à se lancer dans une démonstration de force à la frontière avec l’Irak, les armées irakienne et turque ont aussi inauguré des manœuvres conjointes. Plus, l’armée de l’air turque a même bombardé des positions kurdes dans le Nord de l’Irak. Damas de son côté réaffirmé son attachement à l’unité de l’Irak. Devant une telle levée de bouclier, le président de la région autonome du Kurdistan, Massoud Barzani, a prévenu qu’il n’entraînerait pas aussitôt une annonce de l’indépendance mais plutôt le début de « discussions sérieuses avec Bagdad ». Mais il faut dire que cela n’a fait qu’échauder davantage les responsables politiques qui, depuis Bagdad, jugent le verdict des urnes nul et non avenu. Excipant des développements incontrôlables, le Parlement irakien a déjà exigé l’envoi des troupes dans certaines zones disputées de la région. Les zones disputées sont situées en dehors des trois provinces du nord de l’Irak qui font partie initialement de la région autonome du Kurdistan. Il s’agit de la riche province pétrolière de Kirkouk, et des secteurs de celle de Ninive – dans le nord du pays –, de Dyala et de Salaheddine – au nord de Bagdad.
Plus tôt dans la journée, Haïdar al-Abadi avait clairement fait savoir qu’il prendrait « les mesures nécessaires » pour préserver l’unité du pays. Les autorités centrales ont déjà mis en place ces derniers jours une série de sanctions pour tenter de garder le contrôle de la situation, avec Téhéran et Ankara comme alliées. Les deux puissances voisines redoutent, elles aussi, les répercussions qu’aurait une sécession du Kurdistan irakien sur leurs propres régions kurdes et ont menacé de représailles.
Dimanche, Téhéran a annoncé qu’il interdisait jusqu’à nouvel ordre tous les vols entre l’Iran et les aéroports d’Erbil et de Souleiymanieh, au Kurdistan irakien, ainsi que tous les vols au départ de cette région transitant par l’espace aérien iranien.
« L’Iran est attaché à l’intégrité territoriale, la souveraineté nationale et l’évolution démocratique de l’Irak et toute action contraire à ces principes (…) pourrait nuire à tous, en particulier aux Kurdes », a déclaré Bahram Ghassemi, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. Ce dernier avait également fait savoir que les frontières terrestres avec le Kurdistan avaient été fermées. Une information que Téhéran a ensuite démentie.
« Le référendum qui se tient aujourd’hui (…) est nul et non avenu. Nous ne reconnaissons pas cette initiative », a déclaré pour sa part dans un communiqué lundi le ministère turc des Affaires étrangères. Le président turc Recep Tayyip Erdogan qui n’hésite pas à affubler Barazani du titre de « traître » a ensuite annoncé que des « mesures » allaient être prises « cette semaine » contre la région autonome. L’exportation du pétrole du Kurdistan irakien cessera une fois que la Turquie aura « fermé les vannes », a-t-il prévenu.