Ceux qui, hier, étaient les chantres des révolutions culturelles et politiques à l’origine des grandes catastrophes économiques, sociétales, et même civilisationnelles, sont aujourd’hui ceux-là même qui prétendent être les porte-paroles de la France éternelle. Devant des téléspectateurs bovinisés, ces Janus contemporains ne peuvent que mieux descendre leur pente naturelle, celle de l’outrecuidance et du mensonge.
Depuis Mai 68, ces innombrables imposteurs de la pensée occupent le devant de la scène médiatico-intellectuelle avec une chutzpah phénoménale par laquelle ils passent d’un camps à l’autre, d’une famille idéologique à une autre.
Qui sont ces portes paroles autoproclamés du peuple de gauche et de celui de droite ?
Je commencerai par un exemple plus qu’évocateur, celui de Benny Lévy (1945-2003). Voilà un personnage tout à fait archétypale de ces têtes pensantes du marxo-bolchévisme qui sont passées du matérialisme historique au fanatisme archaïque ; mais il n’y a, en vérité, entre les deux, qu’un pas.
Benny commence, en tant qu’élève de Louis Althusser, par mettre en fiche les œuvres complètes de Lénine, s’engage dans l’Union des étudiants communistes, puis en 1966 dans l’Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes. Après Mai 68, il cofonde et dirige la Gauche prolétarienne, une organisation maoïste.
En 1978, Benny le rouge, est en passe de basculer en découvrant la philosophie d’Emmanuel Levinas (1906-1995) qui fit une synthèse entre judaïsme et philosophie occidentale moderne ; Levinas qui influença plusieurs des portes paroles de l’extrême gauche dont Bernard-Henry Lévy et Alain Finkielkraut (avant son spectaculaire et suspect virage à droite), et qui les mènera du maoïsme au talmudisme.
Il devint, avant son retour au judaïsme, le secrétaire de Jean-Paul Sartre, de 1973 à 1980, avec qui il participa à la fondation du journal Libération. Selon plusieurs « éminentes » figures du monde intellectuel français, Benny Lévy profita de la vieillesse et de la faiblesse physique de Sartre (aveugle à l’époque) pour lui imposer les vues juives tirées des enseignements levinassiens.
Olivier Todd déclara que Benny Lévy fit du « détournement de vieillard » [1] ; Simone de Beauvoir quant à elle, l’accusa d’avoir contraint Sartre à faire des déclarations démentes [2]. Le biographe de Sartre, John Gerras, assez remonté contre le néo-talmudiste, alla jusqu’à parler de « manipulation diabolique de Benny Lévy, un petit chef de guerre fanatique, dit-il, un juif égyptien devenu rabbin et talmudiste » [3].
Lors d’un voyage en Israël en compagnie de Sartre, Benny Lévy fait le grand schelem : il passe sa Bar Mitzvah, apprend l’hébreu, commence l’étude du Talmud, il se rend à Strasbourg pour étudier la Torah à la Yeshiva (école rabbinique) auprès du rabbin Eliyahou Abitbol et se rapproche du kabbaliste Charles Mopsik.
Benny Lévy explique ainsi son parcours apparemment erratique : « "De Mao à Moïse", s’exclame-t-on à mon sujet, oubliant que pour être exact, il faut dire de Moïse à Mao, de Mao à Moïse, c’est-à-dire de Moïse à Moïse en passant par Mao. Le destin ordinaire du Juif – le miracle – tient dans la révélation de cette immobilité, en dépit de tous les mouvements du Siècle ». [4]
Rien d’étonnant à voir ces athées marxo-trotskistes passer au messianisme religieux lorsque l’on sait que ces mouvements révolutionnaires des XIXe et XXe siècles trouvent leurs sources dans le messianisme kabbalistique [5].
Après s’être installé en Israël, en 1997, il fonde en 2000 avec ses amis gaucho-messianistes néo-religieux Alain Finkielkraut (athée mais fanatiquement judéo-sioniste) et Bernard-Henri Lévy, l’Institut d’études lévinassiennes.
L’on peut au moins reconnaître à Benny Lévy une relative honnêteté du fait qu’il ait assumé son parcours, affiché le retour à ses origines et quitté la France pour une terre qu’il croit lui être promise. Ce qui n’est pas le cas de tous ceux qui ont pris leurs quartiers dans les grands journaux et autres plateaux télés.
Prenons, au hasard, Éric Zemmour, le grand représentant de la France éternelle… lui qui arriverait presque à nous faire oublier que sa famille, n’acquit la nationalité française, comme tous les autres Israélites vivant en Algérie, que par le fameux décret Crémieux de 1870. Un décret émis par le ministre de la Justice de l’époque, Isaac-Jacob Adolphe Crémieux, qui fut accessoirement un haut dignitaire de la Franc-Maçonnerie et le Président de l’Alliance israélite universel.
Monsieur Zemmour est très peu loquace sur ce sujet. Il est aussi très discret sur son appartenance communautaire, lui qui donne sans cesse des leçons d’assimilation. Parlons un peu de la sienne…
Zemmour confond assimilation et dissimulation, lorsqu’il déclare « c’est comme moi, je m’appelle Éric, Justin, Léon. Mais, à la synagogue, je m’appelle Moïse ». [6]. Se trahissant, il avoue sa double identité, celle qu’il présente au téléspectateur goy et celle qu’il dissimule ; car, notre ami Zemmour, ne se rend pas à la synagogue motivé par sa foi, non, Monsieur est athée…
C’est donc bien par pure appartenance tribale, voire raciale, que ce « Moïse » clandestin se rend à la « syna » ; et pour preuve, la journaliste Anna Cabana rapporte : « Il a deux vaisselles séparées, une pour la viande, l’autre pour le lait, car dans la Torah il est dit : "Tu ne mangeras pas l’agneau dans le lait de sa mère" ». « Jean-François Copé n’en revenait pas, lorsque Zemmour lui a raconté les deux vaisselles. Dehors, notre homme mange de tout. Sauf du porc. "Je n’aime pas". Ah ? Même le Bellota ? "Je pense que j’ai sublimé l’interdit par le goût". Il ne croit pas en Dieu, mais il fait quand même la prière à la synagogue. Et les fêtes religieuses. Et les bar-mitsva des garçons. On aperçoit une chaîne en or jaune sous sa chemise, on lui demande ce qui y pend, il sort un petit Sefer Torah, les rouleaux du texte saint ». [7]
Éric Zemmour ne vient pas, comme Alain Finkielkraut, de l’extrême gauche la plus radicale. Lui était socialiste, eh oui, la gauche caviar ; mais ce qui est plus curieux encore c’est ce qui l’a motivé à opérer son virage à droite… Il raconte : « Je me croyais de gauche. J’ai voté Mitterand en 1981 et en 1988. Et puis, j’ai rompu avec la gauche depuis l’histoire du voile islamique au collège de Creil » [8]. Voilà donc un homme plein de convictions ! Demain, peut-être dira-t-il qu’il se croyait Français…
On notera ici, comme pour ce qui est du cas Finkielkraut et de bien d’autres, que Zemmour n’est français qu’en tant qu’il « déteste » les musulmans et/ou les enfants d’immigrés, dont il est par ailleurs !
Il n’aime, lui non plus, la France, qu’à condition qu’elle se voit déchirée par la guerre ethno-confessionnelle, causée par ces innombrables chevaux de Troie [9].