Depuis qu’elle a reçu les trois doses du vaccin Gardasil, cette jeune fille souffre de troubles de l’équilibre, vomissements... Pour sa famille, le vaccin en serait la cause. Les spécialistes démentent.
Laëtitia, dans les logements de la gendarmerie de Digne où elle réside avec ses parents, rêve du Dr House. D’un médecin qui ne rabroue pas et qui pose enfin LE diagnostic sur les mystérieux troubles dont elle souffre depuis quatre ans.
Précisément après les trois injections, en 2008, du vaccin Gardasil, destiné à prévenir le cancer du col de l’utérus. C’est sa mère, Rachel Celli, qui a insisté pour qu’elle soit vaccinée, après avoir elle-même subi l’ablation de l’utérus en 2001.
"Ma fille avait 16 ans, elle était dans la ’cible’ potentielle des papillomavirus contre lesquels ce vaccin est sensé lutter, précise Rachel. Dans la famille, nous sommes pro vaccins, j’ai voulu la protéger. À la première injection, elle a eu de la fièvre mais cela allait encore. À la deuxième, la fièvre est montée à 40º, elle a été prise de vertiges, de violents maux de tête. En juin 2008, avant la troisième injection, ma fille n’allait pas bien du tout. Le médecin qui devait faire l’injection a contacté l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) pour s’assurer que sa santé n’était pas en danger. On lui a assuré qu’il pouvait la faire."
La chronologie n’est sans doute pas la reine des preuves pour les scientifiques mais, à partir de cet été 2008 et de la dose "NH13360", Laëtitia est passée du "côté obscur". Elle nous reçoit avec sa maman à l’ombre protectrice de sa maison.
"J’ai eu des migraines épouvantables qu’on ne soigne efficacement qu’aujourd’hui, je ne supporte plus le bruit et la lumière. Et encore moins la chaleur. J’ai des troubles de l’équilibre, je vomis au moindre effort. Sans parler des impressions de ’déjà vu’." Plus grave, elle a dû subir l’ablation d’un kyste de 6,5cm sur un ovaire. Et un délicat examen de l’intestin grêle pour savoir d’où venait sa pathologie.
Son parcours universitaire, au gré de ses hospitalisations, s’est fracassé en vol : après le bac, elle a raté deux fois sa première année de médecine à Marseille et sa dernière demande de dérogation a été refusée par l’université. "Votre état de santé ne le justifie pas", lui a-t-on répondu. À 20 ans, sa vie sociale est proche du zéro absolu.
"Difficile d’aller en boîte ou au soleil avec des amis dans cet état-là", se désole-t-elle en écartant sa frange brune. "J’essaye de la faire sortir, de l’emmener une demi-heure avec moi faire les magasins", reprend Rachel. Plus que complices de shopping, elles sont devenues enquêtrices sur internet en plus d’un parcours médical aux allures de marathon. "Laëtitia vient de subir un électrocardiogramme et une échographie cardiaque, détaille sa mère. Un dopler est prévu." Devant elle, elle étale résultats d’examens et pièces du dossier de santé, qui semblent submerger la famille Celli peu à peu.
"J’en veux à ces médecins qui lui disent de reprendre le sport et qui soupçonnent une’maladie imaginaire’." Mais le mal, même mystérieux, est toujours présent. "Laëtitia vit comme une femme ménopausée." Alors, sur le site officiel de l’Afssaps et sur tous les forums santé du Net, Rachel -qui a cessé de travailler- et Laetitia ont accumulé de l’information sur le Gardasil et ses effets indésirables. Pour elles, la vaccination est en cause.
"Un rapport américain parle de 94 décès et de milliers de troubles sérieux", souligne Laëtitia. Elles ont contacté un avocat, Charles-Joseph Oudin, spécialiste des problèmes de santé, qui défend une cinquantaine de victimes du Mediator, le fameux produit du laboratoire Servier causant des cardiopathies vasculaires.
Une autre jeune fille, Laura Agnès, 16 ans, de Rives (Isère) qui souffre de maux semblables et de poly-radiculonévrite (affection du système nerveux), mais n’a pas fait la troisième injection, a fait la même démarche. Toutes deux ont déposé un dossier à la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des victimes. "Le fait de savoir si le Gardasil est efficace ou pas, s’il y a d’autres alternatives pour protéger les femmes du cancer du col de l’utérus, n’est pas mon débat, souligne Me Oudin. Il y a deux victimes qui ont développé des pathologies lourdes après le vaccin et ne les présentaient pas avant. Nous voulons établir s’il y a un lien. Pour le reste, on peut se poser des questions sur le matraquage dont a bénéficié le Gardasil."
Le laboratoire Sanofi-Pasteur MSD, qui fabrique le Gardasil, indique, par la voix du Dr Yan Leocmach, "qu’il compatit à la détresse de ces jeunes filles et collaborera totalement avec la commission d’indemnisation". Il rappelle que cette instance "peut dédommager une malade sans pour autant déterminer une faute". Alors que les spécialistes mettent en avant le rôle préventif fort du Gardasil, comme celui de son "parent" le Cervarix, dans un contexte général de méfiance sur la vaccination, Laëtitia veut "avant tout savoir et retrouver une vie normale, digne d’être vécue".