Egalité et Réconciliation
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Quelle est l’armée la plus puissante du monde ?

Si nous alignons les divisions et les matériels, ce sera, à n’en pas douter, l’armée américaine. Pourtant, il est évident que si elle se lançait à l’assaut de la Russie ou de la Chine, ses chances de succès avoisineraient zéro. En fait, la vrai question est : une armée pour quoi faire ? Ou plus précisément, mes objectifs sont-ils réalisables par mon armée ? Dans le cas contraire, dois-je augmenter ma puissance militaire ou revoir mes objectifs à la baisse ?

L’objectif de la Russie est la protection de son immense territoire, ce qui est, en soi, déjà un défi colossal. Avec sa panoplie d’armes nucléaires, il y a peu de chances qu’une invasion chinoise ou américaine menace la Russie. Le danger se situe davantage dans des conflits locaux de part et d’autre de ses frontières. Les derniers conflits en Tchétchénie et en Géorgie ont montré que son armée peut intervenir efficacement, tout en se tenant au principe sage, de ne pas demeurer dans un territoire qu’elle ne contrôle pas politiquement. Même si l’armée russe doit être modernisée, elle est d’ores et déjà capable de remplir les objectifs qui lui sont fixés.

L’armée américaine est dans une logique tout à fait différente. L’invasion de son territoire n’est pas à l’ordre du jour ; il y a peu de chance que le Mexique tente une offensive désespérée pour récupérer le Texas. Les objectifs de l’armée américaine ont été fixés par Donald Rumsfeld, dans la période d’euphorie qui a suivi la débacle de l’armée irakienne. Il s’agit de pouvoir mener parallèlement et victorieusement deux conflits de moyennes intensités. De ce point de vue, l’échec est total. Le semblant de paix en Irak a été obtenu en abandonnant le pays à l’équivalent d’une armée d’armistice, et l’histoire du XXème siècle nous rappelle que ce sont toujours ces armées d’armistice qui ont mis l’occupant dehors. En Afghanistan, la coalition est au bord de la défaite militaire, et cette aventure pourrait fort bien se finir en hélicoptère, sur le toit de l’ambassade américaine à Kaboul. L’Amérique doit donc soit encore intensifier son effort militaire, soit expliquer au complexe militaro-industriel que le temps des économies est venu.

Le territoire de la France n’est plus remis en cause et a été cimenté par une Histoire millénaire. Ses territoires d’outre-mer n’ont qu’une crainte, celle de l’indépendance, qui ramènerait leur niveau de vie à celui de Vanuatu. Enfin, son arme nucléaire et ses sous-marins lui permettent de vitrifier le territoire de n’importe quel ennemi, quelque soit sa taille. Une armée de taille moyenne avec quelques unités projetables dans certains pays africains pour y maintenir ses intérêts pétroliers devrait suffire. La France possède cette armée ; certes en très mauvais état si l’on en croit les confidences de ses officiers. Le problème est que l’on fait faire n’importe quoi à l’armée française depuis 20 ans. Les missions d’interposition en Afrique et surtout en ex-Yougoslavie ont mis nos soldats dans des situations aberrantes, leur ont désappris la guerre et ont épuisé le potentiel d’une armée, qui sert de budget de secours aux gouvernements qui se succèdent depuis 30 ans. Le summum de l’incohérence est atteint chaque jour en Afghanistan. S’il fut de bon ton pour la France de manifester sa solidarité avec les Etats-Unis en 2001, le maintien de ses unités depuis 8 ans n’a aucun sens dans une guerre perdue d’avance ou nos troupes, si courageuses soient-elles, n’influent ni sur le sort des combats, ni même sur les décisions de l’Etat major américain.

De ces trois armées, la plus faible est donc bien l’armée française, non pas par le nombre de chars, d’avions ou de soldats, mais par la disproportion entre des objectifs mal définis et sa capacité réelle. La France est une puissance d’équilibre à la fois continentale et maritime, elle doit rester l’arbitre des Nations comme elle le fut en 1966 ou en 2003, et ne pas se lancer dans des aventures militaires sans issues, qui brouillent l’image positive et pacifique que le général de Gaulle avait su créer.

Xavier Moreau