Présentée comme une « victoire féministe » par la presse, la très récente nomination de Christel Heydemann à la tête d’Orange pourrait bien cacher une réalité moins « progressiste »...
Après la nomination de Catherine MacGregor en 2020 à la direction générale d’Engie et prochainement celle d’Estelle Brachlianoff à la tête de Veolia et de Sabrina Soussan chez Suez, Christel Heydemann sera la quatrième femme dirigeante à la tête d’une entreprise du CAC 40. (L’Usine nouvelle)
Dix ans après le vote de la loi Copé-Zimmermann qui instaure un quota de 40 % de femmes au sein des conseils d’administration, le plafond de verre reste tenace pour l’arrivée de femmes aux plus hauts postes des grands groupes français. (Huffington Post)
Christel Heydemann (Orange)
« Elle coche toutes les cases. » (Les instances d’Orange)
« Elle admet avoir grandi dans les bonnes cases » (Le Nouvel Observateur)
Passée par le Boston Consulting Group (l’un des trois plus grands cabinets internationaux de conseil en stratégie du monde, avec Bain & Company et McKinsey & Company), Alcatel et Schneider Electric, Christel Heydemann occupe désormais le poste de directrice générale d’Orange, société française de télécommunications qui compte plus de 260 millions de clients dans le monde.
Née à Clarmart (Hauts-de-Seine), Christel Heydemann est la fille d’un ingénieur centralien d’origine allemande et d’une professeur d’université d’origine yougoslave. Selon Le Nouvel Observateur, « elle dit admirer son grand-père, un entrepreneur juif qui a quitté l’Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale pour refaire sa vie en France dans l’import de café. »
Son mari est le Franco-Allemand André Loesekrug-Pietri, gestionnaire de fonds d’investissement et actuel président de la Joint European Disruptive Initiative (une agence européenne chargée de la recherche et du développement des nouvelles technologies destinées à un usage militaire), diplômé d’HEC, de la Michigan Business School et du « Global Leadership & Public Policy Program » de la Harvard Kennedy School. Depuis 2013, André Loesekrug-Pietri est un Young Global Leader du Forum économique mondial de Davos (les membres de la communauté des Young Global Leaders s’investissent dans la 2030 Initiative, c’est-à-dire « l’établissement d’un plan d’action permettant de définir ce que sera le monde en 2030 »)
Un an avant son mari, Christel Heydemann était également nommée Young Global Leader du Forum économique mondial de Davos.
En 2018, elle est faite chevalier de la Légion d’honneur par Emmanuel Macron, lui-même Young Global Leader du Forum économique mondial de Davos depuis 2016.
Européiste convaincue, Christel Heydemann se déclare également féministe.
Poussée par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire selon les médias, c’est bien le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler qui a validé la nomination de Christel Heydemann à la tête d’Orange (l’État français est le principal actionnaire d’Orange avec 23 % des parts).
Sabrina Soussan (Suez)
Le profil à la fois très international et opérationnel de Mme Soussan a séduit les nouveaux actionnaires. (Le Monde)
Née en 1969 à Paris, la Franco-Allemande Sabrina Soussan est diplômée de l’École nationale supérieure de mécanique et d’aérotechnique de Poitiers et titulaire d’un Masters of Business Administration de l’université de Dublin (Irlande).
Après un passage en tant qu’ingénieur chez Renault, elle rejoint la multinationale allemande Siemens en 1997. Elle y restera vingt ans et deviendra directrice de la filiale Siemens Mobility, spécialisée dans l’activité transport.
Début 2021, Sabrina Soussan est nommée à la tête de la multinationale suisse Dormakaba, un groupe spécialisé dans l’industrie de la sécurité.
En 2022, Sabrina Soussan prendra les rênes de Suez, numéro un mondial de l’eau et des déchets.
« Soussan », qui est un dérivé de l’hébreu shôshannah, est un patronyme typique des populations juives d’Afrique du Nord.
Estelle Brachlianoff (Veolia)
À l’entendre, tout s’est passé le plus simplement du monde. (Businessofeminin)
Diplômée de l’École polytechnique et de l’École nationale des ponts et chaussées, Estelle Karine Brachlianoff intègre le groupe Veolia en 2005. Après être devenue en 2012 la responsable de l’activité en Angleterre et en Irlande de la multinationale française, elle passe directrice générale adjointe en juillet 2018. Elle sera officiellement directrice générale de Veolia le 1er juillet 2022.
Estelle Brachlianoff est également présidente de la Chambre de commerce franco-britannique depuis juin 2015.
En 2019, elle est nommée membre du conseil de surveillance d’Hermès International.
Estelle Brachlianoff est la petite-fille d’Arcady Brachlianoff, immigré bulgare devenu cinéaste...
Catherine MacGregor (Engie)
Globe trotteuse, Catherine MacGregor s’est forgée sur le terrain. (Ouest France)
Ingénieur diplômée de l’École centrale Paris, Catherine MacGregor a travaillé pendant vingt-trois ans chez Schlumberger Limited, multinationale de services et équipements pétroliers. Selon Wikipédia, « elle y dirige des activités de forage au Congo, en mer du Nord, aux États-Unis, en Malaisie, au Royaume-Uni et en France. Elle s’intéresse notamment à l’utilisation de la sismique 3D pour la récupération assistée du pétrole ».
Le conseil d’administration de Schlumberger ayant préféré nommer en 2019 Olivier Le Peuch au poste de président, Catherine MacGregor rejoint l’entreprise britannique TechnipFMC.
Elle est nommée directrice générale du groupe industriel énergétique français Engie le 2 octobre 2020 et succède à Isabelle Kocher, membre du club Le Siècle.
« MacGregor » est le nom de son premier mari écossais, son nom de naissance est Fiamma ; elle serait née en 1972 au Maroc de parents « d’origine corse et basque » (Info durable)...
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Derrière les grands titres de la presse en laisse célébrant la « féminisation » et la « parité », une autre réalité semble émerger... Une réalité avec un fort potentiel de chutzpah que nous ne faisons qu’interroger : un communautarisme pourrait-il en cacher un autre ?
Rappelons simplement que la piste que nous évoquons ici serait en cohérence avec le parcours des deux « pionnières » généralement citées en matière de féminisation du CAC 40 : Élisabeth Badinter (fille de Marcel Bleustein-Blanchet et épouse de Robert Badinter) qui fut présidente du conseil de surveillance de Publicis de 1996 à 2017 (elle céda alors la place à Maurice Lévy) ; et l’Américaine Patricia Fiorello Russo (membre du Jewish Community Foundation of Greater Metro West New Jersey) qui dirigea le groupe Alcatel (en tandem avec le Franco-Arménien Serge Tchurukdichian) de 2006 à 2008 à l’issue de la fusion Alcatel-Lucent...