Les citations sont extraites de L’histoire vécue, l’autobiographie de Pierre Clostermann parue chez Flammarion en 1998 (pp. 207-208) :
Fin février 1965, le président algérien Ben Bella convia l’aviateur et industriel français Pierre Clostermann à un séminaire afro-asiatique pour les affaires économiques. Lors du banquet attingent, l’ancien « héros de la France libre » se trouva placé à côté du nouvellement célèbre Ernesto « Che » Guevara avec qui il devisa de longues heures pendant et après le repas. Le révolutionnaire, qui venait de combattre à la tête de 125 guérilléros cubains comme encadrement des tribus Balubas et Batékés, lui confia sans détours son opinion sur les Africains :
« Il revenait d’Afrique où il avait mené le combat à la fois contre l’ONU au Katanga et contre Tchombé tentant d’organiser une réaction à la mort de Lumumba (…) Che avait vite compris, m’a t-il dit, que les Africains ne combattaient que pour massacrer les sans défense et pour piller. Inutile de leur parler d’idéal et d’indépendance. La chute d’Atshoma qui était sa base arrière bien fortifiée, confiée à un certain Kabila, couard, incompétent et vénal qui l’avait vendue aux Indiens de l’ONU, avait fini de l’écœurer et de lui démontrer qu’une révolution libératrice de l’homme était impossible dans ce continent trop vaste et affligé de forces centrifuges (…) à mes objections, il répondait que les Africains étaient décevants, incapables de raisonner à long terme, d’une sauvage cruauté atavique et aveugle. Rien à voir avec les plus pauvres des prolétaires d’Amérique du Sud, probablement parce qu’ils avaient du sang européen dans les veines, quoique presque tous métissés à l’exception des Argentins et des Chiliens (…) il m’a répondu, et je ne l’ai pas oublié venant de lui, que l’on pouvait toujours accuser les nations coloniales avec leurs frontières découpant l’Afrique au mépris des ethnies et de la géographie, mais que, même dans cent ans, ils seraient incapables de prendre en main leurs propres affaires sans revenir aux mœurs tribales du XVIII° siècle. La notion de démocratie serait toujours « manière comique des Blancs ».
« Ceux que vous rencontrez à l’ONU ou dans les ambassades baisant la main des dames ne font que nous singer pour nous faire plaisir ou obtenir des fonds ! »
En conséquence de tout cela il allait rentrer à Cuba et changer, non point de philosophie, mais d’objectif...